Quelques images donc de la Fille du Tintoret. La seule dont on soit à peu près sûr est celle du centre : son autoportrait au madrigal de la Galerie des Offices à Florence. Sur notre gauche, au-dessus, le portrait de femme généralement attribué à son père serait selon les spécialistes de sa main. Comme le portrait d'homme sur la droite attribué à son frère serait en fait un autoportrait en vêtements d'homme lui aussi de sa main. La bande du bas correspond à une partie du tableau de Cogniet qu'évoque mon précédent article.
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
mardi 1 octobre 2024
IMAGES QUI DEMEURENT DE LA TINTORETTA.
AUTOUR D’UN POÈME DE JEAN FOLLAIN ET DE LA FILLE DU TINTORET.
Le Tintoret peignit sa fille morte
il passait des voitures au loin
le peintre est mort à son tour
de longs rails aujourd'hui
corsètent la terre
et la cisèlent
la Renaissance résiste
dans le clair-obscur des musées
les voix muent
souvent même le silence
est comme épuisé
mais la pomme rouge demeure.
Jean Follain, Les choses données, Seghers, 1952
C’est peut-être, qui sait, du souvenir en lui d’un tableau du peintre français Louis Cogniet représentant le peintre vénitien Tintoret traçant une dernière image de son enfant bien aimée, que part le beau poème de Jean Follain.
samedi 28 septembre 2024
PHILOSOPHIE JARDINIÈRE. LE SOC DE YANNICK FASSIER AUX ÉDITIONS TARMAC.
Je ne sais trop pourquoi j’ai reçu, il y a quelques jours, ce premier ouvrage d’un certain Yannick Fassier, intitulé Le Soc, sorti chez Tarmac éditions. Même s’il m’arrive effectivement de rendre compte d’ouvrages qui ne sont pas de poésie, ce sont essentiellement les poètes et leurs éditeurs qui m’adressent leurs livres. J’ai donc regardé avec une certaine curiosité ce livre dont le sous-titre, Matrice & Machines, I, m’a d’abord fait un peu peur comme d’ailleurs certains intertitres en caractères gras, Sympoïèse 0, Sympoïèse 1, Sympoïèse 2 etc…, ou Nappes noétiques, qui échappaient à mes capacités immédiates de compréhension. Éprouvant alors la tentation de remiser l’ouvrage en compagnie de ceux dont je sais que je n’aurai ni le temps ni l’envie de rendre avant de mourir compte, j’ai quand même pris sur moi d’en lire un peu au hasard quelques pages pour tranquilliser ma conscience…
Bien sans doute m’en a pris. L’ouvrage de Yannick Fassier tout nourri qu’il est de pensée en apparence complexe n’a rien qui puisse rebuter le lecteur bénévole – dont je suis - qui ne déteste rien plus que l’infecte prétention de ceux et celles qui se parent des oripeaux des grands noms de l’art et de la littérature pour couvrir leur très bourgeoise et stérile pensée.
mercredi 25 septembre 2024
RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : LE TUTOIEMENT DES MORTS D’ALEXANDRE BILLON À L’ARBRE VENGEUR.
« - Est-ce que tu aimes la vie ?
C’est la question qu’il me posa alors et c’est la scène où j’ai bu et rebu en secret toute ma vie. Une question brutale, un peu trop grande pour l’enfant que j’étais. [1]»
Récit autobiographique, roman philosophique, posthume déclaration d’amour, autofiction poétique ou comme le présente son éditeur, essai confessionnel, ce Tutoiement des morts du poète[2] et professeur de philosophie Alexandre Billon, paru à l’Arbre vengeur, pour difficile qu’il soit à définir avec exactitude, tant il se joue avec une tranquille assurance des codes traditionnels, est un ouvrage avant tout fortement personnel, un de ces ouvrages qui nourri en profondeur de toute une histoire, une expérience, une connaissance inquiètes de la vie, tente de répondre à certaines des interrogations fondamentales qui si elles se sont bien et durablement posées à son auteur, nous concernent en fait tous.
dimanche 22 septembre 2024
UN NOUVEAU NUMÉRO DE NOS NOUVEAUX PARTAGES AVEC JEAN-CHRISTOPHE BELLEVEAUX & FLORA GUILLAIN.
![]() |
CLIQUER DANS L'IMAGE POUR DÉCOUVRIR CE CAHIER |
Il y a quelques semaines, ma fille Flora a partagé avec moi une série de photos prises à Essaouira (Maroc). Sans être du tout photographe, ne disposant d’ailleurs pas d’autre matériel qu’un banal photophone, Flora, qui est paysagiste, possède une sensibilité aux choses et à l’image qui ont fait qu’immédiatement ces photos m’ont parlé. Bien au-delà de toute référence touristique. Ce qui m’a donné envie de les associer à des mots. J’ai commencé à le faire en leur imaginant des titres un peu personnels tels que Hommage à Nicolas de Staël pour la photo qu’on trouvera page 4 du présent livret. Puis ayant repris il y a quelques mois l’édition de la revue numérique pARTages, en orientant les nouveaux numéros vers ce que je présente comme une ouverture plus large encore au monde et à l’Histoire de notre temps, j’ai eu l’idée de rassembler un certain nombre de ces photos en les associant au travail d’un poète dont l’œuvre serait aussi principalement tournée vers la découverte de soi et le voyage. J’ai très vite pensé à Jean-Christophe Belleveaux dont le récent ouvrage, précisément intitulé Les lointains, chez Faï fioc a confirmé tout le bien que je pensais déjà de cet auteur découvert il y a une quinzaine d’années avec son machine-gun, publié chez Potentille.
samedi 21 septembre 2024
HOMMAGE À PAUL LE JÉLOUX, POÈTE, 1955-2015.
