Pour des raisons que chacun comprendra et qui débordent largement le parallèle
que je faisais entre les mutineries de 1917 et « le délire officiel »
de Noël, au moment où d’aucuns se sentent malgré eux, enrôlés dans la défense
d’un modèle social dont on voit de plus en plus clairement qu’il ne profite
qu’à une minorité d’individus qui se sont, semble-t-il, donnés comme objectif d’exploiter le plus possible leurs semblables, pour ne pas parler des
ressources communes de la terre, je crois bon de revenir sur le livre de
l’historien André Loez, que j’ai présenté sur mon ancien blog en décembre 2013.
Il offrira peut-être à chacun de quoi
comprendre en partie les raisons actuelles de notre incapacité à nous soulever
contre un état des choses que nous sommes, je pense, de plus en plus nombreux à
trouver détestable.
Tout vrai lecteur le sait. À l'intérieur
de soi, c'est tout un jeu de configurations et de reconfigurations qui se
produit durant le temps de la lecture. Là s'échangent des temporalités. Des
situations. Des préoccupations. Celles bien entendu de l'ouvrage et des récits
qu'il met en œuvre. Celles aussi qui nous sont propres et qu'aucune lecture
même la plus captivante n'est en mesure de suspendre totalement.
Il en résulte parfois des mises
en relation surprenantes.
Lisant le très important livre
d'André Loez sur les mutins de 1917, que nous ne saurions trop conseiller en
prévision des commémorations tous azimuts à venir, tandis que nous subissions
la terrible pression commerciale correspondant à ce que Baudelaire appelait
déjà dans les Petits Poèmes en Prose, l'"explosion du
nouvel an", quelque chose en nous, malgré l'évidente différence des
matières, malgré le caractère paradoxal et même possiblement choquant de leur
rapprochement, nous enjoignait à chercher ce que ces refus de la guerre étudiés
de façon si attentive par l'historien, un peu dans la lignée des préconisations
du Michel de Certeau de l'Invention
du quotidien, s'efforçaient aussi de nous faire entendre sur notre propre
attitude à l'égard de ce qu'il est possible de considérer aujourd'hui comme
l'obligation sociale de fête.