vendredi 10 novembre 2023

UN VIDEO-POÈME DE MILÈNE TOURNIER POUR LES ÉLÈVES DU LYCÉE BERTHELOT DE CALAIS.

NICOLAS DE STAEL PLAGE DE CALAIS, 1954
 

 C’était en début de semaine. Dans le cadre de sa sélection pour le Prix des Découvreurs 2023-24, Milène Tournier s’est rendu au lycée Berthelot de Calais pour rencontrer des élèves de BTS et évoquer avec eux sa façon, singulière, d’envisager le voyage. On sait que ce thème est à leur programme. Pour prolonger cet échange Milène a réalisé à partir des quelques heures où elle aura pu déambuler dans Calais, un de ces video-poèmes qu’elle publie régulièrement sur sa chaîne youtube. Elle le dédie aujourd’hui, pas seulement aux jeunes qu’elle a rencontrés, mais à l’ensemble des habitants de Calais, qui nous l’espérons seront sensibles à ce regard porté par cette artiste qui compte parmi les plus intéressants du moment. Merci à elle.

Voir le video-poème :  https://www.youtube.com/watch?v=sYDndr2HvII

mercredi 8 novembre 2023

SUR LE VOYAGE INTÉRIEUR DE GÉRARD CARTIER CHEZ FLAMMARION.

Merci à Gérard Cartier pour l’envoi de sa « Franciade[1] ». Une Franciade comme il dit, du pays ordinaire. Pas si ordinaire que cela quand même sous la plume d’un poète chez lequel mémoires, cultures, engagements[2]- je mets volontiers tous ces termes au pluriel - composent une sensibilité à la fois curieuse et labile en résonance avec l’immense diversité des choses. Jusque dans leur absence[3].

Inspiré par Le Tour de la France de deux enfants, d’Augustine Fouillée, dont il évoque d’ailleurs la tombe délaissée au cimetière du Trabuquet de Menton[4], ainsi que par Le Dépaysement de Jean-Claude Bailly qu’on ne saurait non plus trop recommander, l’ouvrage de Gérard Cartier constitue une somme de près de 500 pages qui nous fait de lieu en lieu passer, mais qu’on ne lira sans doute pas autrement qu’en vagabondant soi-même par ses propres chemins. À partir par exemple des lieux de France dont on a soi-même connaissance. Comprenant bien que ce Voyage auquel l’auteur nous invite est avant tout, comme l’indique bien son titre, un voyage intérieur[5]. Que pas toujours secrètement en effet, colorent la nostalgie, le sentiment de sa propre impuissance, le regret quand ce n’est pas l’amertume de voir le monde tel qu’il va, tel qu’il devient, notamment pour lui dans la forme abâtardie de sa langue[6].

vendredi 20 octobre 2023

RECOMMANDATION DECOUVREURS. LETTRES À MADAME DE NATHANAËLLE QUOIREZ CHEZ LURLURE.

Je ne voudrais pas partir pour quelques jours loin de chez moi sans dire tout le bien que je pense déjà du livre pour l’instant simplement lu de la jeune Nathanaëlle Quoirez que m’ont adressé les éditions lurlure. Au sein de toutes ces écritures du je qui souvent me semblent ne faire que se répéter, se paraphraser les unes les autres, celle que propose N. Quoirez avec Lettres à Madame se distingue des plus fortement par une puissance d’expression et d’inventivité peu commune. Certes cet ensemble de lettres, entrecoupé de poèmes en vers, adressé à une figure qui reste pour nous fuyante, énergiquement fantasmée, dans un style où les mots comme les phrases s’enchaînent de façon presque toujours déroutante, rebutera ces lecteurs toujours empressés de traduire ce qu’ils lisent dans le langage à leurs yeux nécessaire des évidences communes. Pour ma part je ne suis pas de ceux qu’impressionne a priori l’obscurité et qui s’empressent de trouver géniales les productions de l’esprit auxquelles ils ne comprennent rien. Il me faut sentir dans ce que je lis une véritable pulsion créatrice. L’évidence aussi d’un désir de parole et de vie. Ainsi qu’une maîtrise de la dite parole. Que je ressens dans ses effets. Je crois avoir trouvé cela dans le livre de N. Quoirez qui de l’extrême modernité où pourtant elle se situe, sa crudité parfois, ses provocations, ses déchirures, le grand écart qu'elle accomplit entre les plus sordides réalités du sexe et les plus hautes aspirations de l'âme, sonne dans ses rythmes surtout, sa tenue, sa superbe, comme un texte du XVIII voire un prolongement des Lettres fameuses de la Religieuse portugaise. Passées par les Chants de Maldoror. Une Saison en enfer. Voire encore certains textes d'Artaud.

Voir sur le site de l'éditeur pour en lire les premières pages.


jeudi 19 octobre 2023

CUEILLIR AUJOURD'HUI LES OLIVES AVEC JEAN GIONO.

