Avec ça veut dire quoi partir,
Prix des Découvreurs 2024, j’ai appris à connaître la poésie de François
Coudray et la façon qu’elle a de tourner, pas simplement de tourner mais aussi
se retourner puis s’enfoncer dans la béance d’une absence. Celle en l’occurrence
pour lui du frère qui n’aura pas supporté, un jour, la blessure pour lui de la
vie.
L’ouvrage que les éditions L’Ail
des ours a dernièrement publié de lui continue cette exploration en la
rapportant également à la figure disparue de deux grand-mères, Yvonne et
Juliette, auxquelles le poème des pages 7 à 11 est adressé. Et si le livre est
court, comme le veut le principe apparemment de la collection, une vingtaine de
pages, accompagnées de reproductions de gouaches de Renaud Allirand, il n’en
parvient pas moins à faire sentir au lecteur ce sourd travail du temps qui à
l’intérieur de nous rassemble dans un présent qui n’en finit pas de se succéder
à lui-même tout un passé qui s’effaçant continue avec nous de faire obscurément
corps.
Histoire de toucher. De tact. La
main tout au long de ces pages fragiles sera l’image de ce qui dans le poème
comme dans l’émouvante et physique réalité fait tout autant signe de deuil que de
tendresse, d’attachement. Que ce soit la main dans le souvenir, vieille, qui
« caresse grumeaux de farine sur la toile cirée de la cuisine » ou
celle fantasmée du frère qui vous envoie d’un geste comme un « avion de
papier » loin de lui sur la dune, la main des disparus reste, pour
François Coudray, celle avant tout qui guide cette autre main qui, dans le
poème, cherche le texte qui tout en leur offrant demeure les laissera libres
aussi de s’éloigner de lui.