jeudi 25 mai 2023

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LE TEXTE IMPOSSIBLE D’ALAIN ROUSSEL AUX ÉDITIONS ARFUYEN.

 

Bien des fois, au cours de mon enfance, j’ai dû croiser Alain Roussel, dans ces rues de Boulogne où nous sommes nés à quelques mois d’intervalle. Sans doute avons-nous partagé les mêmes instituteurs de l’école Cary, tremblé devant le même Monsieur Bourguignon, son austère Directeur, que toute la ville pouvait reconnaître, été comme hiver, à son duffle-coat jaune, mais fréquentant des classes différentes, nous ne fîmes finalement connaissance que des siècles plus tard, à Rennes où la Maison de la Poésie m’avait invité à faire un soir lecture. Depuis nous correspondons un peu. Échangeons quelques livres. Quelques notes de lecture. Alain étant comme moi attentif tout autant au travail des autres qu’à ses propres créations.

mardi 23 mai 2023

LICHENS ! Lichens !

Désireux de m’offrir une petite pause entre deux éditions du Prix des Découvreurs je me décide à partager ici quelques images que m’a récemment fait découvrir le livre de Vincent Zonca, Lichens, que je ne saurais trop recommander pour la richesse et la profondeur de ses vues. La première du japonais Hiroshige II représentant une scène de cueillette de champignons-lichens centenaires poussant sur les roches, les Iwatake, également appelés « nourriture de l’ermite », montre deux cueilleurs suspendus à l’intérieur de nacelles d’osier, au-dessus d’un torrent bouillonnant. L’un gratte la paroi d’une montagne à pic, l’autre se penche vers lui, le visage hilare apparemment en train de lui adresser quelque plaisanterie. Chacun porte un large chapeau rond, conique qui rappelle la forme des champignons que l’artiste a représenté en gros plan dans le coin supérieur droit de son image.  Cette image qui m’a retenu pour son pittoresque ne possède pas la forte charge symbolique que je trouve à cet impressionnant panneau de 5 mètres de long du maître ancien Kano Sansetsu, intitulé le Vieux prunus qui servit à l’origine de décor pour un des murs intérieurs d’un temple mortuaire. Image du renouveau printanier touchant un arbre vénérable, tout couvert de lichens et profondément mutilé par le temps, l’œuvre de Santetsu ne fait pas qu’illustrer la puissance finalement de la vie, célébrant à la manière du Ronsard des Odes [1]le contraste entre cycle naturel et cycle humain. Il émerveille par l’extraordinaire économie de moyens de ses formes, le pouvoir enfin qu’a l’art de se montrer toujours pour nous d’une éternelle jeunesse. Dans son livre Zonca rapproche ainsi ce vieux prunier de Santetsu d’une œuvre plus récente d’un autre grand maître de la peinture japonaise, Ogata Kôrin, Prunus blanc et prunus rouge dont le génie décoratif l’amène à évoquer l’œuvre du peintre autrichien Klimt, dont l’Arbre de vie, c’est vrai, n’est pas sans faire penser au style de cette école « rimpa » à laquelle appartient Kôrin. Dans la peinture japonaise écrit Zonca à propos de ces œuvres, « les lichens font fleurs, ils sont esthétiquement des fleurs au même titre que celles du prunus » ajoutant un peu plus loin qu’il faut surtout voir dans le lichen « un élément naturel parmi d’autres, un objet de vénération et de décoration, ayant des qualités de forme, de couleur, de texture, de rythme, se révélant en association, en symbiose, avec le cerisier ou d’autres éléments du paysage ».

mercredi 10 mai 2023

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : LE TOMBEAU DE JULES RENARD D’IVAR CH’VAVAR AUX ÉDITIONS LURLURE.

