mercredi 18 mai 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. CAMÉLIAS.


 Il me peine ces derniers jours d'assister à la défloraison des camélias qui depuis des semaines éclairent le fond de mon jardin de ville. Toutes les roses, que le grand soleil de mai, fait maintenant s'ouvrir pour leur succéder, ne me les font pas oublier. Pas plus que je n'oublie ce texte qui continue de me parler.

Photos : fleurs de camélias de mon jardin.

mardi 17 mai 2022

AFFRONTER L’INDIFFÉRENCE.

Pris comme je suis par les Découvreurs, je ne voudrais pas oublier que je fus aussi et le reste encore un peu parfois, poète. Qui veut dire que je mets de la parole en voix, la passe dans la langue, cette belle langue commune qui ne permet pas seulement que le partage. Confère aussi rayonnement. Puissance. Rendant la parole élargie. Plus profonde. De tous ces siècles qui l’auront vu se nouer aux vies qui nous ont précédés.

Alors je sais et le lis presque chaque jour sur ces réseaux devenus les confidents de nos fragiles existences, que si nos œuvres parfois largement nous dépassent, elles tombent le plus souvent dans la plus vaste indifférence. Ne brillent ou ne s’éclairent dans le monde qu’un très court et pour nous bien trop court, instant. Quand on sait  que le temps seul et ses durées leur donnent l’occasion de pouvoir y déployer ce que j’ai pu appeler leur fossile rayonnement.

Face à l’indifférence, peu de choses sont possibles. Si ce n’est de se construire patiemment dans le monde une position qui oblige le grand nombre à vous accorder un semblant d’attention. Occupation qui n’effraie pas les gens dont la vanité sociale excède largement le talent. Pour les autres peut-être leur faut-il se persuader qu’en matière d’œuvre, d’œuvre artistique, bien entendu, compte essentiellement ce travail qu’elle permet sur soi. Le monde aussi, qu’elle redonne à voir, à sentir, à penser, à porter, autrement. Et, me semble-t-il, avec un surcroît de force.

lundi 16 mai 2022

SÉLECTION 2022 -2023 DU PRIX DES DÉCOUVREURS !


 Foin pour cette fois de commentaire. Si quand même : si rien ne vient encore se mettre en travers de notre opération, nous aurons le plaisir en mai 2023 de remettre à l'un des ouvrages indiqués ci-dessus, le 25ème Prix des Découvreurs. Nous comptons sur tous pour que cette édition particulière compte parmi nos plus belles !

jeudi 12 mai 2022

PRIX DES DÉCOUVREURS. CE QUI IMPORTE VRAIMENT !

Les retours que certains établissements, nous adressent, au sujet de la participation de leurs élèves au Prix des Découvreurs, font toujours bien plaisir à recevoir. Surtout ils nous confortent dans l’idée que plus que la désignation d’un ou d’une lauréate, importe d’avoir, à partir de nos propositions, su entraîner des jeunes à s’emparer des outils du langage comme de ceux de l’image et de la musique, bref de divers champs de la création, pour les autoriser à mettre à leur tour en forme, leur toute neuve ce qui ne veut pas dire vide ou insignifiante, expérience de la vie.

Je ne peux citer tous les messages récemment reçus. Ni publier ici l’ensemble des travaux qui m’ont été montrés comme les caviardages par exemple réalisés par ces collégiens de troisième de l’Académie de Rennes qui m’ont bien impressionné. De toute cette production, je me contenterai de donner un seul exemple, emprunté aux élèves d’un lycée que je connais bien pour y être à plusieurs reprises intervenu. Avec toujours le même bonheur.

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Les élèves de secondes de Fanny Cambron-Huvelle (lycée Arthur Rimbaud de Sin le Noble) ont cherché à se rapprocher de leur propre vie à partir de quelques voies ouvertes par la lecture de certains textes de Milène Tournier, tirés de L’Autre jour, publié l’an passé chez Lurlure. On y voit notamment comment ces textes d’un jeune auteur contemporain autorisent mieux que tout autre qui serait issu d’un passé plus lointain à dire avec les mots d’aujourd’hui ce qui reste vécu dans le monde présent. On y sent comme la poésie d’aujourd’hui, dans cette perspective, peut agir comme une sorte de réactivation de cette parole sensible et créative que certains voulaient croire déjà, chez nos jeunes, perdue. Le poète et philosophe Jean-Claude Pinson dans les divers ouvrages qui ont suivi Habiter en poète, a largement théorisé la notion de « poétariat » dans laquelle il voit la force seule capable de faire un jour échec au règne de l’Homo œconomicus qui précipite actuellement le monde vers sa perte. Que chacun devienne, à travers l’éducation qu’il reçoit et la manière dont il cherche alors à s’instituer en Sujet de sa propre vie, l’artiste de son existence.

