Affichage des articles dont le libellé est PEINTURE. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est PEINTURE. Afficher tous les articles

jeudi 18 avril 2024

À PROPOS DES COUVERTURES CONTEMPORAINES DE JOËL BASTARD CHEZ GALLIMARD.

 

 J’hésitais ce matin entre parler d’un tableau d’Ingres dans lequel étrangement je crois voir figurer un Magritte[1] et me casser les dents sur le très énigmatique recueil de Joël Bastard, Les couvertures contemporaines qui viennent de sortir aux éditions Gallimard[2]. Et si je tentais d’en parler ensemble ? Après tout il s’agit moins dans ce blog surtout dans ces derniers temps de rendre compte OBJECTIVEMENT d’une œuvre que d’en noter en moi, les prolongements.

mardi 19 mars 2024

PAYSAGES DE PAUL BRIL.


 

 Né à Anvers au tout milieu du XVIème siècle, mort à Rome en 1626, ce peintre qui aura su, au point d’être le premier peintre non italien à y être nommé à la tête de l’Académie de Saint-Luc, s’établir dans une Rome finalement pas trop accueillante aux artistes étrangers, aura, en matière de peinture de paysage, préparé la voie à Nicolas Poussin ainsi qu’à Claude Lorrain. Si les paysages qu’il traite au début de sa carrière ne sont pas sans rapport avec ceux de Patinir, volontiers fantastiques, leur arrière-plan se perdant dans des bleus caractéristiques et des formes rocheuses artificieusement découpées, ils évoluent peu à peu au cours de son séjour romain devenu pour lui l’occasion de les moderniser, d’en unifier la composition en les faisant baigner dans une lumière s’adoucissant en fonction de l’étagement des plans et des jeux de profondeurs subtils qu’il parvient à orchestrer grâce en particulier aux figures – hommes, animaux - qui les animent et s’y déplacent. J’aime assez son autoportrait qu’il réalise devant une toile qu’il vient d’achever et qu’il représente encore clouée sur son cadre. Comme si le peintre ici nous invitait à entrer dans son œuvre en nous rappelant qu’elle est bien le fruit d’une âme artiste, qui n’aurait utilisé ses pinceaux – qu’on voit aussi pointer vers lui, en trompe-l’œil -  que pour mieux nous faire entendre quelque chose, peut-être, de sa mélodie intime. 


 

samedi 10 février 2024

IMAGES QUI NE ME LAISSENT PAS DORMIR : AUTOUR DU DAVID TENANT LA TÊTE DE GOLIATH PEINT PAR LE CARAVAGE, GALERIE BORGHESE À ROME.


 

Comme un autoportrait. L’un des tout derniers Caravage dont on pense qu’il aura pu être terminé à Naples peu avant sa mort sous le soleil assassin de Porto Ercole le 18 juillet 1610. Ce David nous tendant à bout de bras la tête ensanglantée de Goliath[1] aura fait du chemin depuis la fin des années 1590 où Michelangelo se sera mis sans doute à le représenter, pour la première fois. Il y a loin en effet entre la version peut-être d’ailleurs usurpée de Vienne[2] à celle de la Villa Borghese dans laquelle la plus profonde compassion s’exprime à travers l’attitude de celui dont le visage maintenant se penche tout entier vers le pathétique et sanglant trophée qu’il lui incombe d’exposer à notre regard fasciné. Nul sentiment de victoire dans cet ultime tableau où tout, jusqu’à l’épée sur la lame de laquelle le peintre aura inscrit les initiales de son nom[3], le visage cette fois incliné de David et surtout l’air de tristesse avec lequel il contemple cette tête que fidèle à ses habitudes Le Caravage a peint les yeux grands ouverts sur la nuit qui l’attend, tout prend ici la dimension d’un drame à la fois intime et funèbre. Rien d’un triomphe, d’une célébration. Plus rien non plus de la dimension christique que dans le premier David venait souligner la position de l’épée formant croix avec le corps du jeune fils de Jessé. C’est la mort simple et nue du peintre dont on reconnaît le visage marqué qui nous est ici exposée.

vendredi 29 décembre 2023

À PROPOS DE L’EXPOSITION ROTHKO. VERS UN TOTALITARISME MARCHAND.