Tout récemment paru aux éditions lurlure, Le Tombeau de Jules Renard du poète picard Ivar Ch’Vavar, ravira sûrement ceux que j’imagine nombreux qui attendent de la poésie qu’elle nous donne à voir le monde non dans sa mystérieuse et impénétrable essence mais dans toute l’acuité et le pittoresque nouveau que lui confère un matériel d’images et de mots tout aussi attentifs à eux-mêmes qu’aux physiques réalités qu’ils tâchent d’approcher. Le livre est court et se lit vite. Mais se relit aussi avec plaisir. Et se relit encore. Chose bien rare de nos jours.

 

Suite de tercets[1] composés de vers oscillant entre le dissyllabe et l’alexandrin, très occasionnellement liés par la rime, l’ouvrage forme un bien sympathique bestiaire qui nous montre le monde animal d’une manière où la pertinence de l’observation rejoint toujours la fantaisie dans ce qu’elle peut avoir de jubilatoire pour l’esprit qui se plaît à suivre dans l’expérience et la connaissance qu’il a des choses, les multiples échos, les résonances, qui s’y voient libérés.

 

samedi 6 mai 2023

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS : TROIS GALETS DE LA DORDOGNE DE GILLES JALLET.

CLIQUER POUR LIRE L'ENSEMBLE

 

INTELLIGENCE DE LA POÉSIE. SUR LES UTOPIQUES, I , DE GILLES JALLET À LA RUMEUR LIBRE.

L'Ange pauvre de Paul Klee

Quel est le lieu aujourd’hui du poème ? Et quel en est toujours la puissance agissante ? En intitulant son dernier livre Les Utopiques, I, il semble que le poète Gilles Jallet, qui se réfère ici comme l’indique son Préambule, aux grands modèles devenus canoniques que sont Les Pythiques (Pindare), Les Bucoliques et Les Géorgiques (Virgile), Les Tragiques (Agrippa d’Aubigné), les envisage plutôt dans leur perte, leur dissolution que dans leur entière et pleine maîtrise ou possession.

Se référant aussi aux Anges pauvres de Paul Klee, ce peintre qui sur sa pierre tombale aura fait écrire qu’il « habite aussi bien chez les morts que chez ceux qui ne sont pas nés encore, un peu plus proche de la création que de coutume, bien loin d’en être jamais assez proche », Gilles Jallet nous apparaît bien conscient aussi de la profonde ambivalence de toute véritable production poétique qui est face au réel de s’éloigner du même pas qu’elle s’approche et dans son rapport au sens, de le voir s’évanouir dans le même temps qu’il s’exhibe. Si bien qu’il faut sans cesse y revenir. Dans l’écrire et le lire. Accepter de n'exister que dans cet insaisissable et mouvant entredeux.

vendredi 5 mai 2023

LA SÉLECTION 2023-2024 DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

 

Une édition se termine. Une autre lui succède. Dont j’espère bien qu’elle ne sera pas la dernière. Ce que nous craignons un peu quand même, tant il nous semble qu’en dépit des riches possibilités qu’offre pourtant le pass-culture, les conditions, principalement dans les lycées, se prêtent désormais plus difficilement aux activités de libre découverte qui réclament d’être moins contraintes qu’elles nous semblent l’être devenues, par les programmes et les emplois du temps.  

Qui recevrons-nous donc en mai prochain pour succéder à Christophe Manon que nous nous réjouissons d’accueillir dans une petite quinzaine de jours, en compagnie de nos amis du Marché de la Poésie, pour lui rendre hommage ? Bien malin qui pourrait le dire. La sélection que nous présentons aujourd’hui propose comme à l’accoutumée un regard largement ouvert sur le monde. Ne serait-ce que sur le plan géographique. Mais là n’est pas, bien entendu, sa principale qualité, qui tient à ce qu’elle présente un bien riche éventail de voix émanant de personnalités elles aussi des plus diverses. Il suffira de se reporter aux Cahiers d’extraits que nous publierons dans les semaines à venir pour s’en convaincre.

