Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
lundi 1 janvier 2018
lundi 11 décembre 2017
LA GUERRE REND-ELLE FOU ? LES SOLDATS DE LA HONTE DE JEAN-YVES LE NAOURS.
C'est un des multiples avantages
des rencontres que nous organisons que de relancer à chaque fois notre
curiosité. Pour les livres. Certes. Mais aussi au gré des conversations, des échanges,
pour des lieux. Des époques. Des personnes. Des évènements. Des problèmes...
Une de nos rencontres avec Gisèle
Bienne, autour de la Ferme de Navarin,
a ainsi été l'occasion de nous souvenir avec elle de bien des lectures que nous
avons faites autour de la première guerre mondiale - nous en ferons peut-être
un jour la liste - mais aussi de nous décider à nous intéresser de plus près à
cette question des "mutilés mentaux" qu'un ancien article relatif au Cimetière des fous de Cadillac (Gironde)
nous avait fait, en son temps, découvrir.
samedi 9 décembre 2017
RECOMMANDATION. KASPAR DE PIERRE DE LAURE GAUTHIER À LA LETTRE VOLÉE.
Comment le dire : insignifiants
de plus en plus m’apparaissent ces petits
poèmes qu’on peut lire aujourd’hui publiés un peu partout, sans le secours
du livre. Non du livre imprimé, de l’objet
d’encre et de papier qu’on désigne le plus souvent par ce terme. Mais de cet
opérateur de pensée, de ce dispositif supérieur de signification et
d’intelligence sensible qui organise les perspectives, relie en profondeur et
me paraît seul propre à mériter le nom d’œuvre.
Non, bien entendu, que tel petit
poème ne puisse charmer par tel ou tel bonheur d’expression, la justesse par
laquelle il s’empare d’un moment ou d’un fragment de réalité et parvient ainsi
à s’imprimer dans la mémoire. Et nous disposons tous – et moi pas moins qu’un
autre - de ce trésor de morceaux qu’à l’occasion nous nous récitons à
nous-mêmes et dans lequel, même si c’est devenu un cliché de le dire, certains,
dans les conditions les plus dramatiques puisent pour donner sens à leur souffrance
et trouver le courage ou la volonté d’y survivre.
Mais la littérature me semble
aujourd’hui avoir bien changé. Nous ne sommes plus au temps des recueils.
Difficile de plus en plus d’isoler radicalement la page de l’ensemble dans lequel elle a place. C’est en terme de
livre qu’aujourd’hui paraissent les œuvres les plus intéressantes. Pas sous
forme de morceaux choisis. Ce qui rend aussi du coup la critique plus
difficile. Aux regards habitués, comme le veut notre époque, aux feuilletages.
Au papillonnage. Aux gros titres. À la pénétration illusoire et rapide.
Le livre de Laure Gauthier, kaspar de pierre, paru à La Lettre volée, est précisément de ceux
dont le dispositif et la cohérence d’ensemble importent plus que le détail
particulier. Ou pour le dire autrement est un livre dans lequel le détail
particulier ne prend totalement sens qu’à la lumière de l’ensemble. Non
d’ailleurs que tout à la fin nous y paraisse d’une clarté parfaite. S’attachant
à y évoquer non la figure mais l’expérience intérieure de ce Kaspar Hauser que
nous ne connaissons le plus souvent qu’à travers l’image de « calme orphelin » rejeté par la vie,
qu’en a donnée Verlaine, Laure Gauthier, à la différence de ceux qui se sont
ingéniés à résoudre le bloc d’énigmes que fut l’existence et la destinée de cet
étrange personnage, ramènerait plutôt ce dernier à sa radicale opacité, son
essentielle différence qui n’est peut-être d’ailleurs à bien y penser que
celle, moins visible et moins exacerbée par les circonstances certes, de chacun
d’entre nous.
samedi 2 décembre 2017
REPLACER LA PAROLE AU CŒUR. À PROPOS DE L’APPEL POUR LA CRÉATION D’UNE MAISON DE L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE.
