jeudi 30 novembre 2023

PREMIER FOYER-POÉSIE À BOULOGNE-SUR-MER AVEC LILI FRIKH. POUR QUE PARLER NE S’ÉTEIGNE JAMAIS.

Georges Mathieu Célébration du feu.

J’hésitais hier matin entre poursuivre ma lecture du dernier livre de Jacques Darras, La mer en hiver sur les côtes de la Manche et rendre compte de la toute première de nos rencontres Foyer-Poésie au théâtre Monsigny avec Lili Frikh. Finalement, la journée s’annonçant belle, fraîche mais belle, vent tombé, je suis allé promener mon chien. Non que je veuille dire ici que marcher sur les feuilles qui craquent, en faisant le tour des remparts de ma ville vaut désormais pour moi toutes les poésies du monde. Tous les livres aussi qui s’amoncelant au gré des saisons, se recouvrent et finiront sur des rayons de bibliothèque dont ils ne sortiront à ma mort que pour se voir jetés dans une déchetterie. C’est plutôt que plus le temps pour moi se fait compté moins paradoxalement je ressens l’urgence de la tâche sociale, des obligations mêmes que je me suis, le plus souvent avec plaisir, et depuis longtemps imposées.

dimanche 26 novembre 2023

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS : IL PLEUT DEBOUT DE CHRISTINE DUMINY-SAUZEAU À L’ATELIER DU HANNETON.

Reçu, il y a quelques jours, le dernier livre de mon ancienne compatriote de Boulogne, Christine Duminy-Sauzeau. Il Pleut debout,  édité par l’Atelier du hanneton, est sous titré pensées diurnes & nocturnes. Les pages de gauche étant réservées aux pensées nocturnes, celles de droite aux diurnes. Merci d’avoir pensé à m’adresser ce livre dans lequel l’humour va de pair avec une certaine auto-ironie. On a plaisir à suivre la fantaisie des mouvements de pensée de cet auteur pour qui le monde dans son quotidien bariolage et son infini bavardage, la vie avec son lot de souvenirs, ses contraintes parfois pénibles à assumer, ses incessantes questions, restent moins sujets à méditations transcendantes qu’à réflexions libres, assez souvent malicieuses, dessinant au final un portrait dans lequel chacun pourra aussi reconnaître une part de son humanité.


 

samedi 25 novembre 2023

CONTRE CHANGER LE SANG QUI COULE EN LIQUEUR DE FRAMBOISE ! UN EXTRAIT D’UN MOT SANS L’AUTRE, DIALOGUE ENTRE LILI FRIKH ET PHILIPPE BOURET, MARS-A ÉDITIONS.

 

Comme je me souviens l’avoir écrit lors de sa réception, Un Mot sans l’autre, dialogue entre Lili Frikh et le psychanalyste Philippe Bouret aborde des sujets essentiels et traite entre autres choses de l’imposture radicale de la Littérature avec un grand L lorsqu’elle se réduit comme c’est souvent le cas à n’être plus qu’objet, fabrique ininterrompue de ces mèmes à travers quoi nos esprits aliénés s’imaginent exister. Imposture radicale aussi de la parole quand elle ne prend pas voix au plus fragile et plus risqué de l’être qui sait bien que les mots, que la langue réclament d’être éprouvés, à chaque instant recréés, pour se faire présence. Devenir signes vrais.

J’en propose aujourd’hui un nouvel extrait qui risque malheureusement de ravir quand même les amateurs de liqueur de framboise, ces Madame/Monsieur Verdurin du moment, toujours aussi aveugles à ce qui fonde leur relation à l’art : ce besoin maladif et bourgeois de distinction. 

Extrait

Philippe Bouret

Vous placez le « parler » du côté des conventions, des semblants. Vous dites que c'est pour ça que vous êtes restée jusque-là dans un profond silence. Quand vous dites que vous écrivez à voix haute et que c'est pour vous une expérience limite, au-delà de la limite, vous situez-vous en dehors de la question du « parler » ? Est-ce que parler ne viendrait pas comme un obstacle à l'écriture?

vendredi 24 novembre 2023

MÉTAMORPHOSER CELUI QUI VOUS VEUT DU MAL. SUR DES REPRÉSENTATIONS DE PIRATES TRANSFORMÉS EN DAUPHINS PAR DIONYSOS.

