vendredi 24 novembre 2023

MÉTAMORPHOSER CELUI QUI VOUS VEUT DU MAL. SUR DES REPRÉSENTATIONS DE PIRATES TRANSFORMÉS EN DAUPHINS PAR DIONYSOS.

Hydrie du Peintre de Micali (photo G.G.) et kylix d'Exékias (Wikicommons)

 

J’ai depuis quelques années appris à aimer ces vases qu’autrefois, visitant les grands musées d’Europe, je regardais rapidement sans trop les voir, n’ayant jamais pris le temps de les considérer comme ils le méritaient, c’est-à-dire non comme des pièces d’archéologie ou d’ethnographie dont la valeur artistique ne serait que secondaire, mais comme le produit d’un geste d’atelier créatif, dont la reprise et l’adaptation par nombre d’autres pour en faire commerce, n’annule pas l’intérêt ni surtout l’intime ravissement que sa contemplation le plus souvent intriguée, devrait en chacun générer.

samedi 18 novembre 2023

RÉÉDITION DE CÂBLE À ÂMES MULTIPLES DE DOMINIQUE QUÉLEN CHEZ LANSKINE.

Plutôt que de nous lancer dans une illusoire tentative d’élucidation de cette œuvre parue chez Fissiles en 2011 et que les éditions LansKine nous proposent aujourd’hui de redécouvrir, pourquoi ne pas tout simplement ou tout modestement nous contenter d’en partager ici le tout premier texte qui sans en rien dire directement en dit déjà beaucoup. Un câble d’acier nous explique un site spécialisé reprenant les définitions du dictionnaire est une machine, un assemblage de pièces qui transmettent forces, mouvement, et énergie les unes aux autres d’une façon prédéterminée et à des fins désirées. L’âme désigne la partie intérieure ou centrale de ce cable autour de laquelle viennent s’enrouler les fils. Mon  bagage technique étant des plus mesurés je ne me risquerai pas à suivre de bout en bout ou jusqu’au bout cette métaphore singulière de l’œuvre. Préférant pour ma part et pour l’instant me perdre dans l’atroce jubilation de voir le grand corps rassurant de mes représentations courantes, découpées, dépiécées, démembrées, remontées, par l’auteur. Un auteur duquel affirmer qu’il est comme une sorte de Docteur Frankenstein tentant de se refaire dans la langue un monde rien qu’à lui, à partir de ses propres ciseaux, gouges, limes, rabots, épissoirs comme barres à mine ou coupes-boulons…, ne m’interloquerait pas.

 

jeudi 16 novembre 2023

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : NEIGE ÉCRAN DE STÉPHANE BOUQUET AUX ÉDITIONS DE L’IMEC.

Voici un petit livre que je conseille à tous. Principalement à mes amis professeurs qui dans le cadre des rencontres que je suis amené à effectuer auprès de leurs élèves reviennent assez régulièrement sur le manque de transparence, je le dis comme ça mais bien d’autres expressions pourraient ici convenir, de la poésie actuelle. Surtout celle que nous nous efforçons quant à nous de promouvoir.

NEIGE ÉCRAN, septième titre de la petite collection Diaporama édité par l’IMEC, Institut Mémoires de l'édition contemporaine de Caen, rend compte à partir d’une suite d’images en noir et blanc, de l’élaboration de « la petite théorie poétique » de Stéphane Bouquet dont les habitués de mon blog savent en quelle estime je le tiens. Dans toute la liberté et la simplicité de ton qui sont les siennes, l’auteur de La Cité de paroles, évoque dans ce dernier opus la façon dont, en poésie, il est passé de la primauté de la voix à la reconnaissance de la fonction tout aussi essentielle de l’image. Dans un mouvement conciliant la prise en compte de la « singularité absolue des êtres » et l’incessante communication que les choses entretiennent entre elles.

lundi 13 novembre 2023

RÉCÉPISSÉ. ÉBLOUISSANTE ÉROSION de SARAH LAULAN À LA TÊTE À L’ENVERS.


 

OUVRAGE MINEUR ? LE CANEVAS SANS VISAGE DE PATRICK VARETZ AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.