Que les auteurs non retenus dans cette sélection ne nous en veuillent pas trop. Nous ne saurions tout connaître comme tout reconnaître. Et surtout nous n’avons jamais eu à travers nos sélections la prétention d’établir le palmarès des 6 ou 7 meilleurs ouvrages de poésie publiés au cours de l’année qui précède. Notre sélection s’effectue toujours à partir de ce que nous pensons être l’intérêt des jeunes qui auront à la découvrir et pourront par là alimenter autrement que par les produits attendus et communs, une curiosité que nous nous efforçons comme nous le pouvons, chez eux, de stimuler.

Formons donc tous ensemble le vœu que cette sélection 2023-24 touche le plus grand nombre possible de jeunes et d’établissements. Et fasse découvrir à tous la force et la vitalité de notre poésie contemporaine.

BROCHURE DE PRÉSENTATION DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

jeudi 4 mai 2023

ANTHOLOGIE. UN TEXTE DE PATRICK QUILLIER POUR CÉLÉBRER L’AUTEUR DE L’INDISCIPLINE DE L’EAU !

Patrick Quillier présente dans D’une seule vague, sous-titré Chants des chants, I, « le premier tome d’une épopée embrassant comme il est dit par l’éditeur, les voix héroïques de tous les temps et de tous les continents, des plus éclatantes aux plus discrètes, des plus connues aux plus méconnues, dans un chant général du monde [1] ». Belle et généreuse ambition qui devrait attirer vers ce livre tous ceux, et je crois qu’ils existent toujours, peut-être moins nombreux mais d’autant plus convaincus, qui toujours sensibles " aux remous des océans de la mémoire […] aux rumeurs des âmes épiques du monde […] aux amours éblouissantes qui fécondent d’universel » continuent d’entretenir en eux « l’harmonique raison des révoltes et des refus [2]». Contre notamment la platitude des temps.

mardi 2 mai 2023

LAURÉATS DU PRIX DES DÉCOUVREURS !


 

LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2023 à CHRISTOPHE MANON POUR PROVISOIRES AUX ÉDITIONS NOUS.

 

Voila, c'est officiel ! Christophe Manon est notre 25ème lauréat du Prix des Découvreurs. Et nous le recevrons dans notre bonne ville de Boulogne avec nos fidèles partenaires le mardi 16 mai.
Je n'oublie pas bien entendu, à cette occasion, de remercier les 6 autres participants : Franck Doyen, Laurent Albarracin, Geneviève Peigné, Valérie Rouzeau, Claude Favre et Michèle Métail dont les ouvrages auront apporté beaucoup à notre opération de découvertes et de sensibilisation. Et un énorme merci encore à tous les établissements - leurs jeunes et leurs professeurs - qui se seront engagés à nos côtés.
 
 

 

jeudi 13 avril 2023

SUR TRANSFORMATIONS, UNE RÉÉCRITURE DÉTONNANTE DES CONTES DE GRIMM, PAR LA POÈTE AMÉRICAINE ANNE SEXTON, AUX ÉDITIONS DES FEMMES.

 On connaît bien sûr la célèbre formule apocryphe de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », transformation, comme on sait, elle-même, d’une pensée du philosophe présocratique Anaxagore de Clazomènes[i]. Si l’on peut naturellement discuter cette thèse, il est certain que même dans le domaine des arts, qui pourtant devrait échapper à cette règle -  les artistes ne sont-ils pas considérés comme des créateurs ? - rien ou presque n’apparaît comme on le croyait autrefois des champignons, à partir de rien. Et la recherche dite des sources n’est pas près, c’est certain, de disparaître.

En ce domaine, il me semble toutefois nécessaire de distinguer entre transformations stériles et transformations créatives.  Si certains dans les arts répètent à l’envie des formules, produisant d’ailleurs parfois des œuvres de qualité mais restant closes sur elles-mêmes, d’autres s’emparent des dites formules pour en accroitre la portée, en renouveler l’intelligence comme la perception.