CLIQUER POUR LIRE LE CONTENU DE LA TRIBUNE |
Il vient de paraître dans le Journal Libération du 27 novembre 2017,
une Tribune signée par un collectif de personnalités civiles et politiques,
appelant à inventer « un lieu où se
croiseraient écrivains, artistes, enseignants, élèves et étudiants : une
maison pour réfléchir ensemble et pour transmettre la culture à tous ».
Si j’aurais personnellement préféré à la place du verbe
« transmettre » un terme plus ouvert permettant de comprendre que la
culture ne procède pas d’un capital figé qu’il s’agit d’abord de recevoir, mais
d’un effort permanent d’éveil et de co-naissance qui permet à chacun de trouver
en tout, matière à s’inventer soi-même et à comprendre davantage et les autres
et le monde, je ne peux, avec les Découvreurs, que regarder cette initiative avec
la plus grande sympathie.
Et c’est pour contribuer à cette réflexion que je crois aujourd’hui bon
de reprendre en partie le texte d’un billet publié en janvier 2014 pour protester
contre la façon dont, dans les programmes dits d’éducation artistique, sont
trop souvent oubliés, poètes et écrivains, au profit des artistes du corps et
de l’image.
Réduite à la simple vision,
l'image ne se partage pas. C'est pourquoi nous nous inquiétons de voir tant de
plans généreux, tendant de plus en plus à faire intervenir, en direction des
territoires, des artistes de tous ordres, continuer à faire l'impasse sur ces
formes essentielles d'art que sont la poésie et la littérature.
Les responsables
culturels ignorent très largement les artistes de l'écrit
Nous étant récemment intéressé à
la question des relations entre artistes et territoires nous avons pu réaliser
à quel point l'artiste était aujourd'hui sinon "instrumentalisé"
du moins fortement incité, par les diverses politiques actives dans ce champ, à
tenter de résoudre, par des moyens d'ailleurs de moins en moins propres à son
art, une partie des grandes questions se posant à nos sociétés : la question
par exemple de l'abandon ou du délaissement de certains territoires, celle de
l'absence, à une échelle plus large, de maillage entre les différentes parties
qui les constituent, pour finir par la grande et difficile affaire qui parfois
en découle, de la violence urbaine. Nous reviendrons peut-être un jour sur le
détail de ces questions.
Imaginer demander à l'artiste de
participer à ce que Jean-Christophe Bailly dans la Phrase urbaine,
définit comme "un travail de reprise" n'est pas en soi une
aberration. L'artiste par sa sensibilité, son intelligence ouverte capable de
coupler dans des démarches souvent plus intuitives que rationnellement
organisées, l'esprit d'invention qui découvre et la capacité de création qui
impose, peut aider à faire surgir des réels nouveaux. A redonner du sens.
Participer à de nouveaux modes de réconciliation entre les êtres. Entre les
choses. Entre les unes et les autres, aussi.
Nous ne pouvons toutefois nous
empêcher de remarquer que les appels d'offre proposés ainsi aux artistes, soit
dans le cadre des politiques d'éducation artistique et culturelle, soit dans
celui des politiques d'animation et de reconstruction des territoires qui
souvent d'ailleurs se recoupent, ignorent assez largement les artistes de
l'écrit. Au profit des artistes du spectacle. De ceux dont l'art n'est pas au
premier chef fondé sur la parole. Agit d'abord en affectant les corps. Et les
organes. Par le visible.
mercredi 22 novembre 2017
RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. AU BORD DE SEREINE BERLOTTIER AUX ÉDITIONS LANSKINE.
« comment
/ inventer le passage/ la pensée au bord de ce lit/ près de celle qui veut
bien/ qu’on parle de tout/ sauf bien sûr/ et de ceci/ secrètement/ pas
même ? »
Au bord. Toujours
nous nous voyons renvoyés vers des bords. Des bords de vivre à ceux de la
pensée. Des bords de la pensée à ceux de la parole. De partout débordés aussi.
