J’étais passé, quand il est paru en 2019, à côté de ce petit livre d’une cinquantaine de pages que son auteur, Clara Regy, vient de m’adresser. Ourlet II qui fait suite à un livret d’une quinzaine de textes publiés par la Porte, est un ouvrage touchant. Profondément filial, il a le mérite parmi la somme des publications qui aujourd’hui exploitent le filon des relations intra-familiales, de sonner juste et d’évoquer avec retenue et simplicité cette relation père/fille, passé/présent, intériorité/extériorité, que les mots quels qu’ils soient, peineront toujours à circonscrire.
Le titre de prime abord un peu mystérieux, Ourlet,
donne finalement la clé de ce travail délicat qui aura consisté pour l’auteur non
pas à tenter de dresser un portrait en habits du père mais à en replier les
bords de manière à empêcher, au moins pour elle, que son existence ne s’effiloche
et à coudre ces bords – les mots repris d’un carnet - en leur ajoutant pour les
renforcer la bande rapportée de ses mots propres.
Avec une tendresse visible, mêlée cependant de la secrète tristesse des blessures enfouies, de la reconnaissance aussi du passage du temps, le texte croise donc ici deux existences non dans leur consistance
pleine et entière, mais dans les bords qu’elles se donnent, l’une, celle du
père, à travers la notation purement factuelle des activités, principalement
jardinières et météorologiques, autour desquelles il a pris l’habitude d’organiser
sa mémoire, l’autre celle de la fille, sous forme de parole adressée, tentant
par ses commentaires de prolonger la première dans l'émotion contenue de son intériorité.
Le dispositif est ainsi tout simple qui rapporte en
caractères gras, sur la page de gauche le court menu des jours noté dans le
carnet du père et sur la page de droite en caractères réguliers le poème par
lequel la fille fait réponse. Avant que les deux voix ne se rassemblent sur la
même page. À droite.
Puis à gauche.
Je le dis assez souvent. Les mots ne sont que directions. Très souvent d’ailleurs maladroites. Et ne sont rien pour nous si nous nous montrons incapables de les prolonger en intelligence et sensibilité. J’aime que cet émouvant travail de Clara Regy nous le rappelle. Lui qui se confrontant à l’opacité naturelle d’un être, on le sent, profondément aimé, travaille à prolonger les miettes qu’il a laissées de mots, pour lui redonner avec d'autres paroles, un peu de son épaisseur de vie.
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