« Dès que quelqu’un est mort, une rapide synthèse de sa vie à peine conclue se réalise. Des milliards d’actes, d’expressions, sons, voix, paroles, tombent dans le néant, quelques dizaines ou centaines survivent et quelques-unes de ces phrases résistent, comme par miracle, s’inscrivent dans la mémoire comme des épigraphes, restent suspendues dans la lumière d’un matin, dans les douces ténèbres d’une soirée ». À quoi se réduit c’est vrai la mémoire que nous conservons des autres. Poètes, combien d’entre nous laisseront derrière eux, en heureux talisman, comme l’écrit Pasolini, ces « quelques phrases qui résistent », cette poignée de paroles vivaces échappées du néant où nous serons plongés ?
C’est donc essentiellement pour soi, pour le présent, qu’il faut se résoudre à écrire. N’en déplaisent aux Ronsard, aux Hugo, même aux Apollinaire de contrebande qui fréquentent aujourd’hui les bas ou les hauts lieux de la poésie en y transportant les illusions, les chimères de l’ancien monde. Pathétique, de plus en plus, de voir tous ces livres paraître en rêvant de partages. Pire parfois, d’une postérité.