Par les choses. Les sentiments. Les idées. Par cette façon que nous avons de
pencher avec sur nous les ombres des autres. Les ombres aussi de l’espace. Et
du temps. Mais il nous faut l’épreuve de certaines expériences, celles souvent
de la perte et de la douleur, pour pleinement prendre conscience des limites de notre
condition qui fait que jamais nous ne pouvons totalement rejoindre. Jamais pleinement
nous fondre. Autrement que dans l’illusion. Même si nous avons inventé l’art et
la parole pour tromper nos insatisfactions.
C’est à cette dimension radicale de l’être que renvoie,
me semble-t-il, le dernier livre de Sereine Berlottier, justement intitulé Au bord. Se présentant comme une sorte
de récit en vers, lacunaire, elliptique souvent, mais suffisamment ancré dans
le détail des circonstances pour que les choses nous deviennent au fil des
pages, de plus en plus compréhensibles, le livre de Sereine Berlottier ne
cherche pas à broder sur les sentiments bien connus qui accompagnent la progressive
disparition d’un proche. Sans en passer par le fil trompeur des enchaînements
factuels et des analyses convenues, son livre s'efforce, dans un tâtonnement de
paroles, faisant parfois retour sur sa propre impuissance, de découvrir un
passage qui relierait son auteur non pas seulement à la personne de sa mère, d’abord
mourante puis morte, mais à quelque
chose de plus vaste, de moins facilement intelligible aussi, qui serait
l’espace où les cœurs ne se verraient plus partagés. Où chaque parole encore,
qu’elle porte sur le passé tout autant que sur le présent, serait enfin
pleinement accueillie, à demeure !
L’art étant forme et abstraction, cette aspiration
qui la porte, passe dans la matière du livre par un choix de vers libres porteurs de notations factuelles brèves, jamais
développées, parfois même amputées de leur complément et associées selon le
principe d’un montage à la fois sec et émouvant dans la mesure où l’on
comprend, ressent, assez vite que par-là s’exprime dans le même temps,
l’incisive attention de l’œil et de l’esprit et la confusion non moins certaine
du cœur et de la pensée qui se troublent.
Louis Soutter, Ame partie. |
SUR CE LIVRE VOIR EGALEMENT :
Angèle Paoli sur terresdefemmes
Antoine Emaz sur POEZIBAO
Gérard Cartier dans Secousse
Un vidéo-poème de S. Berlottier et Jean-Yves Bernhard sur remue.net
dimanche 19 novembre 2017
POUVOIRS DE LA FICTION. À PROPOS DE LA MAISON ÉTERNELLE DE YURI SLEZKINE.
Il est des rêves collectifs dont
nous avons malheureusement appris à trop bien nous réveiller. Ainsi de celui que
nourrit au siècle dernier sur le territoire de l’ancienne Russie toute une
génération d’intraitables révolutionnaires qui tenta d’y installer pour
l’éternité une société sans classe et sans exploitation par la mise en place
d’un régime qui ne se maintint finalement pas plus que le temps d’une courte
vie humaine.
Sûrement que ce dernier dont on
sait les souffrances et les atrocités dont il fut responsable ne doit pas être
regretté. Mais confronté aujourd’hui à l’affirmation tellement écoeurante des
inégalités que les sociétés dîtes libérales ont laissé s’établir quand elles ne
les promeuvent pas, entre les fameux premiers
de cordée qui ne tirent à eux que les bénéfices du travail des êtres qu’ils
exploitent et la masse immense de ceux qui, de multiples façons, voient leur
vie ou une partie de leur vie, sacrifiée à ce système, pour ne rien dire au
passage de ce qu’il en coûte pour la survie de la planète, oui, confronté à
cela, on comprendrait qu’on en vienne à regretter ces visions d’avenir radieux
et que sous l’apparente résignation des comportements et malgré les efforts
d’endormissement des pouvoirs de tous ordres, germent à nouveau, dans nos coins
de cerveau toujours disponibles, des projets de « révolution »,
mûrissent dans nos cœurs des désirs de révolte, s’expriment un peu partout des
impatiences et des colères qui pourraient tout emporter demain.
