J’apprends aujourd’hui la mort de Marie-Claire Bancquart. Elle fut l’une
des toutes premières véritables poètes vivantes qu’il me fut donné de
rencontrer. L’une des premières aussi que j’imaginais de faire rencontrer, il y
a une bonne trentaine d’années, à mes élèves et à se voir sélectionnée pour le
Prix des Découvreurs. Les mots me manquent pour exprimer la reconnaissance que
j’ai à la fois pour l’accueil qu’elle m’a réservé et la haute idée de la poésie
qu’elle a contribué à forger en moi. La mort n’était pas pour elle cette chose
terrible et angoissante que presque tous nous craignons. Mais une réalité qui
continue à nous faire participer au grand devenir de l’univers. Elle était ce
quartier d’orange dont le jus coule entre nos dents, image qu’elle reprit en
titre pour l’un de ses plus beaux recueils paru en 2005 chez Obsidiane. Et au
sujet duquel je me permets de reprendre ce que je lui en écrivais après l’avoir
reçu.
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
jeudi 21 février 2019
À LIRE ! DESTINATION DE LA POÉSIE DE FRANÇOIS LEPERLIER AUX ÉDITIONS LURLURE.
François Leperlier
nous livre dans cet ouvrage qui ne devrait pas manquer de faire réagir, les réflexions
que lui inspire « la situation actuelle de la poésie ». Si la
critique qu’il fait des multiples tentatives de médiatisation dont fait aujourd’hui
l’objet la poésie et dont par ailleurs il affirme qu’elles restent pour l’essentiel
sans effet réel, apparaîtra à certains excessivement radicale, il y aura
profit, je pense, pour chacun, à profiter de la vision qu’il donne de la
nécessité profonde de l’expérience poétique pour approfondir sa réflexion sur la
« destination » de son propre engagement.
Oui. C’est aussi pour moi une évidence. Le poème, cet
accompli dispositif de figures, cet assemblage singulier de rythmes et de mots
par lesquels il se donne à lire ou entendre, ne peut être dissocié de ce qui
vitalement l’anime, le traverse : élan, poussée ; de ce soulèvement
profond et comme rassemblé de ce qu’on peut appeler l’être ou l’âme ou l’imagination,
l’intelligence peut-être aussi… qu’importe. Et c’est pourquoi, je comprends que
certains voient dans ce qu’on appelle poésie,
une dimension, une aspiration fondamentales de l’humanité qui bien au-delà des
mots s’expriment dans la totalité des activités créatrices par lesquelles, sans
cesse, nous ajoutons concrètement comme idéalement, de la réalité à la réalité.
De l’imaginaire aux imaginaires. Dont nous sommes tissés.
Sans doute y-a-t-il quelque risque à trop diluer les
concepts et continuer à n’évoquer par le mot poésie que le genre littéraire qu’il désigne, tout en restant bien
conscient du flou et de la grandissante perméabilité de ses limites, permettra
peut-être de nous éviter bien des dialogues de sourds. Toujours est-il que je
reconnais bien volontiers à l’ouvrage de François Leperlier, Destination de la poésie, qui y voit,
lui, le principe générateur, non seulement de tout art mais de toute expérience
de conscience sinon de présence véritables au monde, le mérite de mettre ainsi
mieux en lumière le type d’exigence que sa pratique personnelle comme son mode
d’existence à l’intérieur de la société, réclament.
jeudi 7 février 2019
L'OCA NERA, LA NOUVELLE MACHINE DE LECTURE DE GÉRARD CARTIER. À LIRE !
CLIQUER DANS L'IMAGE POUR LIRE LA SUITE DU TEXTE ET LES EXTRAITS |
L’Oca nera ( titre italien, en français : l’Oie noire ) : je reviendrai sans doute sur cet assez singulier roman que Gérard Cartier vient de publier à La Thébaïde. Il y est question de toute une série de choses qui se succèdent, s’imbriquent, pour y dessiner la forme toujours un peu difficile à saisir d’une vie envisagée dans ses différents plans : géographique, historique, familial, professionnel, sentimental, intellectuel…
samedi 2 février 2019
AVEC EDDY L. HARRIS : DES VOYAGES QUI EN VALENT LA PEINE !
C'est toujours avec le plus grand plaisir que nous recevons
notre ami, l'écrivain américain installé en Charente, Eddy L. Harris. Ses interventions régulières dans les classes du
lycée Berthelot de Calais qui a pris l'habitude de l'accueillir produisent
toujours la même forte impression par la liberté de ton et la joyeuse
décontraction qu’il affiche. Et il est réjouissant d’imaginer que nous donnons
ainsi aux jeunes qui le découvrent, accès à un auteur que certaines prestigieuses
universités américaines aimeraient pouvoir s’attacher davantage.
mercredi 30 janvier 2019
À LIRE ! DÉNONCIATION D’UN BEL EXEMPLE DE KLEPTOCRATIE MODERNE. LE SOLILOQUE DU ROI LÉOPOLD DE MARK TWAIN.