Paul Le Jéloux est apparemment de
ces poètes que l’intérêt que présente leur œuvre n’aura hélas pas empêché
d’être vite oublié. J’écris apparemment, car avant que sa nièce ne
m’envoie le poème que je tiens aujourd’hui à partager sur ce blog, son nom n’était
resté pour moi qu’un nom.
vendredi 20 septembre 2024
mercredi 18 septembre 2024
mardi 17 septembre 2024
CONTOURS PERDUS. 13 POÈMES RETROUVÉS DE GEORGES GUILLAIN.
Très longtemps j’ai considéré la poésie comme une façon pour moi d’être aussi un peu peintre. Non plus le peintre d’une réalité extérieure que je me serais employé à rendre parfaitement reconnaissable mais celui d’une autre dimension de réalité qui, intérieure, prenant forme dans l’espace rendu sensible d’un langage – peut-être devrais-je dire ici d’une langue – rendrait physiquement, émotivement et pourquoi pas intelligemment, compte d’une expérience de vie. Même si cette dernière ne se limite qu’au seul moment, parfois très long, de l’écriture.
En dessin, un contour perdu est un contour qui s’estompe, s’efface, disparaît avant de répparaître plus loin. Les quelques poèmes que j’ai rassemblés sous cette appellation ont été écrits au cours de la dernière décennie du siècle passé. Comme beaucoup de mes textes je n’ai pas cherché à les faire publier. J’en ai seulement utilisé des éléments dans une section d’avec la terre au bout publié en 2011 à l’Atelier La Feugraie. Si je les expose aujourd’hui sur ce blog , les faisant ainsi réapparaître autrement à mes yeux, c’est qu’ils me semblent toujours dire quelque chose, par eux-mêmes, de la parole poétique. Sa façon d’aller vers. D’être toujours en mouvement. Habitée qu’elle est d’une tension vitale, d’une énergie, d’une attention, qui, bien que vaillamment portée à ce qui au fond fait notre commune et fuyante existence, ne l’empêche malheureusement pas de se perdre, tomber, dans beaucoup de vide ou de silence.
Je vois comme nombre de poètes véritables souffrent de n’être pas entendus. Mais j’ai depuis longtemps compris que c’était là, le plus souvent, le lot de tous ceux qui, en matière d’art, ne se voient pas portés par la puissance des amitiés, des réseaux, par l’opportune façon aussi dont leur travail en arrive volontairement ou non à croiser les formes, thématiques, problématiques voire les modes, emballements ou postures du moment.
Déconcertante, toute poésie véritable, finit toutefois toujours par trouver son lecteur. Ne serait-ce qu’à travers la redécouverte qu’en fait ensuite, parfois beaucoup plus tard, son auteur. Qui réapprend ainsi à se connaître. Dans ce qu’il eut un jour, un moment, superbement à vivre, à travers la façon dont sans se soucier plus avant que la cheminée soit vide, il aura su souffler sur la braise des mots.
dimanche 15 septembre 2024
RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : LES REBELLES MAGNIFIQUES D’ANDREA WULF AUX ÉDITIONS NOIR ET BLANC.
Iéna, 2024. Flânant dans les rues de la ville, le voyageur qui, acceptant de détourner les yeux de son téléphone portable, s’écarte un peu de l’ancienne place du Marché où se trouve l’Hôtel de Ville, peut découvrir devant un bâtiment d’apparence plus ancienne que les modernes constructions qui l’entourent, les bustes bien alignés de trois des personnalités qui en l’espace des quelques années qu’elles y auront vécu, auront contribué à faire de cette petite ville de Thuringe ne comptant à l’époque qu’à peine quelques dizaines de milliers d’habitants, l’un des foyers intellectuels les plus importants d’Europe, le lieu fondateur du Romantisme et de l’idéalisme allemand. Ces bustes sont ceux de Caroline Michaelis-Böhmer-Schlegel-Schelling[1], d’August-Wilhelm Schlegel et de son frère Friedrich.
Sait-il que sa façon qu’il imagine propre et peut-être même naturelle de voir le monde et de concevoir sa réalité personnelle doivent sans doute tout ou presque – n’exagérons pas – non pas seulement à ces trois êtres mais à ceux qui à un moment bien particulier de l’Histoire, en pleines guerres napoléoniennes, ont gravité, ici autour d’eux[2].