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Quatrième des Cahiers d’accompagnement du
Prix des Découvreurs 2020-21, celui consacré au livre de Jérôme Leroy fait l’objet
une fois encore de nouveaux prolongements. Le jeune lecteur y trouvera matière
à réfléchir sur l’engagement et sur la nostalgie. Il découvrira peut-être cet
univers particulier de la saudade, aura peut-être envie de suivre sur Google maps
les itinéraires de l’auteur au cœur de la France profonde, réagira sans doute à
la courte séquence d’un film de Jean Eustache que nous lui proposons de voir,
regardera de façon peut-être plus attentive l’un des chefs-d’œuvre de l’impressionnisme
de Monet, appréciera j’espère l’une des plus belles toiles – Les Amoureux
- d’un peintre naturaliste toujours trop méconnu Emile Friant, fera un petit détour
vers les poèmes d’automne de Guillaume Apollinaire, le roman d’Alain-Fournier, Le
Grand Meaulnes et aussi, pourquoi pas le Bonjour tristesse de
Françoise Sagan. Le tout j’espère sans rien qui pèse ni qui pose, à l’image de
cette poésie attachante, ouverte et intimiste signée Jérôme Leroy.
|
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
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jeudi 4 juin 2020
CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. NAGER VERS LA NORVÈGE DE JÉRÔME LEROY.
lundi 4 novembre 2019
POÉSIE PRISE DE TÊTE. COMPRENDRE POURQUOI IL FAUT ACCEPTER QUE CERTAINES FORMES DE LA POÉSIE CONTEMPORAINE SOIENT PAR NATURE ILLISIBLES !
Prise de vers que les éditions la rumeur libre viennent de publier est un
livre qui intéressera principalement les poètes. Du moins ceux qui, comme je le
pense depuis longtemps moi-même,
considèrent que le poème, reconfigurant par ses rythmes, ses
modulations, ses figures, notre "pays de
langue", remet à sa place centrale le lecteur, l'obligeant à
l'investir en "paysage",
c'est-à-dire en Sujet.
Nulle ambition ici
de rendre compte de la totalité de ce livre sérieux, documenté, fruit nous dit
l'éditeur "d'une dizaine d'années de
pratique du poème et de réflexion sur la poésie depuis Mallarmé".
Le projet de Vinclair est ambitieux mais clair. Il s'agit d'interroger et de
comprendre l'illisibilité de toute une
partie de notre poésie contemporaine qui fait qu'elle s'est coupée de la
quasi-totalité de ses lecteurs potentiels et ne survit plus, globalement, qu'au
sein d'une sorte de secte ou de confrérie, celle des "poètes s'entrelisant". Et encore !
Pour
Pierre Vinclair, cette situation ne présente rien d'étonnant. Elle est
constitutive de la nature même de l'expérience poétique qu'il décrit. Qui n'est
pas celle de toute la poésie ou des poésies qui existent de nos jours et que
nous connaissons. Mais celle de la poésie fondée sur des pratiques de langage
qui la différencient totalement des œuvres qu'il appelle classiques et qu'il dit rassemblées, ordonnées, construites, autour d'un sens qui leur serait extérieur et préalable. Emportant sans s'en laisser conter toutes les résistances que lui opposent les forces et formes propres des codes
esthétiques, grammaticaux et sémantiques dans lesquels il lui faut se couler.
La poésie dont nous parle Vinclair est en effet celle qui travaille la matière
de la langue non pas à partir d'une pensée première dont elle opérerait pour se communiquer, la traduction, mais d'une pensée non encore
vraiment pensée. À venir. Et dont le propre serait de n'être jamais
close. Se montrant in
fine toujours merveilleusement ou
redoutablement, ouverte.
Si, je le confesse,
j'éprouve toujours un peu de mal avec l'idée de souffrance, de corps souffrant
de la langue que Pierre Vinclair privilégie dans ses analyses,
préférant, de façon moins christique, ne parler à propos de la dite langue que
de son irréductible et féconde résistance, je partage largement l'idée que
l'auteur de Sans adresse, se fait de la
relation que le poème contemporain dont il parle, entretient avec son lecteur.
