dimanche 5 janvier 2025

UN TRIPTYQUE SUR LES RELATIONS ENTRE TRAVAIL ET CAPITAL ! ADOLPH MENZEL À BERLIN VU PAR L’AUTEUR D’ESTHÉTIQUE DE LA RÉSISTANCE.

  

Depuis une dizaine d’années que mon ami Laurent Grisel me l’a fait découvrir, j’incite les personnes de ma connaissance qui me paraissent être en mesure de s’y plonger, car la lecture d’un tel livre pour passionnante qu’elle soit n’en reste pas moins exigeante, à lire l’Esthétique de la Résistance de l’écrivain et dramaturge Peter Weiss. Le théâtre de l’Odéon doit donner en mars prochain une adaptation – encore que je ne sois pas trop sûr de la justesse ici de ce terme – de ce long roman initiatique par le metteur en scène Sylvain Creuzevault. Je recommande à chacun de lire ci-dessous la note de présentation donnée par l’Odéon pour se faire une rapide idée de l’intérêt de cette œuvre réellement exceptionnelle. Et de lire avec attention cet extrait qu’on trouvera à la fin de la première partie de l’ouvrage et qui évoque un célèbre tableau du peintre Adolph Menzel que j’ai eu la chance il y a quelques années de voir à Berlin. L’acuité du regard de Weiss où préoccupation esthétique et revendication politique fondamentale ne font qu’une s’y manifeste à plein.

On nommait généralement ce tableau dont nous vîmes l’original plus tard à la National Galerie, l’Apothéose du travail. L’atmosphère de l’industrie lourde avait été rendue de façon convaincante, témoignant d’une grande connaissance en la matière. La vapeur, le vrombissement des marteaux, le grincement des grues et des chaînes de traction, le mouvement rotatoire des volants des machines, la chaleur du feu, l’incandescence du fer, les muscles tendus, tout cela se ressentait dans cette peinture. Le groupe des forgerons poussait le bloc de métal incandescent depuis la charrette relevée sous le cylindre dans le centre du tableau, à droite, à l’abri d’une plaque de tôle, accroupis parmi les tuyaux et les chaînes, quelques hommes se reposaient, mangeaient à la cuiller dans des écuelles, portaient une bouteille à la bouche et, sur le bord gauche du tableau, le buste nu, les hommes de l’équipe qu’on venait de relever se lavaient le cou et les cheveux. Chaque manipulation, chaque torsion et chaque flexion par-dessus les outils et même la fatigue, l’abattement de ceux qui étaient assis là dans le coin, était un élément constituant de l’immense halle ; se faufilant parmi les tiges et les tringles, la lumière du jour qui ne perçait la fumée qu’à quelques endroits, paraissait inaccessible. La description de cet engrenage sans fin, de ces corps en sueur n’exprimait rien de plus que la dureté du travail qui s’effectuait ici dans une totale soumission. La violence de ce qui était soulevé et brandi là, réglée et dominée, l’instant d’extrême concentration au moment de saisir les tenailles, la vigilance du contremaître barbu près du levier lorsqu’il recevait la pièce laminée, les corps enduits de suie qu’on frottait rudement, les brefs instants où tout s’éteignait, tout cela ne se référait qu’à un seul thème, le travail, le principe du travail et c’était un principe bien précis dont on ne pouvait définir la nature qu’après l’avoir minutieusement observé. Il ne s’agissait pas d’un travail comme celui dont parlait mon père, mais d’un travail accompli pour le prix le plus bas et le profit maximum de celui qui l’achetait.

mercredi 1 janvier 2025

BONNE ANNÉE 2025 !


 

Des traversées, des découvertes, des tentations, des combats parfois disproportionnés, l’impôt toujours à consentir au Prince et la roue de Fortune qui toujours tourne et tournera, avant que nous ne soyons emportés vers on ne sait quel au-delà ou en-deça… formons le vœu que nos belles images continuent d’accompagner encore longtemps nos existences pour les interroger, les mettre en perspective et nous offrir surtout ce souverain plaisir d’art moins inusable que nos vies.

mardi 31 décembre 2024

1917. LA VICTOIRE ETAIT ENTRE NOS MAINS À LA CARTOUCHERIE.


 

C’est toujours un peu Noël à la Cartoucherie. Toujours la même impression d’entrer dans l’univers du Romant comique ou du Capitaine Fracasse, à voir ces roulottes alignées près de l’entrée, ces guirlandes accrochées aux branches et ces flammes s’échappant des hauts barils de métal sensés réchauffer la file des spectateurs attendant sous un velum l’ouverture des portes.