 

« Quand j’étais jeune homme l’art se suffisait à lui-même : il n’y avait ni galeries ni collectionneurs, ni critiques, ni argent. Puisqu’il s’agissait d’un âge d’or, nous n’avions rien à perdre et une vision à élaborer. Aujourd’hui ce n’est plus pareil »[1]

 

Il y a quelque chose de l’imposture dans ces retentissants autant que terribles évènements muséaux où les publics sont invitées à « une relation de soi à soi, au plus intime [2] » devant une accumulation d’œuvres sensées les inciter à la contemplation, la méditation, voire à venir ressentir en foules une expérience unique à caractère mystique… Entraînés, poussés, pressés, par le devoir d’admirer, notre petite bourgeoisie touristique éprise comme toujours de distinction s’est mise à se précipiter aux grandes expositions, rendant de plus en plus insupportable ce qu’on appelait autrefois leur « visite », devenue aujourd’hui « parcours », sorte d’épreuve consistant davantage à tenter d’éviter de heurter ses voisins, de se rapprocher comme on peut des tableaux, de s’y placer à bonne distance sans que leur vue n’en soit dérangée par le passage de ces groupes se contentant de ne leur jeter sans s’arrêter qu’un regard fatigué ou de ces obsédés du cliché venus avant tout enrichir leur collection d’images numériques pour se prouver à eux-mêmes ainsi qu’à leurs proches, qu’ils y étaient ! Et qu’ils existent vraiment.

vendredi 22 décembre 2023

DES VÉNUS VÉNITIENNES JOUANT DE LA MUSIQUE.

 

Je ne suis pas un grand « fan » de ce que je connais de l’œuvre de Micheli Parrasio. Dont l’ouvrage que je préfère est cette allégorie de la musique, vue il y a une grosse dizaine d’années à Budapest et dont j’ai depuis remarqué qu’il en existait dispersées un peu partout de nombreuses versions. Ami du Titien, il serait peut-être l’auteur du martyre de Saint Georges parfois aussi attribué à Alessandro Turchi qu’on peut aller voir au Musée des Beaux-Arts de Lille où il est entré comme une œuvre de Veronèse du style duquel il aura fini par se rapprocher.

Je me suis amusé ici à combiner plusieurs des compositions qu’il s’est, sans doute avec l’aide des peintres de son atelier, ingénié à produire et reproduire pour satisfaire la clientèle cosmopolite de son époque. Afin d’en conserver une manière de souvenir. Me rappeler aussi que l’art ne vit pas que de grands maîtres et de génies éblouissants mais aussi de talentueux suiveurs dont le premier mérite est sans doute de bien choisir ceux qui, plus grands qu’eux, les inspirent.

samedi 9 décembre 2023

CHOSES QUI FONT TOUJOURS RÉFLÉCHIR. LIVRES VS TABLEAUX DANS L’INTRODUCTION À LECTURE DE HUIT LITHOGRAPHIES DE ZAO WOU-KI D’HENRI MICHAUX, 1950.

 


"Les livres sont ennuyeux à lire. Pas de libre circulation. On est invité à suivre. Le chemin est tracé, unique.

Tout différent le tableau : immédiat, total. À gauche, aussi, à droite, en profondeur, à volonté.

Pas de trajet, mille trajets, et les pauses ne sont pas indiquées. Dès qu'on le désire, le tableau à nouveau, entier. Dans un instant, tout est là. Tout, mais rien n'est connu encore. C'est ici qu'il faut commencer à LIRE.