C’est donc avec des préventions
moindres à l’égard de la tentation révolutionnaire et de ses effrayantes radicalités
que je me suis lancé ces derniers jours dans la lecture du monumental ouvrage
composé par l’historien américain Yuri Slezkine qui sous couvert de nous
raconter un peu à la manière de la Vie
mode d’emploi de Perec, l’histoire des premiers habitants de la fameuse Maison du Gouvernement construite à la
fin des années 20, face au Kremlin, pour
abriter quelques centaines de privilégiés du régime, tente d’analyser les
ressorts fondamentaux de la psyché bolchevique.
« Toute ressemblance
avec des personnages de fiction, vivants ou morts, serait pure coïncidence »
vendredi 17 novembre 2017
SUR NOTRE INCAPACITÉ À NOUS SOULEVER CONTRE CE QUI EST DÉTESTABLE.
Pour des raisons que chacun comprendra et qui débordent largement le parallèle
que je faisais entre les mutineries de 1917 et « le délire officiel »
de Noël, au moment où d’aucuns se sentent malgré eux, enrôlés dans la défense
d’un modèle social dont on voit de plus en plus clairement qu’il ne profite
qu’à une minorité d’individus qui se sont, semble-t-il, donnés comme objectif d’exploiter le plus possible leurs semblables, pour ne pas parler des
ressources communes de la terre, je crois bon de revenir sur le livre de
l’historien André Loez, que j’ai présenté sur mon ancien blog en décembre 2013.
Il offrira peut-être à chacun de quoi
comprendre en partie les raisons actuelles de notre incapacité à nous soulever
contre un état des choses que nous sommes, je pense, de plus en plus nombreux à
trouver détestable.
Tout vrai lecteur le sait. À l'intérieur
de soi, c'est tout un jeu de configurations et de reconfigurations qui se
produit durant le temps de la lecture. Là s'échangent des temporalités. Des
situations. Des préoccupations. Celles bien entendu de l'ouvrage et des récits
qu'il met en œuvre. Celles aussi qui nous sont propres et qu'aucune lecture
même la plus captivante n'est en mesure de suspendre totalement.
Il en résulte parfois des mises
en relation surprenantes.
Lisant le très important livre
d'André Loez sur les mutins de 1917, que nous ne saurions trop conseiller en
prévision des commémorations tous azimuts à venir, tandis que nous subissions
la terrible pression commerciale correspondant à ce que Baudelaire appelait
déjà dans les Petits Poèmes en Prose, l'"explosion du
nouvel an", quelque chose en nous, malgré l'évidente différence des
matières, malgré le caractère paradoxal et même possiblement choquant de leur
rapprochement, nous enjoignait à chercher ce que ces refus de la guerre étudiés
de façon si attentive par l'historien, un peu dans la lignée des préconisations
du Michel de Certeau de l'Invention
du quotidien, s'efforçaient aussi de nous faire entendre sur notre propre
attitude à l'égard de ce qu'il est possible de considérer aujourd'hui comme
l'obligation sociale de fête.
samedi 11 novembre 2017
POÉSIE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES À L’ÉCOLE. À PROPOS DU PROJET I-VOIX DU LYCÉE DE L’IROISE À BREST.
