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vendredi 3 octobre 2025

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LE NU DANS LA TAILLE, UN RÉCIT POÉTIQUE DE YANNICK KUJAWA, CHEZ EDERN EDITIONS.

Boulonnais depuis toujours, j’ignorais tout de l’existence, depuis le XVIIème siècle, dans la bocagère région d’Hardinghen, de ces « champs souterrains grands comme des océans » que mon ami Yannick Kujawa aura entrepris d’évoquer à travers la pathétique histoire d’une fille « toute blanche dans un noir d’encre ». J’aurai donc si longtemps parcouru, à pied, à vélo, en voiture, ce territoire, sans jamais soupçonner qu’il y eut là des mines de charbon, les premières apparemment à avoir été dans le Nord exploitées, exploitées en l’occurrence étant le mot juste, puisqu’y descendaient pour quelques malheureux sous des enfants des deux sexes qui n’y faisaient pas long feu.

Comme je l’écrivais il y a une bonne dizaine d’années à propos d’un poème de l’irlandaise Eawan Boland, évoquant une gravure[1] illustrant toute l’horreur de la Grande Famine du milieu du XIXème siècle qui réduisit de plus d’un quart la population irlandaise en l’espace de quelques années, le grand art, même s'il dénonce avec le plus de force, la misère infligée aux femmes, s'apparente souvent quand même, par la brutalité de sa technique à un rapt, un viol, arrachant à jamais le corps représenté, à son air natal, pour l'emprisonner dans sa page. Du coup  devenue cage. Rien de tel dans l’ouvrage de Yannick Kujawa qui, dans une grande simplicité de trait, une disposition d’esprit profondément empathique à l’égard des humbles, réinstalle poétiquement son personnage de Blanche au cœur de cette beauté cosmique qui continue pour elle, dans ses immenses dimensions et d’espace et de temps, de faire paysage à ses plus profondes détresses. Par quoi c’est tout son être qui s’en trouve exhaussé. Alors certes, on dira que cette histoire faite pour nous serrer la gorge cherche quand même par là à nous rendre comme l’écrivait Paul Celan, le chagrin habitable. Mais n’est-ce pas aussi parfois, dans ces temps d’assez grande sécheresse, ce dont nos cœurs ont besoin. Comme des belles figures de martyrs et de saints de Fra Angelico.

J’y reviendrai.

EXTRAITS 

vendredi 7 février 2020

POÉSIE POUR LES POISSONS ROUGES ? Á PROPOS DE LA RÉÉDITION DU MAURICE BLANCHARD DE PIERRE PEUCHMAURD.



Non, affichés amateurs de poésie chichiteuse, de biographie chipoteuse, de paquet bien ficelé, rien pour vous dans ce livre ! Car même si des auteurs s’y montrent et fortement, vous ne les verrez pas. Ne les entendrez pas. Quand ils diront la liberté. Quand ils diront la vérité. Quand ils crieront, eux les ratés, qu’ils vous emmerdent. Et ne vous comptent que pour du beurre. Á fondre dans leur propre lumière.

Ne nous faisons pas d’illusions. Un poète rare, mort, parlant d’un autre poète, tout aussi rare, tout aussi mort : c’est une drôle d’idée que les éditions Pierre Mainard ont eue là, de proposer à nouveau, à l’active incuriosité de leurs contemporains, ce livre que Pierre Peuchmaurd consacra en 1988, dans la collection des Poètes d’aujourd’hui, dirigée par Seghers, à ce grand poète si grandement méconnu que fut et que continue d’être, Maurice Blanchard.

Alors, mes contemporains, si prompts à vous saisir du moindre prétexte pour vous exciter, vous faire un peu plus exister, sur les réseaux oiseux, sur les réseaux noiseux qui occupent le monde, oui, vous mes semblables, triangles, carrés, citrouilles ou pommes de terre, qui vous regardez « dans des miroirs, géométriques quant à la surface, rigidement cadavériques dans leur profondeur[…] et vous sculptez ainsi votre monument funéraire » combien de doigts de la main serez-vous pour reconnaître les intenses fulgurations, les opéras sanglants, de ces « poètes de proie ». Qui sont aussi des fêtes. Dont vous ne savez rien.

Pourtant, mi choix de textes, mi biographie supposée, le maurice Blanchard de Peuchmaurd est de ces livres qui honorent et leurs auteurs et ceux, lecteurs comme éditeurs, qui leur permettent d’exister. De vivre. De ces livres porteurs d’incandescentes paroles. De celles qu’on ressent comme si on avait tout-à-coup mis son doigt dans la prise. De celles qui, assumant, en ce siècle « d’otages et de copies conformes », leur irréductible et triomphale marginalité, tracent d’invincibles routes, renversant tout sur leur passage, et l’indifférence des autres et les traverses des chemins, se foutant pas mal d’être et surtout n’être pas, comprises. Sinon par les poissons rouges.

Car, « saltimbanque du non-sens », le poète y dresse lui-même ses barricades mystérieuses. Fait sa lumière de même. Et aussi son obscurité !

lundi 23 septembre 2019

SUR UN GRAND TABLEAU DE FERNAND PELEZ. MISÈRE DES CRITIQUES BOURGEOIS !

Grimaces et misère, Fernand Pelez, 1888, Petit Palais
Il y a dans le monde de l’art, disons plutôt dans le petit monde de la culture qui affecte de s’intéresser à l’art et aux artistes, des attitudes que je ne comprendrai jamais. Ainsi celle qui consiste à refuser de prendre en compte le sujet pour ne s’intéresser qu’à la forme. Déjà dans la Chartreuse de Parme, Stendhal remarquait que « la politique dans une œuvre littéraire » était vue comme « un coup de pistolet au milieu d’un concert, quelque chose de grossier», comme si ce qui déterminait avant tout la vie réelle et souvent malheureuse et souffrante de la plupart des hommes devait se trouver exclu des préoccupations de l’écrivain comme de l’artiste véritable.