Tout sépare cette allégorie du feu peinte en 1566 par Arcimboldo
qui célèbre la puissance guerrière de l’Empereur Maximilien II de Habsbourg, à l’époque en
lutte contre Soliman le Magnifique, du tableau qu’à 14 ans, en pleine guerre
mondiale, Giacometti intitula La Paix
et qu'on peut découvrir à l’Albertina de Vienne.
Que les enfants qui tiennent ici
entre leurs mains, non une colombe blanche mais un merle sans doute - ce qui me fait
personnellement penser à l’admirable texte de Fabienne Raphoz sur le merle de
son jardin (dont on trouvera un extrait page 30 de notre Dossier Découvreurs 2013) - soient ce que nous avons de plus précieux et que l’avenir que nous leur
construisons constitue l’interrogation fondamentale qui devrait nous habiter
tous, voilà ce qui pour moi ne souffre plus discussion.
Le monde reste empli de violence.
Sans parler des atroces conflits que nous regardons avec une
résignation voire une indifférence coupables, la fièvre des appétits, des convoitises, de l’envie, des
caprices et de l’avidité, enflamme, dévore de plus en plus une humanité qui n’a
d’yeux que pour le profit et la satisfaction de ses besoins matériels ou
narcissiques (ce sont souvent les mêmes).
Face à ce qui leur semble la ruine à venir de toute société, des voix
se font entendre qui sans s’opposer aux progrès évidents des techniques, en
appellent aux arts, à la culture, à l’éducation qui seuls peuvent faire barrage
dans les esprits et dans les corps ensuite à cette forme subtile
d’ensauvagement que constitue la libération orchestrée à l’intérieur de l’individu
de ses passions les plus grossières. Je n’en citerai que la toute dernière
entendue, il y a quelques jours dans l’émission d’Adèle Van Reeth, celle de la grande
philosophe américaine Martha Nussbaum qui, ayant consacré une bonne partie de
son travail à mettre en évidence, à partir de la notion d’empathie, la
contribution morale et hautement civilisationnelle de la littérature, dénonce
la crise mondiale de l’éducation, le fait qu’« avides de profit national, les Etats et leurs systèmes éducatifs
bradent avec insouciance des atouts indispensables à la survie des démocraties »
et prône au rebours un meilleur développement chez chacun, des capacités argumentatives et
logiques, ainsi que des capacités maîtrisées d’imagination sans lesquelles nous
ne pouvons réellement exercer nos responsabilités de citoyen. Sans lesquelles
nous ne pouvons être que les jouets des puissances économiques, politiques ou
religieuses qui s’entendent à nous manipuler.
La poésie a son rôle à jouer, rappelle Martha Nussbaum,
dans cet ambitieux programme. Et il est réconfortant d’entendre qu’il est loin
d’être marginal. Dans la mesure où le poète, le poète véritable, est celui qui
fait de l’écriture le lieu d’une pensée toute entière employée, dans sa
dimension réfléchie, informée et sensible, à son avancée créatrice. Et qu’il possède ainsi, comme l’écrit – sans
doute avec un brin d’emphase - Walt Whitman, dans la traduction ici de notre
ami Jacques Darras, « la meilleure
vue parce qu'il a la plus grande confiance » et que « dans la discussion sur Dieu l'éternité
on ne l'entend pas » car « Il
ne considère pas l'éternité comme une pièce avec prologue et dénouement, / Il
considère l'éternité dans les hommes dans les femmes, ne les prend pas pour des
«figments » de simples points. »
Pour 2017, les Découvreurs
n’entendent donc pas renoncer à leur mission première qui n’est pas d’assurer
la promotion d’un certain nombre de leurs amis poètes qui trouvent ailleurs sur
le net l’accueil qui leur est nécessaire. Cette mission consiste à offrir à
tous ceux qui ont en charge l’éducation de notre jeunesse des ressources littéraires
et artistiques, des nourritures, qui pour n’être malheureusement pas toujours facilement accessibles
nous semblent nécessaires à élargir vraiment les capacités de lecture mais aussi de
compréhension, d’expression et d’action dont auront de plus en plus besoin les
adultes de demain. Si nous ne voulons pas les voir écraser par les terribles
simplifications de la pensée économique à court terme.
Ainsi pouvons-nous espérer que
grâce aux actions que nos amis professeurs sauront mener dans leurs
établissements, que l’ensemble des acteurs culturels responsables et éclairés entreprennent également à leur niveau, le visage du monde opère lentement – il n’y a pas de miracle - sa
métamorphose et que se prépare, avec une jeunesse plus ouverte et
mieux formée, tant sur le plan intellectuel que sur le plan sensible, un avenir
meilleur, durable et fraternel.
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