mercredi 17 janvier 2024

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR LE MASQUE D’ANUBIS DE FRANÇOIS RANNOU.

 

 On sait la relation qu’Anubis, le dieu chacal des égyptiens, entretient avec la mort et les techniques d’embaumement. François Rannou qui livre ici une suite concertée de poèmes nous faisant passer d’une salle d’hôpital à des paysages bretons à travers lesquels s’exprime son attachement à diverses figures en-allées, fait de l’écriture une façon de franchir, avec ses souvenirs et l’espérance baudelairienne, pourquoi pas, d’une révélation, les Hautes Portes du Temps. Tenant moins de l’épanchement que du discret viatique, ce bel ouvrage bien accompagné par notre amie Michèle Riesenmey, nous paraît à la fois proche et émouvant.

mardi 16 janvier 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LA POÉSIE EST SUR LA TABLE DE DENISE LE DANTEC AUX ÉDITIONS UNICITÉ.


 

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Plus de cinquante années après son premier livre, Métropole, paru en 1970 aux éditions P.J. Oswald, Denise Le Dantec continue comme elle l’écrit « à amasser de la lumière dans [son] sac ». Celle d’une poésie qui n’a que faire des simplismes, des intellectualismes, des formalismes, des platitudes, des renoncements ou des vulgarités contemporaines, mais qui, parfaitement au fait de tous les questionnements et de toutes les libertés qui auront marqué l’histoire poétique des cent dernières années, continue de porter au plus haut un désir de parole totalement ouvert sur le monde dans toute sa beauté comme dans sa non moins fondamentale monstruosité.

mardi 9 janvier 2024

QUELS VŒUX POUR 2024 ET POUR LA POÉSIE ?

 

Travaillant hier à présenter l’intéressant ouvrage de Typhaine Garnier et plus particulièrement l’image décapante qu’elle y donne, dans un certain nombre de passages, du Poète institutionnel et de la cour ridicule dont il est l’objet de la part de ces « têtes molles » qui affectent de le sacraliser, je suis retombé sur cette Physiologie du Poëte, illustrée par Daumier, que, sous le pseudonyme de Sylvius, on doit en fait à un certain Edmond Texier, poète défroqué devenu journaliste, qui tourne en dérision avec, ma foi, un certain talent les principaux poètes de son temps. [1]

J’avais eu recours à cette publication pour me moquer - hélas, j’ai ce tempérament - de certains de ces poétereaux qui multipliant les récriminations contre le peu d’espace accordé à LA POÉSIE, restent aveugles à l’écart astronomique qui existe entre la pauvreté de leurs propositions et l’ambition démesurée qui les porte. Dans la préface de son premier et quand même assez piètre recueil, intitulé En Avant ! Edmond Texier déclarait ainsi : « Fasse le ciel que notre livre tombe au milieu du monde, comme la pierre tombe dans le fleuve en excitant à la surface des cycles immenses et prolongés». Or, en matière de retentissement, chacun sait bien que l’ouvrage de poésie laisse plus souvent infiniment insensible la surface des eaux qu’il n’y produit ces cercles immenses et prolongés rêvés par notre aspirant poète. Et cela, en dehors bien sûr de l’outrance visible du propos, continue aujourd’hui, bien sûr, à faire bigrement question.

dimanche 7 janvier 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. VIDE-GRENIER DE TYPHAINE GARNIER CHEZ LURLURE.