« Si l’on veut bien être attentif à ce que Deleuze appelait « le devenir révolutionnaire des gens », on verra » écrit Jean-Claude Pinson, dans un fort article qu’on pourra lire en accès libre ici, « que ce devenir artiste est aujourd’hui, aussi virtuel et minoritaire qu’il soit encore, un devenir général. C’est la force des mœurs des temps démocratiques que de placer chacun devant le dilemme de se faire « le poète de sa propre existence » ou bien de n’être qu’un mort-vivant parmi d’autres. Et quand il s’agit d’exister comme individu, chacun est enclin à exercer sa « raison artistique », à se conduire (sinon se considérer) comme un artiste (et d’abord de sa propre vie). Chacun du moins s’efforce de se ménager un atelier (ou chambre à soi, ou cabane) où il pourra « perruquer », exercer cette « créativité dispersée, tactique et bricoleuse » dont parle Michel de Certeau (tel aujourd’hui s’essaiera à la sculpture ; tel autre bricolera sa house music ; tel autre mettra en page son blog…). »

Car il ne s’agit plus de déplorer, comme on le fait, à longueur de temps, le peu d’intérêt que, sur le plan de la réception, suscitent en général les œuvres de l’esprit. Ce qui compte est de voir qu’au plan de la production, le désir de création va se généralisant.

C’est, en ce qui nous concerne, notre fierté, que de proposer depuis plus d’un quart de siècle, à tous ceux qui nous font confiance, des voies, à chaque fois singulières, pour accompagner ce désir, en le rendant plus conscient. Peut-être aussi plus puissant.

 

samedi 7 mai 2022

ADA MONDÈS. 24ème PRIX DES DÉCOUVREURS DE LA VILLE DE BOULOGNE-SUR-MER POUR PAYSAGES CUBAINS AVEC PLUIE AUX ÉDITIONS DU PETIT VÉHICULE.

Ada Mondès au Channel de Calais avec les élèves du Lycée Berthelot.

Heureux aujourd’hui, à l’issue d’une semaine on ne peut plus chargée, d’annoncer officiellement l’attribution du 24ème Prix des Découvreurs de poésie de la Ville de Boulogne-sur-Mer – c’est son exact intitulé – à la jeune poète Ada Mondès, pour son livre, Paysages cubains avec pluie, publié par les éditions du Petit Véhicule. Nous nous réjouissons à cette occasion de voir un ouvrage bilingue – espagnol / français – couronné par cette majorité de jeunes lecteurs et lectrices qui dans les collèges et lycées ayant participé à l’opération, l’auront découvert et apprécié. Surtout quand nous constatons qu’à côté de ce livre celui de la grande poète américaine Sharon Olds, dans une traduction remarquable de Guillaume Condello, a réuni sur lui une part presqu’aussi importante de suffrages qui le placent en seconde position. Honneur donc, cette année, aux femmes et aux langues, dans notre palmarès qui retiendra aussi la belle troisième place d’un poète discret, Sébastien Ménard que nous sommes également heureux d’avoir fait découvrir.

vendredi 29 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. BROUETTES DE JAMES SACRÉ. OBSIDIANE.

 

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« Forcément qu’un livre est trace de par où est passé moins ton pied que ta pensée ou l’incertitude inquiète et désireuse de ta rêverie. Aucun lecteur pourtant, ni même toi quand tu relis, ne sera le fin chasseur qui saurait lire d’emblée quel corps et quel esprit vivants ont laissé des marques dans ces fragiles bouts d’écriture que la pluie du temps bientôt défait. »

James Sacré, Figures de solitudes, Tarabuste, 2018

 Comme l’écrit avec sa coutumière justesse Jacques Josse, « où qu’il se trouve, James Sacré aime se saisir, dès qu’il en a l’occasion, d’une image brève et animée qui ne semble là que pour s’offrir à son regard.

jeudi 28 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. ARIANE DREYFUS.

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 De son ouvrage, Les Miettes de décembre, paru en 1997, Benoît Broyart dans Le Matricule des anges écrit ceci : "Les Miettes de décembre pourrait être un roman. On suivrait le parcours de Catherine, la fille, de sa naissance à l’âge adulte, à travers les yeux d’Émilie, la mère. Mais Ariane Dreyfus, née en 1958, dont c’est le troisième ouvrage, déchire la narration, transformant le roman potentiel en une suite de petits éclats, proches du poème. Le texte est en miette et le silence, entre chaque bribe, installe la distance nécessaire. Le poète garde juste ce qu’il faut".

Un tel sentiment de vie dans ces vers. Une vie tellement ouverte. A en devenir si profondément vulnérable. 

Cette édition reprend 4 titres importants de l'auteur, L'Amour, Les Miettes de Décembre, La Durée des plantes, La Bouche de quelqu'un, parus respectivement en 1993, 1997, 1998 et 2003 chez divers éditeurs. 

samedi 23 avril 2022

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. TOUTES AFFAIRES CESSANTES DE HENRI DROGUET CHEZ GALLIMARD.


