vendredi 10 novembre 2023

PORTRAIT. SOPHIE BRAGANTI.

ISLANDE PHOTO SOPHIE BRAGANTI

 

Sophie Branganti écrit. Sophie Braganti regarde. Sophie Braganti ressent. Sophie Braganti se souvient. Elle imagine aussi. S’approche. Accoste. Effleure. Et puis parfois s’écarte. Marchant tout autant vers les autres que vers sa solitude. Je n’ai rencontré qu’une fois Sophie Braganti qui habite quand elle le peut une casetta sur les hauteurs d’une vallée ligure, à quelques minutes à vol d’oiseau mais à plus d’une heure et demie de route de celle où nous avons commencé à nous installer à peu près en même temps qu’elle. Savoir que nous nous trouvons chacun sur un des versants de la même montagne rapproche. Et nous pouvons parler d’olives. De châtaignes. De toiture et de maçonnerie.

Je savais que Sophie Braganti écrivait. Mais nous sommes tant aujourd’hui à écrire. Et pas si nombreux finalement à mériter qu’on sacrifie une matinée de jardinage ou de promenade dans les sous-bois bronze et or de l’automne à considérer sans trop de plaisir leur disparate ferblanterie. Alors j’ai attendu d’un petit peu la connaître. À travers ses photos. Les quelques échanges que nous avons eus pour partager nos toutes neuves expériences. Puis je lui ai demandé de m’envoyer comme on dit, quelque chose.

 Ce quelque chose ce fut d’abord le petit livre qu’elle aura tiré de son approche du plan d’eau artificiel de Serre-Ponçon dont plus que la prouesse technologique que constitue l’édification du gigantesque barrage qui lui aura donné naissance et les avantages qu’en termes énergétiques, économiques, agricoles, il présente, l’aura retenue tout ce que ce grand geste industriel aura fait disparaître. Habitats pulvérisés. Modes de vie anéantis. Tous ces petits morceaux d’existence et leurs grands pans de paysage, ces relations aussi qui se faisaient avec les morts, emportés, balayés, par l’implacable mouvement des sociétés vouées avant tout au Progrès. Avant le lac est un livre de constat mais sans le regard froid, les perspectives tronquées, la parole écourtée de ceux à qui manquera toujours la conscience d’un monde plus complexe à savoir partager.

J’ai lu, après, l’ensemble qu’elle a tiré d’une résidence en Islande : une suite de quelques dizaines de poèmes le plus souvent courts qui, à partir des éléments primaires qui compose l’environnement à la fois âpre et merveilleux des paysages à peu près vides d’humains qui l’entoure, s’attache à rendre compte avec des mots qu’elle sait bien, imparfaits, fragmentaires, du déséquilibre de la relation qu’il lui faut apprendre à vivre avec eux. On comprend alors que les mots pour Sophie Braganti ne sont pas une fin en soi. Mais le moyen d’une exploration qui n’en finira pas de l’infinie diversité non pas du monde mais de ce qu’il a toujours à nous faire éprouver, jusqu’à peut-être ce qu’il a de plus fort et d’implacable. À savoir son énigme, son ombre. Le silence. 

Pour voir le site de Sophie Braganti :  https://sophiebraganti.wordpress.com/

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