 

Depuis ses Massacres dont j’ai pu saluer à leur sortie la « salubre » nécessité, pensant premièrement à ces enseignants qui, à la manière de ce personnage de Ferdydurke pleurant sur l’insensibilité de ses élèves, s’échinent toujours à faire d’autorité admirer en classe, des textes auxquels eux-mêmes restent parfaitement extérieurs pour ne pas dire étrangers, Typhaine Garnier semble avoir résolument engagé sa carrière littéraire sur le chemin du burlesque. On sait ce genre par les classiques méprisé car relevant d’une forme d’esprit visant à avilir plutôt qu’à l’ennoblir, notre humaine condition. Sainte-Beuve y voyait toutefois un heureux antidote aux boursouflures et aux excessives préciosités d’une littérature imbue de son importance. Pour ce qui est de Typhaine Garnier il semble bien que le style burlesque soit de façon plus générale encore, la meilleure façon de mettre à mal tout ce fourbis, cet attirail, ce grand capharnaüm de représentations plus ou moins convenues qui encombrent, de la naissance à la mort, nos imaginations et s’accordent au final à nous bourrer le mou.

Conçu à la façon d’une succession de petites annonces, type pourquoi pas bon coin, aspirant à débarrasser leurs propriétaires de toutes sortes d’objets de seconde ou de nième main, tout en faisant au chaland miroiter leur éminente valeur, l’ouvrage entreprend de liquider comme l’indique clairement la quatrième de couverture,  l’ensemble des souvenirs qui composent une vie : motifs de l’enfance, choses du cœur et déboires du corps … à quoi s’ajoutent aussi bien les tristes perspectives de l’âge et d’une mort vite expédiée, sans oublier le ridicule commerce des vaines gloires rancies célébrant à l’envie leur Chant sot.

Cela, on le verra, compose un livre terriblement réjouissant. Tant comme objet de langue que plus philosophiquement comme puissant remède aux marchandes idéalités du temps par quoi nos vies se voient de jour en jour artificialisées. Et cyniquement conduites à se désespérer. Dans un article de Sitaudis, François Huglo présente avec brio l’ouvrage, insistant en particulier sur sa proximité avec l’esprit animant le Rimbaud des Petites amoureuses voire des Accroupissements. Dans sa façon de s’en prendre à ce bon vieux sentimentalisme dégoulinant qui fait de tout niaiseries. J’engage ici mon lecteur à prendre connaissance de cet article qui rend ce Vide-grenier vraiment des plus désirables. Oui. Quand par exemple on voit ces beaux esprits diplômés, posant de surcroît à l’artiste, se pâmer devant les piteuses compositions qu’ils nous offrent en partage, comment ne pas se régaler de la prose inclémente mais si diablement inventive et intelligente de Typhaine Garnier tournant en dérision la visite de la « noble bâtisse » au fronton de laquelle fulgure en lettres capitales et dorées l’engageante inscription : CI-VIT / LE PLUS GRAND POÈTE / DE SA GÉNÉRATION !!!

Pour nous délivrer des postures. Des impostures. Dans l’attente du final compostage qui nous attend à Plurien (Côtes-d’Armor) ou à Hébécrevon (Manche) à moins que ce ne soit pour le fun à Moncrabeau[1] (Gers), capitale avouée des Menteurs où nous aussi, avons déjà nos habitudes. 

 



[1] C’est une des drôleries supplémentaires de l’ouvrage que de situer chacune des « annonces » dans un lieu bien précis de notre petite France, choisi pour son caractère improbable. Ainsi bien sûr que la façon comique qu’il a de résonner avec le texte. Ma référence particulière à Moncrabeau vient d’une suite de quelques posts Facebook où je me suis amusé à me moquer du narcissisme de certains de mes « amis » FB en me faisant passer pour citoyen d’honneur de la ville à l’intérieur de laquelle les libraires placent régulièrement en vitrine tous mes livres. On pourra pour le plaisir en lire ici un passage : "De telles rencontres ne pouvant se faire qu’à Moncrabeau c’est sous les grands arbres de la promenade Monbelle -Aygo que me fut accordé la surprise de croiser hier l’un de ces amis que seul FB est en mesure de vous donner. Et comme les soirées sont longues et belles en juillet je l’écoutais me décrire à l’envie ses voyages, ses rencontres, me vanter ses amis, sa famille, évoquer ses réussites professionnelles, ses extases culturelles aussi bien que gastronomiques, tirant de sa mémoire force clichés révélant son désir de se montrer expert sur tous les plans possibles d’existence… Comme on touchait quand même à l’entrée du Grand Hôtel des Monarques où j’ai ma suite réservée comme citoyen d’honneur de la localité et qu’il sentait peut-être qu’il commençait à me lasser, l’ami se mit à s’exclamer : Mon Dieu ! Je ne fais que parler, parler et ne sais toujours rien de toi. Alors dis moi franchement avant qu’on se sépare : tu l’as trouvé comment mon dernier recueil ?".