Aventure peu recherchée, quoi que pour tous. Tous peuvent lire un tableau, ont matière à y trouver (et à des mois de distance matières nouvelles), tous, les respectueux, les généreux, les insolents, les fidèles à leur tête, les perdus dans leur sang, les labos à pipette, ceux pour qui un trait est comme un saumon à tirer de l'eau, et tout chien rencontré, chien à mettre sur la table d'opération en vue d'étudier ses réflexes, ceux qui préfèrent jouer avec le chien, le connaître en s’y reconnaissant, ceux qui dans autrui ne font jamais ripaille que d'eux-mêmes, enfin ceux qui voient surtout la Grande Marée, porteuse à la fois de la peinture, du peintre, du pays, du climat, du milieu, de l'époque entière et de ses facteurs, des évènements encore sourds et d'autres qui déjà se mettent à sonner furieusement de la cloche.

Oui, tous ont quelque chose pour eux dans la toile, même les propres à rien, qui y laissent simplement tourner leurs ailes de moulin, sans faire vraiment la différence, mais elle existe et combien instructive.

Que l'on n'attende pas trop toutefois. C'est le moment. Il n'y a pas encore de règles. Mais elles ne sauraient tarder… »

vendredi 13 octobre 2023

DES SAUVAGES ET DES POILS. AUTOUR D’UN TABLEAU DE LAVINIA FONTANA.

Avril 1594. C’est une belle après-midi de printemps, à Bologne. Dans l’une des pièces de la vaste demeure que le savant docteur Aldrovandi a transformé en l’un des plus illustres cabinets de curiosités d’Europe, se tient une petite fille qui ne semble pas être âgée de plus de six ou 7 ans. Elle est venue en habits de cour. Elle qui  pourtant est la fille de ce qu’on appelait à l’époque, un sauvage, un guanche, un indigène des Canaries[1], dont une expédition l’a autrefois tiré quand il n’était encore qu’adolescent, porte en effet dentelles et broderies. Mais là n’est pas sa seule singularité. Antonietta Gonzalez, c’est le nom qu’on a donné à cette souriante poupée,  présente un visage hirsute, presque entièrement couvert de poils qui la fait ressembler à l’un de ces petits singes qui une bonne centaine d’années plus tard viendront à Chantilly, spirituellement orner le boudoir du rez-de-chaussée des appartements du Prince de Condé[2]. Un monstre ? Sans doute pas tout à fait aux yeux de ceux qui la possèdent et se la remettent en cadeau comme si elle n’était qu’un objet. Une de ces raretés plutôt, de ces amusoires, qu’il est de bon ton d’exhiber à ses côtés pour mieux se distinguer.[3]

lundi 2 octobre 2023

PARTAGE DU JOUR. HORACE PIPPIN, 1888-1946. EDEN OU FIN DU MONDE ?

 

Je ne sais ce que valent ces étiquettes que le plus souvent on lui attribue de peintre autodidacte, d’artiste naïf, que sais-je ? Quand on ne le ramène pas seulement à la couleur de sa peau. Tout ce que je sais c’est que ce peintre américain qui effectivement n’aura suivi les leçons de personne et aura toujours déclaré qu’il peignait ce qu’il voyait, me touche depuis longtemps. Principalement ses scènes d’intérieur dans lesquelles il fait éclater les blancs et autour d’eux les présences. Des choses aussi bien que des êtres. Dans toute la puissance des sentiments.

jeudi 13 juillet 2023

VANITÉ DE L’ART ? SUR UN TABLEAU DU PEINTRE D’AUGSBOURG LUCAS FÜRTENAGEL, 1529.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




 

C’est en cherchant à accompagner ma rapide évocation de l’ouvrage de Jean-Baptiste Chassignet, Le Mépris de la vie et Consolation contre la mort, que les éditions Obsidiane m’ont adressé il y a déjà quelque temps, que je me suis remémoré cet assez curieux tableau, du Musée historique de Vienne, représentant le peintre Hans Burgkmair en compagnie de sa femme, que l’on attribue aujourd’hui à l’un de ses élèves, Lucas Fürtenagel. Peint deux ans avant sa mort qui aura lieu en 1531, ce tableau doit à l’évidence son inspiration à la tradition médiévale du memento mori, le miroir dans lequel se reflète le vieux couple nous renvoyant l’image de deux crânes, que la convexité du verre fait apparaître en relief. Mais l’œuvre va plus loin, touchant de façon plus intime notre intelligence et notre sensibilité de spectateur.

mardi 23 mai 2023

LICHENS ! Lichens !