ELEVES DU LYCEE DE L'IROISE DANS UNE LIBRAIRIE DE BREST |
Comment faciliter l’accès des
jeunes et de leurs maîtres à cette poésie actuelle que le peu d’intérêt que lui
manifeste une société avant tout préoccupée de vitesse, d’images, de pensée
simple et de rentabilité grossière, a rendu presque invisible ; comment revivifier
l’approche que l’institution scolaire, toujours particulièrement frileuse sur
ce point, propose de la poésie, voilà, comme comme on sait, quelques-unes des
préoccupations de notre association qui peut
s’enorgueillir de faire découvrir chaque année des ouvrages d’auteurs vivants à
des centaines et des centaines de jeunes répartis dans toute la France, d’avoir depuis sa création en 1998, fait rentrer
dans les CDI des milliers
d’ouvrages de poésie contemporaine et fait découvrir plusieurs dizaines
de petits éditeurs absents des
librairies comme des bibliothèques publiques.
jeudi 9 novembre 2017
BONNES FEUILLES. ÉCRITURE ET PHOTOGRAPHIE. LA BAIE DES CENDRES DE STÉPHANE BOUQUET AUX ÉDITIONS WARM.
Les jeunes éditions Warm m’ont récemment adressé le bien intéressant petit
livre qu’ils ont réalisé à partir de textes que Stéphane Bouquet a imaginés en
tentant comme elles l’écrivent « d’habiter » des photos de Morgan
Reitz. On rapprochera bien sûr cet ouvrage que nous nous empressons de
recommander, de cet autre beau livre intitulé Les Oiseaux favorables que nous avons sélectionné pour l'édition en cours du Prix des Découvreurs, qui se présente, comme je l’indiquais dans ce blog, « sous
la forme d’un monologue intérieur émanant d’une femme de 46 ans qui sent que
pour elle « tout est peut-être
fini, périmé, caduque, obsolète » et s’éprouve comme « une longue vibration de solitude qu’amplifient
toutes les ondes de douleur environnantes ».
Ce pourrait également être l’occasion pour nos amis professeurs, comme
on le leur recommande, de travailler sur l’image et d’étudier la façon dont
elle peut venir déclencher des actes d’écriture singuliers mais aussi très
fortement personnels.
Nous espérons que la lecture du tout premier texte de La Baie des
cendres, accompagné de la photographie qui en a stimulé l’écriture, donnera
envie à nos lecteurs de découvrir le reste de l’ouvrage.
Si seulement on pouvait m'indiquer la direction pense-t-elle
alors qu'elle s'est égarée dans une ville sans signe distinctif. Nous sommes
sur un pont au-dessus de l'eau et le ciel est aussi orange qu'un jus multifruits
bio vitaminé et sûrement pour l'occasion enrichi en mangues ou bien sinon la
publicité ment. Ce qu'elle voit d'ici, étonnant mais c'est directement le passé
ou presque directement le passé. Le problème est qu'elle est fatiguée et qu'il
est tellement difficile de tout faire tenir ensemble. Cela danse selon un certain
rythme c'est certain mais est-ce le même ? Les arbres plient un peu dans le
vent et des nuages défilent et tout ceci serait demeuré Inaperçu dans d'autres
circonstances. Par exemple, moins fatiguée ou jeune encore, elle aurait pu
éviter les répétitions et les phrases toutes faites et décrire simplement les
barges en bois sur le fleuve et même inventer des scènes torrides pour derrière
les stores de paille. Disons ces récits de jadis qui contiennent notamment des
vêtements imbibés de l'odeur insistante des chevaux. Mais aujourd'hui quelqu'un
a dû lui faire une injection de somnifère ou la peinturlurer d'une crème de
jour à base de plomb, elle a juste le courage de reprendre des mots déjà
entendus : par exemple on raconte qu'un homme voyage furieusement vers toi.
Est-il raisonnable d'avoir encore cet espoir pantelant et au reste une bonne
âme pourrait-elle lui chuchoter qui et quand et éventuellement où qu'elle ne
rate pas derechef le rendez-vous ? Pas dans les environs en tout cas, à moins
que le tramway ne consente à arriver et à s'inventer un arrêt que la photo a
simplement oublié de figurer et les choses alors auraient enfin cet aspect
concret et possible qui permettrait que tout et elle y compris perdure.