"Publier un poème, écrit-il, […] ce n'est
plus écrire à quelqu'un de particulier. […] Les destinataires du poème (publié)
ne sont pas (ou ne sont plus) ses lecteurs empiriques. Bien plutôt, ils doivent
se rendre dignes de ce corps qui ne leur était pas destiné : c'est-à-dire
qu'ils doivent faire l'effort (non pas d'interpréter mais) de se hisser
jusqu'au "vrai lieu" (pour reprendre un terme cher à Yves Bonnefoy)
où se donne le corps de la langue. Bref, tenter de recevoir le poème, c'est
d'abord le chercher, et tâcher de se hisser jusqu'à lui. De l'étreindre dans un
corps à corps (plutôt que dans une lecture). Recevoir le poème revient donc à
[…] faire l'épreuve de sa propre puissance, en s'élevant peu à peu, à la
dignité du corps de la langue."
C'est en cela, nous
dit Vinclair, que le poème - du moins le poème qui n'aura pas renoncé à son
intransitivité qu'elle soit radicale ou partielle, c'est-à-dire à son refus
premier de s'abolir dans un discours
préalable - fabrique plus qu'aucune autre forme de parole, ce qu'il appelle un
"cercle des égaux". Tout
lecteur devant se montrer à son tour poète pour faire l'expérience de sa propre
puissance herméneutique. Qui consiste non pas à force d'intelligence et
d'observations précises à reconstituer le sens caché, premier du texte. Qui n'a
jamais existé. Mais à tenter de traduire, pour lui, l'énergie, la forme
particulière de vitalité que la nature particulière de de ses opérations de
langage est venue exposer devant lui. En paysage. Qu'il lui appartient à son tour d'écrire.
Rien d'étonnant dès lors à ce que le plus grand nombre préfère, comme le dirait Bonnefoy, « la séduction des structures closes » dans laquelle notre société et la plus grande part de notre éducation malheureusement nous enferment, à cette prise de tête ;
l'auteur qui aime les jeux de mots, renvoyant dans son titre à cette
expression, en référence bien sûr à la
fameuse Crise de vers de Mallarmé qui
par ailleurs lui fournit de solides bases théoriques.
On ajoutera qu'en
conclusion Pierre Vinclair reconnaît et c'est une évidence que le champ
poétique actuel se positionne de plus en plus aujourd'hui sur des conceptions
bien différentes. Revendiquant de nouvelles formes de lisibilité donnant toutes
leur chance aux discours théoriquement libérateurs. Qu'ils soient identitaires,
centrés sur la question des minorités, ou écologiques. Toute une jeune poésie
française, on le voit, largement inspirée par la lecture des américains, s'est
engouffrée dans cette voie qui bien sûr reçoit un accueil bien plus favorable
des publics comme des institutions culturelles préoccupées trop souvent de
suivre la plupart des postures, ou des impostures, à la mode.
J'hésite, pensant à
tous ceux qui aujourd'hui proclament à longueur de livres et d'articles que la
poésie est la clé de notre survie, à
reproduire pour finir les dernières paroles de ce livre stimulant : "On ne sauve pas le monde avec un livre de poèmes, et
les ambitions du poète trop hautes, se fracasseront au contact de la dure
réalité.
Mais dans ce fracas lui-même, réside la beauté."
jeudi 7 février 2019
L'OCA NERA, LA NOUVELLE MACHINE DE LECTURE DE GÉRARD CARTIER. À LIRE !
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L’Oca nera ( titre italien, en français : l’Oie noire ) : je reviendrai sans doute sur cet assez singulier roman que Gérard Cartier vient de publier à La Thébaïde. Il y est question de toute une série de choses qui se succèdent, s’imbriquent, pour y dessiner la forme toujours un peu difficile à saisir d’une vie envisagée dans ses différents plans : géographique, historique, familial, professionnel, sentimental, intellectuel…
mardi 22 janvier 2019
PÉQUENOT DU COSMOS. PIERRE IVART. UN GRAND ARTISTE DE NOTRE TEMPS
« Je parlerai dans ce poème/ D’un monde qui a
déjà bien avancé dans son recul… Dans sa/ Dévastation. » Ce monde dont
entreprend de nous parler Ivar Ch’Vavar, dans La vache d’entropie que viennent de publier les éditions Lurlure,
s’il est bien celui d’abord de son enfance, ce petit territoire rural du
Pas-de-Calais sis entre Montreuil-sur-Mer et Berk, est en réalité bien plus
vaste. Plus vaste aussi sans doute que celui qu’il appelle sa Grande Picardie Mentale, à ne pas
confondre avec ce qui se fait aujourd’hui frauduleusement appeler Hauts-de-France et qu’il ne peut
s’empêcher d’appeler Hauts-de-Merde.