Toutes affaires cessantes, il faudra écheler ce farouche échafaud d’Henri Droguet, par quoi ce prodigieux assembleur, monte à l’assaut du monde et de la langue, pour mieux nous les livrer, les délivrer, artistement reconfigurées. Car le poème ici ne calque pas les choses, se moque de les simuler, s’interdisant tout réalisme convenu, mais s’emploie, les choquant l’un par l’autre, le monde avec la langue, la langue avec le monde, à redonner puissance, énergie, résonance, aux diverses matières qui de haut en bas composent cet humain espace qu’à travers notre sensibilité et nos propres capacités de création, nous sommes voués à hanter. Et reconstruire toujours.

Cinq parties dans cet opus qui, se terminant par une section intitulée Rideau, nous rappelle que l’œuvre est avant tout théâtre, théâtre comme on veut le faire comprendre ici, mental, articulant paysages et figures, à prendre aux divers sens du terme. Je m’épuiserais à vouloir rendre compte par le détail d’un livre d’une telle richesse d’expression. Mieux vaut pour moi le lire encore et le relire. Y réentendre au hasard des pages inventer en aveugle « la grinche des corneilles/ l’abattis bouillie des comètes ». Y retrouver « la mer à sa bougeotte », tamponner « une estacade/ les gros bollards aux docks à tourteaux/ cuirs et peaux bois sciés et phosphate ». Y retrouver, pourquoi pas, « le petit homme poucet » cognant « sobrement ses galoches », qu’on a été, qu’on est toujours, au détour de ces chemins qui, faisant aussi bien signes de mort que d’éternité, gardent tout leur relief d’enfance.

mercredi 6 avril 2022

RENCONTRE À DENAIN AVEC ETIENNE FAURE.


 Denain, ancienne grande cité ouvrière, ville de feu et de fumées, dont Wikipedia m’apprend qu’il y a peu, suite à l’effondrement de son industrie sidérurgique ainsi qu’à la fermeture de ses mines de charbon, les mêmes dans lesquelles Zola descendit pour écrire Germinal, elle était considérée comme la ville la plus pauvre de France, se trouve à moins d’une heure de route de Bruxelles. Moins de deux de Paris, notre ville-lumière ! L’Europe un peu partout offre de ces contrastes. C’est toujours pourtant une assez grande impression de richesse qu’on garde au souvenir des échanges auxquels l’investissement de la valeureuse brigade d’enseignants[1] qui nous y accueille depuis de longues années, nous permet de participer avec leurs élèves. Au lycée Jules Mousseron, qui porte le nom d’un poète doublement mineur mais dont la personnalité fut sans doute hors du commun, le groupe qui nous aura accueillis, Étienne Faure et moi, dans le cadre de sa participation au 24ème Prix des Découvreurs, aura bien préparé la rencontre - deux classes, l’une du lycée polyvalent, l’autre du lycée professionnel, ayant travaillé de concert et de conserve (puisque cela les aura fait avancer), sur des créneaux horaires intelligemment mis à leur disposition par la direction. Des textes auront été écrits, inspirés par le travail d’Étienne. Des réflexions auront été menées. Des découvertes ainsi faites. Et les échanges se seront faits fluides. Variés. Dans une grande simplicité et même familiarité de ton. Ce qu’il restera de tout cela bien sûr est impossible à dire. On ne saurait parler pour tous. Mais chacun, j’en suis sûr, à commencer par moi, en gardera quelque chose. D’une alerte. Mais sans menace cette fois, à la vie.



[1] Je me dois de citer ici leur nom : Laurence Leclercq, Christine Jouet et Christine Le Moher.

lundi 4 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. EXTRAIT DES PHRASES DE LA MORT DE JEAN-PASCAL DUBOST AUX ÉDITIONS DE L’ATELIER CONTEMPORAIN.

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 Le temps qui trop nous est compté, s’il m’empêche de décompter là, les pluriels allèchements de ce tout dernier travail de Jean-Pascal Dubost, ne saurait me priver de proposer à la curiosité des amateurs véritables qui parfois s’égarent sur mes pages, quelque passage par quoi se donnera peut-être à goûter ce banquet de la mort qu’âpre et amer, souvent, il constitue. Banquet de la mort qui est aussi banquet de mots. Plus proprement ici de phrases. Qui largement font écho. À notre piteuse et massacrante condition. L’ombre de Villon plane sur cet ensemble. Et celle bien sûr de ces temps où la pensée de la mort tout imprégnait. L’usage particulier que Jean-Pascal Dubost fait depuis toujours, ou presque, d’une langue redéployant nos anciennes syntaxes comme nos vocabulaires éteints, ajoute finalement à l’ensemble autant qu’une jouissance, sa cruauté d’ardillon.

Divisé en quatre parties- Lai, Envoi, Final et Coda, que précède une adresse au lecteur, accompagné des suggestifs dessins du peintre Hervé Bohnert et d’une lecture finale mais non définitive de François Boddaert, le livre est le fruit de plusieurs années de notations impréméditées retenues en des carnets mais à l’évidence remmanchées avec art, suivant desseing de forme. Le passage que nous avons extrait, pour éloquent qu’il soit, ne donne aucunement l’idée du tout.