D'accord, dit-elle, on verra plus tard si jamais elle atteint plus tard grâce à
sa capacité sportive à outrepasser l'épuisement comme un coureur saute des
haies à toute allure et sans s'affaler. Ce jour-là, les veines de ses paupières
cesseraient de vibrionner. Mais en attendant le bateau postal vient d'apponter
et c'est la solution miracle. II y avait cette lettre qu'elle n'attendait plus
signée de ce prénom rougi comme un cœur qui s'agite. La lettre recommandait
avec un flegme quasi bouddhiste : contemple assez longtemps l'agencement des
lignes et des couleurs, tu devrais être capable de dénicher l'arrière-coin où
se cache la patience récompensée. Un simple baiser d'accueil quand nous serons
réunis. Mais où est-ce ? Peut-être devrait-elle finalement se résoudre à
demander l'aide d'un tiers ? Auriez- vous l'amabilité etc.
Profitons de l’occasion pour renvoyer aux propos de Stéphane Bouquet
dans le dernier numéro de la revue en ligne Secousse, en réponse à la question
lancée par les responsables de la revue : La poésie est-elle
réactionnaire ? En voici des extraits :
Il est
possible donc qu’écrive des poèmes celle ou celui qui a perdu quelque chose,
bien qu’elle ou il ignore quoi précisément – et que le poème soit son effort
d’autoconsolation. En cela, il y a bien une pulsion réactionnaire qui travaille
le fond de la poésie : l’appel d’un retour, quand on n’avait pas bêtement
laissé tomber ses clés ou son os. Mais ce qui ne l’est pas, réactionnaire,
c’est le chemin qu’il faut inventer pour satisfaire cette pulsion. […]
Le but des
poèmes (soyons modestes, des poèmes tels que je les envisage et les écris) est
de produire une vie suffisamment vivante pour donner l’illusion que la vie est
actuelle, présente, ou quasiment. Que nous y sommes presque, dedans, et non pas
exilés. Qu’en fait, il ne nous manque rien : ni un labrador, ni un chêne, ni un
Victor. Si bien que pour ce faire il est indispensable de créer d’interminables
effets de surprise dans la langue, si la vie est bien – comme je le crois – le
sentiment d’inattendu, de décalage qui sort les jours de leurs rails et fait de
chaque heure un matin. La langue du poème s’ingénie à produire de la surprise
et en cela, qu’on le veuille ou non, elle est condamnée au neuf, non par goût
un peu naïf du nouveau en tant qu’il est nouveau, avant-truc et cie, mais parce
que le neuf (dans la langue) est la seule façon de réaliser un état (peut-être
archaïque) où, pour nous (« nous » collectif, ou au moins duel), quelque chose
est toujours intensément de ce monde.
mercredi 8 novembre 2017
NOUVELLE APRÈS-MIDI DE LA PERFORMANCE AU CHANNEL AVEC VINCENT THOLOMÉ ET CHARLES PENNEQUIN.
VINCENT THOLOME, GAUTHIER KEYAERTS ET CHARLES PENNEQUIN AU CHANNEL DE CALAIS |
C’est désormais comme une tradition : les élèves du
lycée Berthelot de Calais ont, en ce début d’année scolaire, pu découvrir dans la
superbe salle du Passager mis à disposition par le Channel deux grandes figures
de la poésie dite de performance : Vincent Tholomé accompagné du musicien
Gauthier Keyaerts et Charles Pennequin.
Une soixantaine de jeunes du lycée Carnot de Bruay la
Buissière étaient aussi de la fête.
On trouvera sur YOUTUBE, 2 courtes vidéos de la prestation
effectuée par Charles Pennequin, réalisées à partir des images que nous ont
adressées l’une des professeures présentes lors de cette manifestation.
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