Fruit d’une résidence d’écriture
proposée par la Cité des électriciens de Bruay la Buissière afin de couronner
l’exposition par elle organisée autour de ces canevas de mineur devenus entre
1960 et 1980 une sorte d’icône des intérieurs miniers, le livre de Patrick
Varetz, pour intéressant qu’il soit n’en laisse pas moins quand même le lecteur
familier de ses autres livres, sur sa faim. On y verra sans doute un effet de ces œuvres de commande que
la nécessité de s’adapter à des attentes extérieures conduit généralement
l’écrivain à composer avec ses exigences propres.
Certes, son Canevas sans
visage, s’inscrit bien, ne serait-ce que par l’attention rosse que l’auteur
porte à ses personnages, dans le droit fil d’œuvres comme Petite vie ou Bas
monde en venant de surcroît compléter le tableau familial qui s’y trouve
terriblement brossé. Ainsi, le personnage principal de Leona, infirmière à la
retraite que, de point en point, on y suit piquant la toile imprimée de son
canevas d’une aiguille à la fois contrariée et hargneuse, se révéle au final
être la mère de ce « salaud de père » trimbalant son odeur
fluctuante allant « de la saumure de poisson à l’œuf pourri »
que Varetz nous aura fait connaître plus en détail dans ses précédents opus.
Mais là où les personnages, autrefois présentés à travers la voix réellement
singulière, intense et cauchemardée, d’un narrateur qu’on sent à la fois
fasciné et terrifié par les violences physiques, psychologiques, sociales dont
il est le témoin en même temps que la victime, nous apparaissaient avec toute
la puissance expressionniste d’un Céline ou dans le domaine de la peinture,
d’un Permeke, Le Canevas sans visage, bien que choisissant de recourir
au même narrateur se montre plus soucieux de dresser en quelques lignes
l’inventaire seulement pittoresque d’un univers finalement aujourd’hui bien
documenté,
que d’entraîner ses lecteurs dans le spectacle de sa radicale monstruosité.
Si bien que l’ensemble des personnages en perdent en partie leur relief pour
s’affadir en caricatures.