jeudi 4 avril 2019

POUR WISLAWA SZYMBORSKA. NOUS SOUCIER AVANT TOUT DES PAROLES VIVANTES !

Bien envie de faire découvrir à l’occasion du prochain prix des Découvreurs dont nous devons très prochainement délivrer la sélection, la poète polonaise Wisława Szymborska, dont la collection Poésie/Gallimard a récemment fait paraître une anthologie dont le titre, De la mort sans exagérer rien que lui déjà interpelle fortement.

Je sais que malheureusement Szymborska n’est plus de ce monde et que nous sélectionnons en principe des poètes vivants. Mais n’est-ce pas surtout de paroles vivantes, d’une poésie forte et claire, capable avant tout de dire et de faire sentir et comprendre ce qui dans la vie et pour l’homme doit rester nécessaire, que nous devons nous soucier. Pour la faire connaître et partager. 



EXTRAIT :

Wisława Szymborska – De la mort sans exagérer

Elle n’entend rien aux blagues,
aux étoiles, ni aux ponts,
au tissage, ni aux mines, ni au labourage,
ni aux chantiers navals, ni à la pâtisserie.

Quand elle se mêle de nos projets d’avenir,
elle a toujours le dernier mot
hors sujet.

Elle ne sait même pas faire
ce qui directement se rapporte à son art :
ni creuser une tombe,
ni bâcler un cercueil,
ni nettoyer après.


Toute à sa tuerie,
elle fait toujours n’importe quoi,
sans méthode ni doigté,
comme si sur chacun de nous elle faisait ses gammes.

Plus d’un triomphe sans doute,
mais combien de défaites,
de coups pour rien,
d’expériences à refaire.

Parfois, n’arrive même pas
à descendre une mouche au vol.
et combien de chenilles
l’ont coiffée au poteau.

D’ailleurs ces bulbes, gousses,
antennes, palmes, branchies,
les plumages nuptiaux, les fourrures d’hiver,
attestent du retard
dans son veule travail.

Toute la mauvaise foi ne saurait y suffire,
ni même nos coups de main en guerres et révolutions,
du moins pour l’instant.

Des coeurs battent dans les coquilles d’oeuf.
Poussent les squelettes des bébés.
Les graines en arrivent à leurs premières feuilles.
Et parfois même aux arbres immenses sur l’horizon.

Quiconque prétend donc qu’elle est omnipotente
est la preuve vivante,
qu’elle ne l’est pas du tout.

Il n’est point de vie qui
ne soit immortelle, même
pour un petit instant.

La mort
est toujours en retard de cet instant précis.

En vain agite-t-elle la poignée
de la porte invisible.
Le peu que nous ayons pu,
elle ne peut le reprendre.
 

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