Hydrie du Peintre de Micali (photo G.G.) et kylix d'Exékias (Wikicommons)

 

J’ai depuis quelques années appris à aimer ces vases qu’autrefois, visitant les grands musées d’Europe, je regardais rapidement sans trop les voir, n’ayant jamais pris le temps de les considérer comme ils le méritaient, c’est-à-dire non comme des pièces d’archéologie ou d’ethnographie dont la valeur artistique ne serait que secondaire, mais comme le produit d’un geste d’atelier créatif, dont la reprise et l’adaptation par nombre d’autres pour en faire commerce, n’annule pas l’intérêt ni surtout l’intime ravissement que sa contemplation le plus souvent intriguée, devrait en chacun générer.

samedi 18 novembre 2023

RÉÉDITION DE CÂBLE À ÂMES MULTIPLES DE DOMINIQUE QUÉLEN CHEZ LANSKINE.

Plutôt que de nous lancer dans une illusoire tentative d’élucidation de cette œuvre parue chez Fissiles en 2011 et que les éditions LansKine nous proposent aujourd’hui de redécouvrir, pourquoi ne pas tout simplement ou tout modestement nous contenter d’en partager ici le tout premier texte qui sans en rien dire directement en dit déjà beaucoup. Un câble d’acier nous explique un site spécialisé reprenant les définitions du dictionnaire est une machine, un assemblage de pièces qui transmettent forces, mouvement, et énergie les unes aux autres d’une façon prédéterminée et à des fins désirées. L’âme désigne la partie intérieure ou centrale de ce cable autour de laquelle viennent s’enrouler les fils. Mon  bagage technique étant des plus mesurés je ne me risquerai pas à suivre de bout en bout ou jusqu’au bout cette métaphore singulière de l’œuvre. Préférant pour ma part et pour l’instant me perdre dans l’atroce jubilation de voir le grand corps rassurant de mes représentations courantes, découpées, dépiécées, démembrées, remontées, par l’auteur. Un auteur duquel affirmer qu’il est comme une sorte de Docteur Frankenstein tentant de se refaire dans la langue un monde rien qu’à lui, à partir de ses propres ciseaux, gouges, limes, rabots, épissoirs comme barres à mine ou coupes-boulons…, ne m’interloquerait pas.

 

jeudi 16 novembre 2023

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : NEIGE ÉCRAN DE STÉPHANE BOUQUET AUX ÉDITIONS DE L’IMEC.

Voici un petit livre que je conseille à tous. Principalement à mes amis professeurs qui dans le cadre des rencontres que je suis amené à effectuer auprès de leurs élèves reviennent assez régulièrement sur le manque de transparence, je le dis comme ça mais bien d’autres expressions pourraient ici convenir, de la poésie actuelle. Surtout celle que nous nous efforçons quant à nous de promouvoir.

NEIGE ÉCRAN, septième titre de la petite collection Diaporama édité par l’IMEC, Institut Mémoires de l'édition contemporaine de Caen, rend compte à partir d’une suite d’images en noir et blanc, de l’élaboration de « la petite théorie poétique » de Stéphane Bouquet dont les habitués de mon blog savent en quelle estime je le tiens. Dans toute la liberté et la simplicité de ton qui sont les siennes, l’auteur de La Cité de paroles, évoque dans ce dernier opus la façon dont, en poésie, il est passé de la primauté de la voix à la reconnaissance de la fonction tout aussi essentielle de l’image. Dans un mouvement conciliant la prise en compte de la « singularité absolue des êtres » et l’incessante communication que les choses entretiennent entre elles.

lundi 13 novembre 2023

RÉCÉPISSÉ. ÉBLOUISSANTE ÉROSION de SARAH LAULAN À LA TÊTE À L’ENVERS.


 

OUVRAGE MINEUR ? LE CANEVAS SANS VISAGE DE PATRICK VARETZ AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.


Fruit d’une résidence d’écriture proposée par la Cité des électriciens de Bruay la Buissière afin de couronner l’exposition par elle organisée autour de ces canevas de mineur devenus entre 1960 et 1980 une sorte d’icône des intérieurs miniers, le livre de Patrick Varetz, pour intéressant qu’il soit n’en laisse pas moins quand même le lecteur familier de ses autres livres, sur sa faim. On y verra  sans doute un effet de ces œuvres de commande que la nécessité de s’adapter à des attentes extérieures conduit généralement l’écrivain à composer avec ses exigences propres.