Une fois entré, c’est tout un spectacle auquel on participe, cette fin décembre, en faisant foule autour du bar pour se faire servir par des comédiens en grands tabliers blancs, ce bol de bortsch ou ces pirojkis qui vous préparent à ce qui va suivre et qu’on est venu voir. Déjà on est dans l’ancienne Russie dont la carte s’affiche tout au fond de la salle, empire ogre dont l’étendue immense n’aspire toujours qu’à dévorer les territoires qui le bordent. On partage sa table avec des inconnus de tous âges. L’ambiance est chaleureuse et colorée. Comme pour une fête. Et c’est toute la contradiction de la chose. On vient ici voir une pièce qui traite des malheurs du monde mais on passe aussi là un bon moment.

dimanche 29 décembre 2024

CONTRE L’ART DE RAMPER EN POÉSIE. DE JEAN-MARIE CHASSAIGNON À L’ITALO CALVINO DU MÉTIER D’ÉCRIRE EN PASSANT PAR QUELQUES « AMIS » FACEBOOK..

Cliquer pour ouvrir le PDF

 

Rien de nouveau bien entendu sous le soleil. Toujours il se sera trouvé des auteurs plus ou moins reconnus, souvent moins que plus, pour condamner l’aveuglement de leurs contemporains en matière de goût et la pauvreté des productions éditoriales de leur temps. Préparant ce court billet de blog je tombe ainsi sur cette figure à première vue bien intéressante de Jean-Marie Chassaignon, (Lyon 1743, Thoissey 1796), auteur comme chacun sait des Cataractes de l'imagination, déluge de la scribomanie, vomissement littéraire, hémorragie encyclopédique, monstre des monstres, sous le pseudonyme d’Épiménide l'Inspiré, prétendûment publié dans l'antre de Trophonius au pays des Visions (1779), où je trouve ceci[1] : « Il en vrai qu'on empoisonne le public de fades productions; mais dans la république des Lettres, ce crime n'est point puni. Il est permis aux mauvais Ecrivains de faire des livres, aux sots de les lire, & aux Libraires de les vendre le plus chèrement qu'ils peuvent. Hé comment vivrions-nous, dit le Libraire, si nous faisions autrement ? Comment feroit cette foule d'Auteurs & de Correcteurs qui ne subsistent que des sottises dont ils barbouillent du papier ? Il est dans tous les métiers des Charlatans. Les mauvais Ecrivains sont les Charlatans de la république des Lettres leurs drogues se vendent souvent mieux que les ouvrages des plus Grands hommes.... Si l'on n'imprimoie que des Oeuvres sublimes, la moitié des libraires de l'univers mourroit de faim & l'autre moitié ne seroit pas trop bien dans ses affaires. […]  D'ailleurs les plus minces Ecrits peuvent être d'usage. Et dans ce siècle où la foule des Ecrivailleurs est si grande, où tout le monde a droit de prétendre à la rosette du bel-esprit, il ne seroit point surprenant qu'il fût du bon ton d'écrire trivialement. Qu'on consulte le célèbre Anglois, Martin Scribler, dans son Art de Ramper en poésie.[2] »

jeudi 26 décembre 2024

SUPERBE EXPOSITION RIBERA AU PETIT PALAIS. EN PROFITER POUR RENDRE HOMMAGE À THEOPHILE GAUTIER.



J’aurais bien aimé voir ou revoir le Supplice de Saint Philippe ou le Songe de Jacob tous deux au Musée du Prado, comme son Suzanne et les vieillards ou sa superbe Nature morte à la tête de chèvre de Capodimonte qui aurait pu faire un magnifique pendant à sa tête de Saint-Jean Baptiste, mais il est vrai que l’œuvre de Ribera est si riche qu’on ne pouvait s’attendre au Petit Palais à pouvoir admirer l’ensemble des chefs d’œuvre qu’aura produit ce peintre tout au long de sa fertile et généreuse carrière.

vendredi 20 décembre 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : NATURE EN DÉCOMPOSITION DE CAMILLE LOIVIER CHEZ BACKLAND ÉDITIONS.