Cliquer pour ouvrir le PDF
 

 Cueillir les premières olives en regardant la mer. Un court échange avec Gérard Cartier me remémore la présentation que j’ai faite il y aura bientôt huit ans du magnifique livre de Giono, Noé, que je ne saurais trop inciter chacun, s’il ne l’a déjà fait, à lire.

Dans cet ouvrage la cueillette des olives constitue un moment marquant de la construction par l’auteur de son univers propre. Je reprends aujourd’hui, avant d’abandonner pour deux bonnes semaines, les activités que j’entreprends autour de ce blog, et de rejoindre notre petite oliveraie ligure, la publication d’une bonne dizaine de pages que j’ai réalisée autour de ce passage capital. Ce travail, déjà téléchargé plus de 400 fois, me paraît mériter d’être à nouveau proposé à l’attention.

samedi 14 octobre 2023

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. UN POÈME DE JAN WAGNER SUR UN TABLEAU DE LAVINIA FONTANA.

CLIQUER POUR LIRE L'ENSEMBLE DU POÈME.

 

C’est dans le livre de Jan Wagner, australie, dont j’ai récemment rendu compte ici, que j’ai découvert l’existence du portrait de la petite Antonietta, fille d’un « sauvage » ramené des îles Canaries et atteinte de cette rare, très rare maladie, l’hypertrichose qu’il ne faut pas confondre avec l’hirsutisme, beaucoup plus répandue. Ce portrait réalisé en 1595, à Bologne, sans doute à la demande du grand naturaliste de la Renaissance Ulysse Aldrovandi, par la peintre Lavinia Fontana, se trouve depuis quelques années au Château Royal de Blois en souvenir du premier « possesseur » de la famille Gonzalez dont Antonietta est la fille, Henri II. C’est à la mort de ce dernier que son épouse Catherine de Médicis aurait cédé les Gonzalez à ses cousins de Parme. (voir mon précédent article : Des sauvages et des poils)

Antonietta et son père lui-même atteint d’hypertrichose, maladie d’origine génétique, faisaient partie de ces « mirabilia » , c’est-à-dire de ces créations de la nature qui excitent la curiosité, l’étonnement ou l’effroi, c’est selon, dont les hommes de la Renaissance se montrèrent si friands. Qu’on pense à ces Cabinets de curiosité que tous les grands personnages de l’époque se devaient de posséder. Le système de pensée de l’époque étant profondément différent du nôtre comme l’aura bien montré par exemple Michel Foucault dans Les Mots et les choses, voyait dans les créatures humaines comme les Gonzalez, ni tout à fait des êtres humains, ni tout à fait des bêtes, mais à cause du lien avec l’animal qu’induit leur pilosité assimilée à un pelage, les considérait comme des êtres hybrides qui ne pouvaient qu’être dépourvus d’âme. Ce qui ne les empêchait pas de se voir confier certaines fonctions. Le père d’Antonietta par exemple fut formé aux humanités, apprit le latin et accéda auprès d’Henri II à la charge d’aide porteur du pain de sa Majesté.

Se posant devant la petite toile de Blois enfermée dans son cube de verre, le poète ici laisse libre cours à ce sentiment d’empathie qu’on ne peut manquer d’éprouver devant le visage de cette petite fille dont finalement on ne sait et ne saura rien de la façon dont elle aura personnellement vécu son étrange situation. C’est souvent l’intérêt de la poésie de Jan Wagner que de nous faire partager sa curiosité du monde et de nous faire voyager aussi bien dans le temps que dans l’espace. Dans l’infinie réalité des choses comme dans l’imagination qu’on en a.

vendredi 13 octobre 2023

DES SAUVAGES ET DES POILS. AUTOUR D’UN TABLEAU DE LAVINIA FONTANA.

Avril 1594. C’est une belle après-midi de printemps, à Bologne. Dans l’une des pièces de la vaste demeure que le savant docteur Aldrovandi a transformé en l’un des plus illustres cabinets de curiosités d’Europe, se tient une petite fille qui ne semble pas être âgée de plus de six ou 7 ans. Elle est venue en habits de cour. Elle qui  pourtant est la fille de ce qu’on appelait à l’époque, un sauvage, un guanche, un indigène des Canaries[1], dont une expédition l’a autrefois tiré quand il n’était encore qu’adolescent, porte en effet dentelles et broderies. Mais là n’est pas sa seule singularité. Antonietta Gonzalez, c’est le nom qu’on a donné à cette souriante poupée,  présente un visage hirsute, presque entièrement couvert de poils qui la fait ressembler à l’un de ces petits singes qui une bonne centaine d’années plus tard viendront à Chantilly, spirituellement orner le boudoir du rez-de-chaussée des appartements du Prince de Condé[2]. Un monstre ? Sans doute pas tout à fait aux yeux de ceux qui la possèdent et se la remettent en cadeau comme si elle n’était qu’un objet. Une de ces raretés plutôt, de ces amusoires, qu’il est de bon ton d’exhiber à ses côtés pour mieux se distinguer.[3]