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS : LE GRAND POÈTE AT HOME PAR TYPHAINE GARNIER.

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vendredi 29 décembre 2023

À PROPOS DE L’EXPOSITION ROTHKO. VERS UN TOTALITARISME MARCHAND.


 

« Quand j’étais jeune homme l’art se suffisait à lui-même : il n’y avait ni galeries ni collectionneurs, ni critiques, ni argent. Puisqu’il s’agissait d’un âge d’or, nous n’avions rien à perdre et une vision à élaborer. Aujourd’hui ce n’est plus pareil »[1]

 

Il y a quelque chose de l’imposture dans ces retentissants autant que terribles évènements muséaux où les publics sont invitées à « une relation de soi à soi, au plus intime [2] » devant une accumulation d’œuvres sensées les inciter à la contemplation, la méditation, voire à venir ressentir en foules une expérience unique à caractère mystique… Entraînés, poussés, pressés, par le devoir d’admirer, notre petite bourgeoisie touristique éprise comme toujours de distinction s’est mise à se précipiter aux grandes expositions, rendant de plus en plus insupportable ce qu’on appelait autrefois leur « visite », devenue aujourd’hui « parcours », sorte d’épreuve consistant davantage à tenter d’éviter de heurter ses voisins, de se rapprocher comme on peut des tableaux, de s’y placer à bonne distance sans que leur vue n’en soit dérangée par le passage de ces groupes se contentant de ne leur jeter sans s’arrêter qu’un regard fatigué ou de ces obsédés du cliché venus avant tout enrichir leur collection d’images numériques pour se prouver à eux-mêmes ainsi qu’à leurs proches, qu’ils y étaient ! Et qu’ils existent vraiment.

vendredi 22 décembre 2023

DES VÉNUS VÉNITIENNES JOUANT DE LA MUSIQUE.

 

Je ne suis pas un grand « fan » de ce que je connais de l’œuvre de Micheli Parrasio. Dont l’ouvrage que je préfère est cette allégorie de la musique, vue il y a une grosse dizaine d’années à Budapest et dont j’ai depuis remarqué qu’il en existait dispersées un peu partout de nombreuses versions. Ami du Titien, il serait peut-être l’auteur du martyre de Saint Georges parfois aussi attribué à Alessandro Turchi qu’on peut aller voir au Musée des Beaux-Arts de Lille où il est entré comme une œuvre de Veronèse du style duquel il aura fini par se rapprocher.

Je me suis amusé ici à combiner plusieurs des compositions qu’il s’est, sans doute avec l’aide des peintres de son atelier, ingénié à produire et reproduire pour satisfaire la clientèle cosmopolite de son époque. Afin d’en conserver une manière de souvenir. Me rappeler aussi que l’art ne vit pas que de grands maîtres et de génies éblouissants mais aussi de talentueux suiveurs dont le premier mérite est sans doute de bien choisir ceux qui, plus grands qu’eux, les inspirent.

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS : TROIS FEMMES ENCORE PLUS UNE AUTRICE FEINTE.


 Rare de recevoir le même jour quatre ouvrages qu'on a tous envie de lire. Merci à leur auteur, leur éditeur de me les avoir adressés. On remarquera qu'il est bien loin le temps où pour se faire mieux lire les femmes imaginaient se doter d'un patronyme accompagné d'un prénom masculin. Intéressant renversement que de voir, même si ce n'est pas du tout pour les mêmes raisons, un auteur bien connu réaliser le trajet inverse.