Fruit d’une résidence d’écriture proposée par la Cité des électriciens de Bruay la Buissière afin de couronner l’exposition par elle organisée autour de ces canevas de mineur devenus entre 1960 et 1980 une sorte d’icône des intérieurs miniers, le livre de Patrick Varetz, pour intéressant qu’il soit n’en laisse pas moins quand même le lecteur familier de ses autres livres, sur sa faim. On y verra  sans doute un effet de ces œuvres de commande que la nécessité de s’adapter à des attentes extérieures conduit généralement l’écrivain à composer avec ses exigences propres.

Certes, son Canevas sans visage, s’inscrit bien, ne serait-ce que par l’attention rosse que l’auteur porte à ses personnages, dans le droit fil d’œuvres comme Petite vie ou Bas monde en venant de surcroît compléter le tableau familial qui s’y trouve terriblement brossé. Ainsi, le personnage principal de Leona, infirmière à la retraite que, de point en point, on y suit piquant la toile imprimée de son canevas d’une aiguille à la fois contrariée et hargneuse, se révéle au final être la mère de ce « salaud de père » trimbalant son odeur fluctuante allant « de la saumure de poisson à l’œuf pourri » que Varetz nous aura fait connaître plus en détail dans ses précédents opus. Mais là où les personnages, autrefois présentés à travers la voix réellement singulière, intense et cauchemardée, d’un narrateur qu’on sent à la fois fasciné et terrifié par les violences physiques, psychologiques, sociales dont il est le témoin en même temps que la victime, nous apparaissaient avec toute la puissance expressionniste d’un Céline ou dans le domaine de la peinture, d’un Permeke, Le Canevas sans visage, bien que choisissant de recourir au même narrateur se montre plus soucieux de dresser en quelques lignes l’inventaire seulement pittoresque d’un univers finalement aujourd’hui bien documenté[1], que d’entraîner ses lecteurs dans le spectacle de sa radicale monstruosité[2]. Si bien que l’ensemble des personnages en perdent en partie leur relief pour s’affadir en caricatures.

vendredi 10 novembre 2023

PORTRAIT. SOPHIE BRAGANTI.

ISLANDE PHOTO SOPHIE BRAGANTI

 

Sophie Branganti écrit. Sophie Braganti regarde. Sophie Braganti ressent. Sophie Braganti se souvient. Elle imagine aussi. S’approche. Accoste. Effleure. Et puis parfois s’écarte. Marchant tout autant vers les autres que vers sa solitude. Je n’ai rencontré qu’une fois Sophie Braganti qui habite quand elle le peut une casetta sur les hauteurs d’une vallée ligure, à quelques minutes à vol d’oiseau mais à plus d’une heure et demie de route de celle où nous avons commencé à nous installer à peu près en même temps qu’elle. Savoir que nous nous trouvons chacun sur un des versants de la même montagne rapproche. Et nous pouvons parler d’olives. De châtaignes. De toiture et de maçonnerie.

UN VIDEO-POÈME DE MILÈNE TOURNIER POUR LES ÉLÈVES DU LYCÉE BERTHELOT DE CALAIS.

NICOLAS DE STAEL PLAGE DE CALAIS, 1954
 

 C’était en début de semaine. Dans le cadre de sa sélection pour le Prix des Découvreurs 2023-24, Milène Tournier s’est rendu au lycée Berthelot de Calais pour rencontrer des élèves de BTS et évoquer avec eux sa façon, singulière, d’envisager le voyage. On sait que ce thème est à leur programme. Pour prolonger cet échange Milène a réalisé à partir des quelques heures où elle aura pu déambuler dans Calais, un de ces video-poèmes qu’elle publie régulièrement sur sa chaîne youtube. Elle le dédie aujourd’hui, pas seulement aux jeunes qu’elle a rencontrés, mais à l’ensemble des habitants de Calais, qui nous l’espérons seront sensibles à ce regard porté par cette artiste qui compte parmi les plus intéressants du moment. Merci à elle.

Voir le video-poème :  https://www.youtube.com/watch?v=sYDndr2HvII

mercredi 8 novembre 2023

SUR LE VOYAGE INTÉRIEUR DE GÉRARD CARTIER CHEZ FLAMMARION.