Désireux de m’offrir une petite pause entre deux éditions du Prix des Découvreurs je me décide à partager ici quelques images que m’a récemment fait découvrir le livre de Vincent Zonca, Lichens, que je ne saurais trop recommander pour la richesse et la profondeur de ses vues. La première du japonais Hiroshige II représentant une scène de cueillette de champignons-lichens centenaires poussant sur les roches, les Iwatake, également appelés « nourriture de l’ermite », montre deux cueilleurs suspendus à l’intérieur de nacelles d’osier, au-dessus d’un torrent bouillonnant. L’un gratte la paroi d’une montagne à pic, l’autre se penche vers lui, le visage hilare apparemment en train de lui adresser quelque plaisanterie. Chacun porte un large chapeau rond, conique qui rappelle la forme des champignons que l’artiste a représenté en gros plan dans le coin supérieur droit de son image.  Cette image qui m’a retenu pour son pittoresque ne possède pas la forte charge symbolique que je trouve à cet impressionnant panneau de 5 mètres de long du maître ancien Kano Sansetsu, intitulé le Vieux prunus qui servit à l’origine de décor pour un des murs intérieurs d’un temple mortuaire. Image du renouveau printanier touchant un arbre vénérable, tout couvert de lichens et profondément mutilé par le temps, l’œuvre de Santetsu ne fait pas qu’illustrer la puissance finalement de la vie, célébrant à la manière du Ronsard des Odes [1]le contraste entre cycle naturel et cycle humain. Il émerveille par l’extraordinaire économie de moyens de ses formes, le pouvoir enfin qu’a l’art de se montrer toujours pour nous d’une éternelle jeunesse. Dans son livre Zonca rapproche ainsi ce vieux prunier de Santetsu d’une œuvre plus récente d’un autre grand maître de la peinture japonaise, Ogata Kôrin, Prunus blanc et prunus rouge dont le génie décoratif l’amène à évoquer l’œuvre du peintre autrichien Klimt, dont l’Arbre de vie, c’est vrai, n’est pas sans faire penser au style de cette école « rimpa » à laquelle appartient Kôrin. Dans la peinture japonaise écrit Zonca à propos de ces œuvres, « les lichens font fleurs, ils sont esthétiquement des fleurs au même titre que celles du prunus » ajoutant un peu plus loin qu’il faut surtout voir dans le lichen « un élément naturel parmi d’autres, un objet de vénération et de décoration, ayant des qualités de forme, de couleur, de texture, de rythme, se révélant en association, en symbiose, avec le cerisier ou d’autres éléments du paysage ».

vendredi 28 octobre 2022

ÉLOQUENCE DE LA PEINTURE. À PROPOS D’ALICE NEEL.


On connaît peut-être ces Conversations sur la connaissance de la peinture où Roger de Piles, diplomate mais aussi grand théoricien de l’art du XVIIème siècle, fait s’affronter en la personne de Damon, l’expert et de Pamphile, l’amateur, deux conceptions, non pas de la peinture mais de son approche par ceux qui prétendent s’y intéresser. La peinture qui par essence ne parle pas, est par nature muette, ne fait-elle pas plus entendre par son silence que n’importe quel discours, n’importe quel aveugle assemblage de mots ? Est-il aussi bien nécessaire de tout savoir sur un artiste pour se laisser émouvoir par son œuvre ? Oui, comme souvent, on aurait tort de mépriser ces lointaines interrogations, venues d’ailleurs elles-mêmes de plus loin, au nom de je ne sais quelle avantageuse ou contrainte modernité.

samedi 8 octobre 2022

SUR VITRÉ DE GUILLAUME ARTOUS-BOUVET AUX ÉDITIONS MONOLOGUE.


