Accompagner avec ses mots l’œuvre d’un peintre est une des tentations parmi les plus fréquentes du travail poétique. Inversement les peintres apprécient le plus souvent de voir leurs amis poètes prêter voix à ces choses muettes dont comme disait Poussin ils font profession [1]. Sans remonter aux célèbres ekphrasis tant prisées de la littérature antique, chacun a toujours bien en tête le dialogue entre Baudelaire et Delacroix, Mallarmé et Manet, Apollinaire et Derain, Cendrars bien sûr et Sonia Delaunay, Chagall ou Fernand Léger ou plus proche de nous Charles Juliet et Bram Van Velde … C’est que pour paraphraser le célèbre rhéteur Lucien de Samosate, quiconque voit se présenter sous ses yeux un spectacle ou une œuvre admirable ne peut faire autrement que d’éprouver en lui le besoin de s’en pénétrer et ne pouvant demeurer muet devant tant de beautés, de tenter de les exprimer « par une parole reconnaissante ».[2] Aujourd’hui peintres et poètes, s’ils continuent d’entretenir entre eux cette stimulante complicité voient surtout dans cette démarche un moyen de sortir un peu de la solitude où les enferme leur art, tant poésie comme peinture à l’exception de quelques rares grandes exceptions restent toujours dans la cruelle réalité imposée par nos univers marchands, terriblement confidentielles.