Merci à Gérard Cartier pour l’envoi de sa « Franciade[1] ». Une Franciade comme il dit, du pays ordinaire. Pas si ordinaire que cela quand même sous la plume d’un poète chez lequel mémoires, cultures, engagements[2]- je mets volontiers tous ces termes au pluriel - composent une sensibilité à la fois curieuse et labile en résonance avec l’immense diversité des choses. Jusque dans leur absence[3].

Inspiré par Le Tour de la France de deux enfants, d’Augustine Fouillée, dont il évoque d’ailleurs la tombe délaissée au cimetière du Trabuquet de Menton[4], ainsi que par Le Dépaysement de Jean-Claude Bailly qu’on ne saurait non plus trop recommander, l’ouvrage de Gérard Cartier constitue une somme de près de 500 pages qui nous fait de lieu en lieu passer, mais qu’on ne lira sans doute pas autrement qu’en vagabondant soi-même par ses propres chemins. À partir par exemple des lieux de France dont on a soi-même connaissance. Comprenant bien que ce Voyage auquel l’auteur nous invite est avant tout, comme l’indique bien son titre, un voyage intérieur[5]. Que pas toujours secrètement en effet, colorent la nostalgie, le sentiment de sa propre impuissance, le regret quand ce n’est pas l’amertume de voir le monde tel qu’il va, tel qu’il devient, notamment pour lui dans la forme abâtardie de sa langue[6].

vendredi 20 octobre 2023

RECOMMANDATION DECOUVREURS. LETTRES À MADAME DE NATHANAËLLE QUOIREZ CHEZ LURLURE.

Je ne voudrais pas partir pour quelques jours loin de chez moi sans dire tout le bien que je pense déjà du livre pour l’instant simplement lu de la jeune Nathanaëlle Quoirez que m’ont adressé les éditions lurlure. Au sein de toutes ces écritures du je qui souvent me semblent ne faire que se répéter, se paraphraser les unes les autres, celle que propose N. Quoirez avec Lettres à Madame se distingue des plus fortement par une puissance d’expression et d’inventivité peu commune. Certes cet ensemble de lettres, entrecoupé de poèmes en vers, adressé à une figure qui reste pour nous fuyante, énergiquement fantasmée, dans un style où les mots comme les phrases s’enchaînent de façon presque toujours déroutante, rebutera ces lecteurs toujours empressés de traduire ce qu’ils lisent dans le langage à leurs yeux nécessaire des évidences communes. Pour ma part je ne suis pas de ceux qu’impressionne a priori l’obscurité et qui s’empressent de trouver géniales les productions de l’esprit auxquelles ils ne comprennent rien. Il me faut sentir dans ce que je lis une véritable pulsion créatrice. L’évidence aussi d’un désir de parole et de vie. Ainsi qu’une maîtrise de la dite parole. Que je ressens dans ses effets. Je crois avoir trouvé cela dans le livre de N. Quoirez qui de l’extrême modernité où pourtant elle se situe, sa crudité parfois, ses provocations, ses déchirures, le grand écart qu'elle accomplit entre les plus sordides réalités du sexe et les plus hautes aspirations de l'âme, sonne dans ses rythmes surtout, sa tenue, sa superbe, comme un texte du XVIII voire un prolongement des Lettres fameuses de la Religieuse portugaise. Passées par les Chants de Maldoror. Une Saison en enfer. Voire encore certains textes d'Artaud.

Voir sur le site de l'éditeur pour en lire les premières pages.


jeudi 19 octobre 2023

CUEILLIR AUJOURD'HUI LES OLIVES AVEC JEAN GIONO.

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 Cueillir les premières olives en regardant la mer. Un court échange avec Gérard Cartier me remémore la présentation que j’ai faite il y aura bientôt huit ans du magnifique livre de Giono, Noé, que je ne saurais trop inciter chacun, s’il ne l’a déjà fait, à lire.

Dans cet ouvrage la cueillette des olives constitue un moment marquant de la construction par l’auteur de son univers propre. Je reprends aujourd’hui, avant d’abandonner pour deux bonnes semaines, les activités que j’entreprends autour de ce blog, et de rejoindre notre petite oliveraie ligure, la publication d’une bonne dizaine de pages que j’ai réalisée autour de ce passage capital. Ce travail, déjà téléchargé plus de 400 fois, me paraît mériter d’être à nouveau proposé à l’attention.