Les éditions L’œil
d’or, qui ont entrepris en 2004, de se lancer dans la publication des
œuvres de Mark Twain en faisant appel à la même illustratrice, Sarah d’Haeyer
et surtout au même traducteur, Freddy Michalski, bien connu des amateurs de
romans noirs américains pour ses traductions notamment d’Ellroy, de James Lee
Burke ou d’Edward Bunker, viennent de sortir un ouvrage qui, par les temps
qui courent, ne devrait pas manquer d’intéresser un certain public. Celui que
révolte le cynisme ou l’hypocrisie par lesquels les puissances qui sont
parvenues à conquérir le droit de nous gouverner tendent à dissimuler, tant à
leurs yeux qu’à ceux des autres, les ravages que leur politique, causent au
sein des populations qu’elles devraient avoir pour vocation de protéger.
mardi 22 janvier 2019
PÉQUENOT DU COSMOS. PIERRE IVART. UN GRAND ARTISTE DE NOTRE TEMPS
« Je parlerai dans ce poème/ D’un monde qui a
déjà bien avancé dans son recul… Dans sa/ Dévastation. » Ce monde dont
entreprend de nous parler Ivar Ch’Vavar, dans La vache d’entropie que viennent de publier les éditions Lurlure,
s’il est bien celui d’abord de son enfance, ce petit territoire rural du
Pas-de-Calais sis entre Montreuil-sur-Mer et Berk, est en réalité bien plus
vaste. Plus vaste aussi sans doute que celui qu’il appelle sa Grande Picardie Mentale, à ne pas
confondre avec ce qui se fait aujourd’hui frauduleusement appeler Hauts-de-France et qu’il ne peut
s’empêcher d’appeler Hauts-de-Merde.
Il me semble être tout simplement, le monde, notre monde à tous, non seulement
celui que le grand troupeau des « politiciens,
journalistes, communicants, et même "intellectuels", philosophes
déclarés, psychanalystes pour le prime time des télés » passé aux
ordres du capitalisme, a fini par imposer à chacun d’entre nous et que l’auteur
figure, à sa manière, sous les traits de l’automobiliste pressé, « vague forme, en buste, massif et obtus,
raidi derrière les vitres de sa bagnole sinistre» mais celui qui en
profondeur se confond avec notre destinée d’être, jeté un jour dans la Grande
Pâture des existences, pour s’en aller, plus ou moins droit, vers la mort.
vendredi 11 janvier 2019
D’ÂME & DE CHAIR. EXERCICE DE L’ADIEU DE JEAN-PIERRE VIDAL.
LE TINTORET SUZANNE ET LES VIEILLARDS VIENNE |
Il est des livres
dans lesquels j’ai plus de difficulté à entrer que d’autres. Ainsi les ouvrages
à caractère moral reposant sur des successions d’aphorismes. Je crois que
l’évolution de ma propre pensée m’a progressivement éloigné de tout ce qui,
formule générale, concept ou autre, tend à emprisonner la réalité dans l’obscure
abstraction des structures closes.
lundi 7 janvier 2019
2019. SI NOUS CESSIONS NOS CONCERTS D’OISEAUX ?
CONCERT D'OISEAUX DE PAUL DE VOS |
LA MAISON SNIJDERS & ROCKOX dans la belle ville d’Anvers est
une de ces maisons-musées dont je me dois de recommander à chacun de ne manquer
la visite sous aucun prétexte. Inutile d’en faire ici la présentation :
tout se trouve aujourd’hui sur le net ; notamment un excellent guide du visiteur téléchargeable en PDF.
Dans la partie qui fut autrefois le logis du célèbre peintre
de nature morte, Snijders, le visiteur découvrira deux de ces intrigants Concerts d’oiseaux dont le maître de
maison contribua, par une grande toile aujourd’hui exposée au Musée de
l’Ermitage, à lancer la vogue tant à Anvers qu’à Londres où des peintres comme Jan
Fyt, Paul de Vos, Melchior d’Hondecoeter, Jan Van Kessel et Jakob Bogdany en déclinèrent
de multiples versions.
mercredi 19 décembre 2018
POUR SALUER UN ÉDITEUR : ANTOINE GALLARDO.
Je me suis promis de ne pas laisser passer la fin de l’année
sans au moins signaler l’intérêt que présente à mes yeux la nouvelle petite
collection que l’éditeur quelque peu dysorthographique de la Boucherie littéraire, Antoine Gallardo, a tenu, par souci, cette fois, de
cohérence métaphorique, à nommer Carné
poétique. Ces Carnés, nous
prévient-il étant constitués « de la
viande des auteurs et des lecteurs souvent écrivants eux-mêmes ».
vendredi 14 décembre 2018
LES BARRICADES MYSTÉRIEUSES DE FLORENT TONIELLO.
Florent Toniello, apparemment, est un homme riche. Riche de
mots. De phrases. De rencontres. De culture. De territoires parcourus. Riche
aussi de musique, à propos de laquelle il plaint ceux qui, dans cet univers anxiogène
qui est bien vraiment le nôtre, « ne
peuvent entendre dans leur tête, sans les béquilles d’un haut-parleur et d’un
interprète, la LUMINEUSE CONSOLATION DES NOTES ». C’est dire que dans
son rapport au monde, si tout passe d’abord par le sensible, c’est bien en
dernier ressort à l’esprit, qu’il appartient de donner sens et voix à ce qui de
partout nous déborde : ce réel dont un long poème extrait de Lorsque je serai chevalier, nous décrit
l’invasif et sauvage surgissement.
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