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mercredi 22 novembre 2017

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. AU BORD DE SEREINE BERLOTTIER AUX ÉDITIONS LANSKINE.

« comment / inventer le passage/ la pensée au bord de ce lit/ près de celle qui veut bien/ qu’on parle de tout/ sauf bien sûr/ et de ceci/ secrètement/ pas même ? »

Au bord. Toujours nous nous voyons renvoyés vers des bords. Des bords de vivre à ceux de la pensée. Des bords de la pensée à ceux de la parole. De partout débordés aussi. Par les choses. Les sentiments. Les idées. Par cette façon que nous avons de pencher avec sur nous les ombres des autres. Les ombres aussi de l’espace. Et du temps. Mais il nous faut l’épreuve de certaines expériences, celles souvent de la perte et de la douleur, pour pleinement prendre conscience des limites de notre condition qui fait que jamais nous ne pouvons totalement rejoindre. Jamais pleinement nous fondre. Autrement que dans l’illusion. Même si nous avons inventé l’art et la parole pour tromper nos insatisfactions.

C’est à cette dimension radicale de l’être que renvoie, me semble-t-il, le dernier livre de Sereine Berlottier, justement intitulé Au bord. Se présentant comme une sorte de récit en vers, lacunaire, elliptique souvent, mais suffisamment ancré dans le détail des circonstances pour que les choses nous deviennent au fil des pages, de plus en plus compréhensibles, le livre de Sereine Berlottier ne cherche pas à broder sur les sentiments bien connus qui accompagnent la progressive disparition d’un proche. Sans en passer par le fil trompeur des enchaînements factuels et des analyses convenues, son livre s'efforce, dans un tâtonnement de paroles, faisant parfois retour sur sa propre impuissance, de  découvrir un passage qui relierait son auteur non pas seulement à la personne de sa mère, d’abord mourante puis morte,  mais à quelque chose de plus vaste, de moins facilement intelligible aussi, qui serait l’espace où les cœurs ne se verraient plus partagés. Où chaque parole encore, qu’elle porte sur le passé tout autant que sur le présent, serait enfin pleinement accueillie, à demeure !

L’art étant forme et abstraction, cette aspiration qui la porte, passe dans la matière du livre par un choix de vers libres porteurs de notations factuelles brèves, jamais développées, parfois même amputées de leur complément et associées selon le principe d’un montage à la fois sec et émouvant dans la mesure où l’on comprend, ressent, assez vite que par-là s’exprime dans le même temps, l’incisive attention de l’œil et de l’esprit et la confusion non moins certaine du cœur et de la pensée qui se troublent.

Louis Soutter, Ame partie.
On n’arrache finalement jamais aux autres leurs secrets. Et c’est d’autant plus difficile que nous leur sommes étroitement, filialement, amoureusement liés. Et que nous les voyons partir sans avoir vraiment pu les comprendre et encore moins les consoler. Alors, on aura beau se pencher sur des carnets jaunis ceux-ci n’en garderont toujours pas moins leur part d’ombre. D’autant que, pour ce qui est de Sereine Berlottier, à qui nous devons, ce qui n’est sans doute pas un hasard, un bien beau livre sur le peintre Soutter, intitulé Louis sous la terre, le carnet de sa mère ne contient que des citations. Au bord desquelles comme -  et ce n’est pas sans me rappeler le beau livre de Geneviève Peigné, L’Interlocutrice -  avec le livre de Nadejda Mandelstam où elle aura souligné tous les passages qui parlent d’espoir, il lui faut se remettre à tourner. Comme si pour finir, et c’est encore un autre bord, que constate Sereine Berlottier (page 64), nous n’avancions dans l’incompréhension fondamentale du plus intime de notre vie, qu’avec des pages qui nous sont étrangères.

SUR CE LIVRE VOIR EGALEMENT :
Angèle Paoli sur terresdefemmes 
Antoine Emaz sur POEZIBAO
Gérard Cartier dans Secousse

Un vidéo-poème de S. Berlottier et Jean-Yves Bernhard sur remue.net

vendredi 18 octobre 2019

RECOMMANDATION. HABITER. UN LIVRE DE SEREINE BERLOTTIER ET JÉRÉMY LIRON AUX ÉDITIONS LES INAPERÇUS.

Comme on aimerait pouvoir rassembler en une seule et belle phrase, voire en un seul et beau livre profond, brillant, définitif, cette indécidable part d’intime réalité autour de laquelle de textes en textes, de tableaux en tableaux, de tentatives en tentatives, nous tournons en fragments, en images. Dans la sourde mélancolie de ne jamais pouvoir pleinement l’habiter.

Habiter. Oui c’est cela : habiter. Mais que faut-il encore entendre par ce mot ? Tant nos formes et

lundi 9 novembre 2020

GÉNÉROSITÉ TOUJOURS DE LA POÉSIE : À LIRE SUR REMUE.NET, UN TRÈS BEL ENTRETIEN ENTRE SEREINE BERLOTTIER ET GUILLAUME CONDELLO SUR L’ŒUVRE DE SHARON OLDS.

Cliquer pour accéder à la totalité de l'article 


 Heureux d'avoir pu lire aujourd'hui le très bel entretien entre Sereine Berlottier et Guillaume Condello, ce parfait traducteur des Odes de Sharon Olds, dont j'ai pu dire dès sa parution à quel point elles me semblaient importantes.

Me préparant à mettre en ligne le premier Cahier de Partages que nous consacrons à Stéphane Bouquet, je suis frappé de voir à quel point d'ailleurs la plupart des termes employés par Guillaume Condello pour louer l'oeuvre de Olds, pourraient s'appliquer à l'auteur de Vie commune et de La cité de paroles.

vendredi 17 février 2023

ARCHITECTES DE LEUR PROPRE VIE. À PROPOS D’UNE SÉLECTION DES LIVRES TOUT RÉCEMMENT REÇUS PAR LES DÉCOUVREURS.

 

 Certes, au final,on m’objectera toujours bien des choses mais le fait est que je reçois de plus en plus d’ouvrages de poésie écrits par des femmes. Et alors qu’à l’origine du Prix des Découvreurs, il y a quelque vingt-cinq ans, nos sélections s’employaient à accorder une place encore exagérément belle aux hommes,  ces derniers ont cessé aujourd’hui d’être majoritaires. Et je constate que la plupart des voix nouvelles que poussent mes collègues sont de plus en plus désormais des voix de femmes. En témoignent ces cinq ouvrages découverts à mon retour de vacances que j’ai rassemblés sur la photo devant un arrière plan de Constable. Manière pour moi de faire écho à ce titre d’Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, et tout particulièrement à cette magnifique invite qu’on y lira : « le ciel/ Et la pente// Disent « Viens ! » aussi fort l’un que l’autre ».