Il me semble être tout simplement, le monde, notre monde à tous, non seulement
celui que le grand troupeau des « politiciens,
journalistes, communicants, et même "intellectuels", philosophes
déclarés, psychanalystes pour le prime time des télés » passé aux
ordres du capitalisme, a fini par imposer à chacun d’entre nous et que l’auteur
figure, à sa manière, sous les traits de l’automobiliste pressé, « vague forme, en buste, massif et obtus,
raidi derrière les vitres de sa bagnole sinistre» mais celui qui en
profondeur se confond avec notre destinée d’être, jeté un jour dans la Grande
Pâture des existences, pour s’en aller, plus ou moins droit, vers la mort.
mercredi 7 novembre 2018
LES ÉDITIONS LD RÉÉDITENT COMPRIS DANS LE PAYSAGE.
Paru en 2010 chez Potentille,
un de ces éditeurs dont on ne dira jamais assez ce qu’on leur doit pour
continuer, envers et contre tout, à faire un peu reconnaître dans l’espace de
nos sociétés ces travaux singuliers de parole, appliqués non seulement à
élargir comme à approfondir les possibilités de la langue commune mais à
résister comme ils peuvent aux divers formatages dont notre existence fait aujourd’hui
de plus en plus l’objet, Compris dans le
paysage, ce long poème dont je dis volontiers que c’est avec lui que j’ai
enfin compris ce qu’était pour moi la poésie, reparaît sous une autre forme et
sans doute avec de nouvelles significations, aux éditions LD.
dimanche 25 mars 2018
REFAIRE PASSER LA MORT DU CÔTÉ DE LA VIE. UN BOUQUET POUR LES MORTS. ENTRETIEN AVEC GEORGES GUILLAIN.
Quelle est l’origine profonde de ton livre ?
Qui ne sait qu’en matière d’art,
et la poésie est avant tout un art, l’œuvre est plus souvent le fruit d’une
poussée, d’un entraînement inconscient de toute la pensée sensible qu’une
opération préméditée dont l’esprit aura dès le départ pesé les principaux aboutissants.
Un Bouquet pour les morts est de ces livres dont le sens ne m’est
apparu que bien tard. Et qui réellement s’est fait, pourrais-je dire, de
lui-même, entendant par-là que c’est en réponse aux progressives et multiples
sollicitations des divers éléments qui lentement s’y sont vus rassemblés, qu’il
s’est trouvé prendre figure.
En cela ce livre est un livre
vivant.
Oui mais dans l’adresse finale au lecteur tu le relies clairement à
tous les disparus de la Grande Guerre. Et la plupart des poèmes qui composent
ton Bouquet sont dédiés à des soldats de diverses origines qui ont trouvé la
mort à l’occasion de ce conflit. Tu dis aussi dans cette adresse qu’ils sont
comme une réponse à l’invitation que tu as découverte sur le fût d’une colonne
élevée à la mémoire des soldats russes venus combattre pour la France, de leur
offrir « quelques fleurs ».
C’est vrai. Mais si le livre se
présente effectivement comme une offrande aux morts de la première guerre mondiale
et évoque certains des lieux où ils reposent – vallée de la Somme, plaine de l’Aisne,
cratère de Lochnagar, Ferme de Navarin, Main de Massiges, plateau de
Californie, cimetière de Craonnelle … - il se présente de toute évidence beaucoup moins
comme le rappel des horreurs dont ces paysages furent en leur temps le théâtre
que l’évocation de la relation affective, charnelle, que les disparus dont il
fait état auraient pu entretenir heureusement, pleinement, avec le monde si la
sauvagerie de la guerre n’avait cruellement
mis un terme à leur espérance légitime de vivre.
Car c’est bien de l’intérieur de
ma vie propre, de la relation particulière que j’entretiens avec ce qui
m’entoure, m’émeut et me nourrit que cet ouvrage, peut-être, approche quelque
chose de l’existence de ceux que je fais figurer dans ses pages.
mercredi 3 mai 2017
LIRE ALEXANDER DICKOW !
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Pour prolonger l’éloge que j’ai récemment
publié du livre de Dickow, j’invite le lecteur curieux à en lire un extrait
accompagné d’un commentaire lumineux de François Huglo sur le sens des « incorrections » dont l’auteur –
qui est totalement bilingue - joue de
manière si singulière dans son texte. François Huglo se référant lui aussi dans
son billet à l’oeuvre de François Jullien, j’en profite pour recommander ici la lecture de Vivre de paysage ou l’impensé de la raison, paru chez Gallimard en
2014. Et en citer l’une des lumineuses approches qu’il fait de cette notion de
paysage que pour ma part j’élargis depuis longtemps à la relation existant
entre langue et poésie.