Certes, son Canevas sans visage, s’inscrit bien, ne serait-ce que par l’attention rosse que l’auteur porte à ses personnages, dans le droit fil d’œuvres comme Petite vie ou Bas monde en venant de surcroît compléter le tableau familial qui s’y trouve terriblement brossé. Ainsi, le personnage principal de Leona, infirmière à la retraite que, de point en point, on y suit piquant la toile imprimée de son canevas d’une aiguille à la fois contrariée et hargneuse, se révéle au final être la mère de ce « salaud de père » trimbalant son odeur fluctuante allant « de la saumure de poisson à l’œuf pourri » que Varetz nous aura fait connaître plus en détail dans ses précédents opus. Mais là où les personnages, autrefois présentés à travers la voix réellement singulière, intense et cauchemardée, d’un narrateur qu’on sent à la fois fasciné et terrifié par les violences physiques, psychologiques, sociales dont il est le témoin en même temps que la victime, nous apparaissaient avec toute la puissance expressionniste d’un Céline ou dans le domaine de la peinture, d’un Permeke, Le Canevas sans visage, bien que choisissant de recourir au même narrateur se montre plus soucieux de dresser en quelques lignes l’inventaire seulement pittoresque d’un univers finalement aujourd’hui bien documenté[1], que d’entraîner ses lecteurs dans le spectacle de sa radicale monstruosité[2]. Si bien que l’ensemble des personnages en perdent en partie leur relief pour s’affadir en caricatures.

vendredi 10 novembre 2023

PORTRAIT. SOPHIE BRAGANTI.

ISLANDE PHOTO SOPHIE BRAGANTI

 

Sophie Branganti écrit. Sophie Braganti regarde. Sophie Braganti ressent. Sophie Braganti se souvient. Elle imagine aussi. S’approche. Accoste. Effleure. Et puis parfois s’écarte. Marchant tout autant vers les autres que vers sa solitude. Je n’ai rencontré qu’une fois Sophie Braganti qui habite quand elle le peut une casetta sur les hauteurs d’une vallée ligure, à quelques minutes à vol d’oiseau mais à plus d’une heure et demie de route de celle où nous avons commencé à nous installer à peu près en même temps qu’elle. Savoir que nous nous trouvons chacun sur un des versants de la même montagne rapproche. Et nous pouvons parler d’olives. De châtaignes. De toiture et de maçonnerie.

UN VIDEO-POÈME DE MILÈNE TOURNIER POUR LES ÉLÈVES DU LYCÉE BERTHELOT DE CALAIS.

NICOLAS DE STAEL PLAGE DE CALAIS, 1954
 

 C’était en début de semaine. Dans le cadre de sa sélection pour le Prix des Découvreurs 2023-24, Milène Tournier s’est rendu au lycée Berthelot de Calais pour rencontrer des élèves de BTS et évoquer avec eux sa façon, singulière, d’envisager le voyage. On sait que ce thème est à leur programme. Pour prolonger cet échange Milène a réalisé à partir des quelques heures où elle aura pu déambuler dans Calais, un de ces video-poèmes qu’elle publie régulièrement sur sa chaîne youtube. Elle le dédie aujourd’hui, pas seulement aux jeunes qu’elle a rencontrés, mais à l’ensemble des habitants de Calais, qui nous l’espérons seront sensibles à ce regard porté par cette artiste qui compte parmi les plus intéressants du moment. Merci à elle.

Voir le video-poème :  https://www.youtube.com/watch?v=sYDndr2HvII

mercredi 8 novembre 2023

SUR LE VOYAGE INTÉRIEUR DE GÉRARD CARTIER CHEZ FLAMMARION.

Merci à Gérard Cartier pour l’envoi de sa « Franciade[1] ». Une Franciade comme il dit, du pays ordinaire. Pas si ordinaire que cela quand même sous la plume d’un poète chez lequel mémoires, cultures, engagements[2]- je mets volontiers tous ces termes au pluriel - composent une sensibilité à la fois curieuse et labile en résonance avec l’immense diversité des choses. Jusque dans leur absence[3].

Inspiré par Le Tour de la France de deux enfants, d’Augustine Fouillée, dont il évoque d’ailleurs la tombe délaissée au cimetière du Trabuquet de Menton[4], ainsi que par Le Dépaysement de Jean-Claude Bailly qu’on ne saurait non plus trop recommander, l’ouvrage de Gérard Cartier constitue une somme de près de 500 pages qui nous fait de lieu en lieu passer, mais qu’on ne lira sans doute pas autrement qu’en vagabondant soi-même par ses propres chemins. À partir par exemple des lieux de France dont on a soi-même connaissance. Comprenant bien que ce Voyage auquel l’auteur nous invite est avant tout, comme l’indique bien son titre, un voyage intérieur[5]. Que pas toujours secrètement en effet, colorent la nostalgie, le sentiment de sa propre impuissance, le regret quand ce n’est pas l’amertume de voir le monde tel qu’il va, tel qu’il devient, notamment pour lui dans la forme abâtardie de sa langue[6].