Hervé Martin fait partie depuis plus de trente ans
maintenant de mes poètes amis. Et compte, je le sais bien, parmi les plus
fidèles. J’ai reçu son dernier livre, Recouvrer le monde, début juillet
dernier, et ce n’est que maintenant que j’en rends compte. Ce que j’aurais dû
faire depuis longtemps. D’autant que bien des choses dans cet ensemble me
parlent. M’émeuvent. Habitué que je suis, comme Hervé, aux longues promenades
en forêts. À y
laisser mon regard se perdre dans le spectacle toujours renouvelé des fûts, des
branches et les miroitements de la lumière entre eux puis toute la mosaïque
recomposée du ciel qu’aux saisons les moins froides le mouvement des feuilles
balaie. Il y a chez Hervé Martin toujours ce frémissement de voir les vives
matières de ce qu’on appelle la nature faire infiniment signes de ce qu’il
nomme beauté et que je dirais moi, plus lourdement, d’interpellante
existence, par ce qu’on y ressent d’intimité réciproque entêtée à
s’entrepercer. Car les « matières » quelles qu’elles soient, minérales,
végétales, silex ou écorce, relèvent pour Hervé Martin de ce grand mystère du
monde avec lequel nous faisons sensuellement corps mais que notre esprit et nos
mots restent malheureusement pour l’essentiel, impuissants à comprendre. D’où
ce travail toujours recommencé de regard. Et par suite de voix. De poèmes. Qui
tente non pas de recouvrir le monde mais de le recouvrer c’est-à-dire de le
retrouver. D’en faire comme apparaître la direction perdue.