Bien envie de faire découvrir à l’occasion du prochain prix
des Découvreurs dont nous devons très prochainement délivrer la sélection, la
poète polonaise Wisława Szymborska, dont la collection Poésie/Gallimard a récemment
fait paraître une anthologie dont le titre, De
la mort sans exagérer rien que lui déjà interpelle fortement.
EXTRAIT :
Wisława Szymborska – De la mort sans exagérer
Elle n’entend rien aux blagues,
aux étoiles, ni aux ponts,
au tissage, ni aux mines, ni au labourage,
ni aux chantiers navals, ni à la pâtisserie.
Quand elle se mêle de nos projets d’avenir,
elle a toujours le dernier mot
hors sujet.
Elle ne sait même pas faire
ce qui directement se rapporte à son art :
ni creuser une tombe,
ni bâcler un cercueil,
ni nettoyer après.
Toute à sa tuerie,
elle fait toujours n’importe quoi,
sans méthode ni doigté,
comme si sur chacun de nous elle faisait ses gammes.
Plus d’un triomphe sans doute,
mais combien de défaites,
de coups pour rien,
d’expériences à refaire.
Parfois, n’arrive même pas
à descendre une mouche au vol.
et combien de chenilles
l’ont coiffée au poteau.
D’ailleurs ces bulbes, gousses,
antennes, palmes, branchies,
les plumages nuptiaux, les fourrures d’hiver,
attestent du retard
dans son veule travail.
Toute la mauvaise foi ne saurait y suffire,
ni même nos coups de main en guerres et révolutions,
du moins pour l’instant.
Des coeurs battent dans les coquilles d’oeuf.
Poussent les squelettes des bébés.
Les graines en arrivent à leurs premières feuilles.
Et parfois même aux arbres immenses sur l’horizon.
Quiconque prétend donc qu’elle est omnipotente
est la preuve vivante,
qu’elle ne l’est pas du tout.
Il n’est point de vie qui
ne soit immortelle, même
pour un petit instant.
La mort
est toujours en retard de cet instant précis.
En vain agite-t-elle la poignée
de la porte invisible.
Le peu que nous ayons pu,
elle ne peut le reprendre.
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