« Quarte voir, » c’est par ce vers, ô combien déroutant déjà, que débute et nous saisit Vitré du poète et philosophe Guillaume Artous-Bouvet que publient aujourd’hui les éditions Monologue. Et c’est bien d’une question d’œil, de forme, de vision, comme aussi d’approche et de disposition, qu’il s’agit dans cette publication où le poème se met en place, ligne haute, en avant, pour s’escrimer[1] dans sa langue avec l’ensemble des pensées, des pesées, des poussées naissant de sa confrontation avec la suite des trois grands tableaux que le peintre préraphaélite Waterhouse aura consacrés entre 1888 et 1915 à la triste histoire de cette Lady of Shalott que Tennyson aura popularisée dans son texte éponyme de 1832.

mardi 4 octobre 2022

DULLE GRIET DE BRUEGEL. DE MARGOT L’ENRAGÉE À SANDRINE ROUSSEAU ?


La Dulle Griet de Bruegel qu’on peut désormais voir débarrassée de ses épais vernis, rendue au plus près de son état d’origine, au Musée Mayer van den Bergh d’Anvers, est de ces tableaux que l’abondance de ses détails restant pour nous énigmatiques ainsi que l’éloignement où nous sommes des imaginaires de l’époque, rendent propices à toutes sortes d’interprétations. Par quoi se vérifie cette profonde vérité qu’une œuvre finit toujours par appartenir davantage à celui qui la regarde ou la lit qu’à celui qui l’aura un jour produite.

Il y a quelques années, j’avais été frappé, lisant les pages consacrées à ce tableau par Peter Weiss dans son Esthétique de la résistance, par la façon dont ce dernier le reliait à travers son narrateur, à l’expérience de la guerre, tout particulièrement celle menée entre 1936 et 1939 contre les franquistes d’Espagne. C’est que comme on le voit à travers les évocations qu’il fait de l’extraordinaire gigantomachie de l’autel de Pergame, du Radeau de la Méduse, de la Liberté guidant le Peuple, voire de l’œuvre de Millet, les incisifs et précis commentaires auxquels se livre Weiss ne perdent jamais de vue ce que l’œuvre peut nous apprendre sur la condition politique de l’homme soumis à la volonté implacable des puissants. Quitte à s’écarter, comme c’est tout particulièrement le cas, je pense, à propos du tableau de Bruegel, de ce qu’aura pu être l’intention première de l’artiste lui-même.

lundi 6 décembre 2021

FORCES DU TRAVAIL POÉTIQUE. NOTE SUR GLACIS DE GUILLAUME ARTOUS-BOUVET.

Sûrement m’aventuré-je mais me vient l’idée, plongé que je me suis récemment trouvé dans la contemplation des natures mortes de Soutine, que les textes si particuliers de Guillaume Artous-Bouvet, spécialement dans son dernier livre, que je n’ai fait, certes, jusqu’ici, que feuilleter, pourraient être en littérature comme un travail comparable à celui de ce peintre[1]. Travail où la figure, progressivement, se construit à partir de la puissance de gestes – ici de divers traits suggestifs autant qu’audacieux de langue – qui peu à peu redonnent à voir ce qu’on pensait avoir vu, mais n’existait plus en nous que, comme dirait Giono, « une peinture sur la pierre qui emmaillote ». Ainsi de son évocation du Père Goriot ou du Chat qui pelote, qui spectrographient, si je puis dire, tant le visible que l’invisible remontant du célèbre incipit de ces œuvres. Et de ses « tableaux » d’animaux qui, par successives et brillantes condensations, et sans en négliger l’apparence reconnaissable, ouvrent, non seulement à des profondeurs intimes, mais touche après touche, techniquement, et d’orbe en orbe, sensiblement, élargissent l’attention jusqu’à crever la toile.



[1] On sourira sans doute de ce rapprochement entre « el pintre brut », le peintre sale, pour qui passait Soutine aux yeux des gens qui le croisaient et un jeune et sans doute brillant professeur d’Université, bien installé dans sa carrière. Mais ceux qui pour commencer liront la quatrième de couverture de ce livre, Glacis qui fait bien entendu référence à la peinture – bien qu’à mes yeux une certaine relation à l’art des fortifications ne soit pas à exclure – ne manqueront pas de ressentir les échos que ces lignes et leurs couleurs entretiennent avec les fortes réalisations que constituent les natures mortes animales du peintre.