« Il y a paysage non seulement quand
s'efface la frontière du perceptif et de l'affectif ou que du perceptif se
révèle en même temps, indissociablement, affectif: mais aussi quand s'abolit la
coupure du tangible, physique et du spirituel et que du spirituel se dégage à
partir du physique. Le propre du paysage, autrement dit, ce qui le promeut de
pays en paysage, ce qui fait qu'il y a « paysage », est qu'il nous hisse — nous
hausse — à cette transition et la fait apparaître. Il nous élève à du
spirituel, mais dans la nature, au sein du monde et de sa perception : de ce
monde de montagnes et d'eaux que j'habite et dans lequel je me promène, à
travers ses alternances du massif et du fluide, du visible et de l'audible, de
l'opaque et du transparent. Il y a paysage quand le monde, du fait de
l'activité de ses corrélations, ouvre du dégagement en lui et nous le fait
éprouver — «dégagement» sera le terme clé. Car il y a de nos jours (c'est là
notre nouvelle tâche de pensée), non pas à renoncer à la transcendance (toute
pensée qui s'enfonce dans son déni y meurt), mais à ne plus la concevoir comme
une fuite (dans quelque autre monde) : à concevoir le « spirituel », non plus
comme de l’« Être » (s'opposant à l'écoulement du devenir), mais comme du
processuel. En quoi le paysage alors est révélation. »
vendredi 21 avril 2017
AU DIAPASON DE L’ÊTRE. VOLTIGE ! D’ISABELLE LÉVESQUE.
Honneur et Vertu fleurissent après la mort Véronèse |
On ne connaît que trop bien la fameuse
expression de nos anciens romantiques – que les lecteurs retrouveront aisément,
n’en doutons pas, dans l’une des 17000 pages du Journal du
philosophe suisse Henri-Frédéric Amiel ! - selon laquelle tout paysage
est un état d’âme. Me proposant aujourd’hui de dire quelques mots d’un des
nombreux ouvrages que leurs auteurs ou leurs éditeurs – ne les oublions pas –
ont eu l’attention de me faire parvenir, il ne me semble pas inutile de partir
de cette formule qui possède le mérite de souligner que les frontières n’ont
rien d’étanches entre ce que nous croyons être la pure physicalité du monde extérieur
et ce que nous envisageons comme relevant du domaine propre de nos singulières
intériorités.
Voltige ! d’Isabelle Lévesque est de ces livres où la
perméabilité entre le dehors et le dedans qui fonde tout texte en paysage se
présente au lecteur avec la plus nette, pour ne pas dire la plus déroutante
évidence. Chaque motif ici, qu’il soit fleur, souffle, couleur, forme,
inclinaison, battement, ombre ou acuité lumineuse, y apparaît comme intimement
noué à ces tremblements intérieurs, ces palpitations vitales, ces tensions et
retentions, spasmes et contractions, libérations, volettements, halètements, vertiges, voltiges... à travers quoi s'éprouvent les diverses intensités d’une
relation amoureuse passionnément vécue.
Surgissent alors de ces compositions, une
suite de vibrations rendues d’autant plus singulières que le paysage de langue ainsi produit, par ses
condensations, sublimations, ses ruptures ou ses ellipses, s’affranchit à son
gré de l’ordre imposé des grammaires pour imprimer au poème son allant, ses pas
de danse, voire ses aériennes, diffuses et quelque peu énigmatiques acrobaties.
« En chacun tu bats »
affirme Isabelle Lévesque en référence à une longue liste de termes par elle
écrite, regroupant, comme elle dit, « l’immense et le fragile ». Et c’est bien à une sorte d’assemblage vif et libéré des contraires
que s’efforce la poésie de cet auteur qui, à travers chaque détail observé, chaque
présence retenue, tente de hisser sa parole au diapason de l’être. Afin
qu’au-delà de tout manque, de toute disparition, sa source n’en tarisse pas. Et
que tel jour d’été – mettons que ce soit un 25 août – tel moment de
la journée – mettons que ce soit un matin à onze heures – restent, comme l’est
bien le paysage, ou le bleu d’un ciel de Véronèse : ineffaçables,
inabolis. À jamais toujours-là.
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