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samedi 13 février 2016

EXPLORATION DE LA VISIBILITÉ


Tête de Telamon, Agrigente
Les éditions Flammarion viennent de sortir le dernier ouvrage consacré par le poète Nicolas Pesquès à  La Face Nord de Juliau à laquelle il semble avoir maintenant consacré la quasi totalité de sa vie littéraire.
Je ne pense pas totalement inutile de redonner dans ce blog l’article que j’ai consacré il y a quelques années dans la Quinzaine Littéraire aux volumes 5 et 6 de cette singulière et magnifique entreprise.


Vigoureusement calé sur sa colline ardéchoise, le travail de Nicolas Pesquès qui fait paraître chez André Dimanche les volumes 5 et 6 de la Face nord de Juliau, se présente comme le récit particulier d’une exploration entamée depuis plus de 20 ans, non de la chose vue, voire d’un paysage fuyant en constante métamorphose mais de ce qu’appelait si bien Maurice Merleau-Ponty dans son dernier grand ouvrage l’Oeil et l’Esprit, un circuit : le circuit ouvert du corps voyant au corps visible.

A l’origine, peut-être, comme la tentative d’épuisement d’un lieu particulier : une modeste colline rêche, râpeuse, couverte de buis, de genêts, de genévriers, à laquelle le regard se trouve quotidiennement confronté. Une colline où sur l’autre face, au sud, aura vécu et écrit en son temps le poète Jacques Dupin auquel Nicolas Pesquès a d’ailleurs consacré en 1994, chez Fourbis, un bel ouvrage écrit dans l’amitié de la voix.

samedi 23 janvier 2016

KATRINA. ISLE DE JEAN CHARLES, LOUISIANE. FRANK SMITH. CES LIEUX QUI SONT AUSSI DES FORCES !

Habitation Isle Jean Charles



Il faut s’exercer au lexique de l’écart, de l’éloignement, de la dispersion. Pointer du doigt les formes de l’effacement. L’abandon et l’abolition s’ajoutent à la liste. On lutte contre l’anéantissement, c’est toujours ce que l’on entend au sujet des Indiens. »

Je ne me lancerai pas ici dans une analyse du beau livre que Frank Smith  a consacré au sort de cette terre de Louisiane aujourd’hui noyée dans l’éparpillement, à laquelle, malgré ouragans et cyclones, malgré les féroces dégâts occasionnés par l’exploitation pétrolière, continuent de s’accrocher quelques descendants d’Indiens Biloxi-Chitazmacha-Choctaw qui semblent y avoir mené, dans le vieux temps, c’est-à-dire au moins jusqu’au milieu du siècle dernier, une vie relativement protégée. Je ne ferais assurément pas mieux que l’excellent compte-rendu de Jean-Philippe Cazier, intitulé Poétique de la circulation, qu’on pourra lire en accès libre sur MEDIAPART.

Je ne suis pas familier de l’œuvre de Frank Smith et suis même généralement sceptique sur l’intérêt, pour moi, des livres que défendent a priori quelques-uns de ces artistes intellectuels proclamés d’avant-garde qui semblent lui vouer une certaine admiration. L’agacement que provoquent chez moi la multiplication, dans la création contemporaine, des listes, son refus assez systématique de l’élaboration rythmique et syntaxique, la platitude assez générale de la langue et ses copiés-collés de la soi-disant réalité, aurait dû même me détourner de m’intéresser à un ouvrage où ces choses, à première vue, se découvrent.

Me retiennent pourtant et fortement dans ce livre, non seulement le tableau déprimant de notre monde de plus en plus abandonné aux puissances technologiques, matérielles et financières qui le défigurent et en réduisent toujours davantage la belle et giboyeuse diversité humaine et naturelle, non seulement encore le dispositif ouvert choisi par Frank Smith pour rendre compte de son empathique relation avec la micro-nation indienne par laquelle il est parvenu à se faire accueillir, mais tout particulièrement la disposition d’un authentique écrivain qui dans ce livre semble presque totalement renoncer à cette position d’autorité que lui confère en principe sa qualité d’auteur.

                                           Un délestage de soi-même