Cliquer pour lire l'ensemble de nos extraits

Nature en décomposition n’est pas un livre pour ceux qui n’aiment de la poésie que ce qui joue sur le vague des mots. Les fades connivences du sentimentalisme borné. Il procède d’un double mouvement extrêmement vivant de projection/diffusion et d’assimilation/concentration qui tente de tenir la balance plus ou moins égale entre tout ce qui du monde extérieurement nous aspire et de ce qui intérieurement cherche à être retenu de soi. L’extrême mobilité affective de l’auteur qui ne s’encombre jamais de raisonnement y entraîne le lecteur sur les voies syncopées d’une relation intime et souvent très physique avec ces diverses présences qui s’offrent tant à notre regard, à notre imagination, notre connaissance qu’à nos gestes ainsi qu’à nos angoisses, nos désirs ou nos aspirations.

lundi 16 décembre 2024

MÊME DEVANT CES BRAISES SUIVI DE DEUX POÈMES LÂCHÉS DE GEORGES GUILLAIN EN ÉDITION NUMÉRIQUE.

Cliquer pour accéder à l'ouvrage

 

Dans ce petit milieu de la poésie auquel j’appartiens, beaucoup se montrent réticents vis-à-vis de la publication numérique. Le fait que la plupart des ouvrages publiés, quelle que soit la maison d’édition qui s’y soit employé, peinent à se voir écouler à plus d’une centaine d’exemplaires, n’empêche rien. Le petit milieu de la poésie cherche toujours et avant tout à se voir lu sinon simplement vu, en édition papier.

Pour avoir cependant constaté que les diverses publications numériques qu’avec L.D. (Les Découvreurs) j’ai depuis quelques années diffusées sur mon blog avec le seul soutien d’un relais sur Facebook, pouvaient parfois bénéficier de plus d’un millier de vues quand les quelques ouvrages papier pourtant d’excellente qualité que nous avons réalisés n’avaient trouvé que quelques dizaines d’acheteurs, je n’ai aujourd’hui plus la moindre hésitation à proposer aujourd’hui de lire sur écran l’ouvrage dont je me dois de dire maintenant quelques mots.

Comme ces Contours perdus[1] que j’ai proposé de découvrir il y a quelques mois, même devant ces braises, est un ensemble de textes pour moi très ancien dont l’écriture se sera étendue de la toute fin des années 1990 au tout début des années 2000. Pendant près d’un quart de siècle j’aurai assez régulièrement relu ces pages sans éprouver le besoin comme l’envie de leur trouver un éditeur. compris dans le paysage, avec la terre au bout, parmi tout ce qui renverse, les trois ouvrages que les éditions Potentille, de l’Atelier la Feugraie et du Castor Astral ont publié de moi entre 2010 et 2017, plus aboutis, construits et surtout plus ouverts sur des espaces débordant plus largement le cadre de ma sensibilité ou émotivité personnelles, m’ont paru de nature non à discréditer mes textes plus anciens, mais à en rendre pour moi l’intérêt moindre.

vendredi 13 décembre 2024

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. CHRISTIANE VESCHAMBRE.


 

on disait

écrire sauve

là où on n'écrit pas

on est perdu

condamné

 

À PROPOS DU NOUVEAU LIVRE DE CHRISTIANE VESCHAMBRE, LÀ OÙ JE N’ÉCRIS PAS CHEZ ISABELLE SAUVAGE.

 

Je me pose souvent la question de savoir ce qui peut bien distinguer à mes yeux un joli poème bien écrit d’un texte d’apparence moins séduisante, mais qui toutefois me parle et mérite à mes yeux vraiment d’être lu. C’est que ce dernier s’inscrit dans une œuvre, une réflexion, une démarche qui inquiètes davantage d’elles-mêmes, lui confère plus de poids et osons malgré tout ce mot, d’authenticité.

Là où je n’écris pas[1], cet ouvrage de Christiane Veschambre que viennent de faire paraître les éditions isabelle sauvage, n’est pas un livre facile. N’est pas non plus ce livre tranquille qu’on pourrait attendre d’un auteur, d’une poète, qui, bénéficiant de la reconnaissance d’une bonne partie, celle qui compte, du milieu poétique actuel, pourrait dérouler ses poèmes se contentant désormais d’exploiter des formules éprouvées.

vendredi 6 décembre 2024

LES YEUX FERMÉS.


 

En attendant de disposer du loisir de les présenter de façon plus précise, c’est aujourd’hui les yeux fermés, c’est bien les yeux fermés, que je recommande ce choix opéré parmi les quelques ouvrages qui me sont récemment parvenus. Chacun d’eux procède d’une relation singulière au monde qu’il s’applique à restituer à partir d’une écriture qui en propre lui appartient. Voici des auteurs, des autrices qui ne déçoivent pas. Des livres qui très diversement touchent. Parlant au cœur comme à l’esprit. Qu’ils ouvrent. Merci de me les avoir fait parvenir.