vendredi 21 février 2025

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. ÉRIC SAUTOU, LE SOUVENIR, AUX ÉDITIONS UNES.


 

Rassemblant les doutes, les inquiétudes, les interrogations, les images, les attentes, les constats souvent douloureux, qui font pour lui toute l’obsession de sa relation incomplète avec la vie, Éric Sautou, dans la claire et transparente opacité de son dernier livre, ne cesse d’exposer son existence à la plaque sensible d’une parole dont il faut entendre l’émouvante et incisive vibration.

Lire un livre d’Éric Sautou constitue toujours en effet une expérience singulière. Celle insaisissable et fascinante d’un trouble. L’impression bien particulière de s’y sentir devenir comme le confident d’une âme qui clairement se livre à vous en même temps qu’elle se dérobe. Qui, tout en prenant prétexte de vous pour se dire si possible aussi à elle-même, s’est arrangée pour que « rien ne fût dit (ou presque) » et que « ce ne fût pas non plus écrit de trop près ».

Pourtant, présenté par son éditeur comme une forme d’autoportrait, Le Souvenir,  d’Éric Sautou, n’est pas avare de mots. De phrases. L’ouvrage en effet est dense et procède à la façon « d’un assemblage mouvant comme la mémoire » dans lequel les parties de longueur inégale se succèdent sans céder trop de place au blanc, le plus souvent donc sur la même page, annoncées par un titre en capitales qu’il faut s’habituer à reprendre au début de chaque vers qui vient lui servir d’expansion. Ce procédé à la fois très simple et singulier n’empêche pas si l’on veut de lire aussi chaque suite paratactique de vers à la façon d’un poème ordinaire où viendraient affleurer dans un beau désordre les choses et les pensées multiples venues faire lien avec la vie.

Une vie donc qui s’expose. Mais à travers des souvenirs, des confidences, des mots, dont l’auteur sait à quel point ils restent impuissants quand même à circonscrire, à définir puis arrêter sur soi la moindre vérité. « J’écris/ je ne me définis pas/ je ne me vois pas bien/ on ne me rencontre pas » déclare, déplore, feint de déplorer, Éric Sautou tout à la fin de son livre, dans un texte placé en regard d’un autre plus long poème intitulé LA VRAIE PERSONNE qui après s’être penché, toujours de façon déroutante, sur la façon dont s’est écrit le livre se termine sur un double et certes bien ironique aveu : «  je voulais mon nom un peu quelque part (dans un livre par exemple)/ mais bon après c’est bon c’est oublié ».

Ne cherchons donc pas à travers ce livre en apparence portrait le vrai visage de son auteur. « Les mots nous prévient-il s’ajoutent à la chose de vivre  […] qui suis-je là où j’écris ? ». Contentons-nous avec lui d’en accueillir les notes. Leur son et les silences. Qui restent ceux, mêlés, adverses, toujours uniques, et renaissant, pour lui, sans cesse de la vie.

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