vendredi 29 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. BROUETTES DE JAMES SACRÉ. OBSIDIANE.

 

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« Forcément qu’un livre est trace de par où est passé moins ton pied que ta pensée ou l’incertitude inquiète et désireuse de ta rêverie. Aucun lecteur pourtant, ni même toi quand tu relis, ne sera le fin chasseur qui saurait lire d’emblée quel corps et quel esprit vivants ont laissé des marques dans ces fragiles bouts d’écriture que la pluie du temps bientôt défait. »

James Sacré, Figures de solitudes, Tarabuste, 2018

 Comme l’écrit avec sa coutumière justesse Jacques Josse, « où qu’il se trouve, James Sacré aime se saisir, dès qu’il en a l’occasion, d’une image brève et animée qui ne semble là que pour s’offrir à son regard.

jeudi 28 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. ARIANE DREYFUS.

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 De son ouvrage, Les Miettes de décembre, paru en 1997, Benoît Broyart dans Le Matricule des anges écrit ceci : "Les Miettes de décembre pourrait être un roman. On suivrait le parcours de Catherine, la fille, de sa naissance à l’âge adulte, à travers les yeux d’Émilie, la mère. Mais Ariane Dreyfus, née en 1958, dont c’est le troisième ouvrage, déchire la narration, transformant le roman potentiel en une suite de petits éclats, proches du poème. Le texte est en miette et le silence, entre chaque bribe, installe la distance nécessaire. Le poète garde juste ce qu’il faut".

Un tel sentiment de vie dans ces vers. Une vie tellement ouverte. A en devenir si profondément vulnérable. 

Cette édition reprend 4 titres importants de l'auteur, L'Amour, Les Miettes de Décembre, La Durée des plantes, La Bouche de quelqu'un, parus respectivement en 1993, 1997, 1998 et 2003 chez divers éditeurs. 

samedi 23 avril 2022

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. TOUTES AFFAIRES CESSANTES DE HENRI DROGUET CHEZ GALLIMARD.


Toutes affaires cessantes, il faudra écheler ce farouche échafaud d’Henri Droguet, par quoi ce prodigieux assembleur, monte à l’assaut du monde et de la langue, pour mieux nous les livrer, les délivrer, artistement reconfigurées. Car le poème ici ne calque pas les choses, se moque de les simuler, s’interdisant tout réalisme convenu, mais s’emploie, les choquant l’un par l’autre, le monde avec la langue, la langue avec le monde, à redonner puissance, énergie, résonance, aux diverses matières qui de haut en bas composent cet humain espace qu’à travers notre sensibilité et nos propres capacités de création, nous sommes voués à hanter. Et reconstruire toujours.

Cinq parties dans cet opus qui, se terminant par une section intitulée Rideau, nous rappelle que l’œuvre est avant tout théâtre, théâtre comme on veut le faire comprendre ici, mental, articulant paysages et figures, à prendre aux divers sens du terme. Je m’épuiserais à vouloir rendre compte par le détail d’un livre d’une telle richesse d’expression. Mieux vaut pour moi le lire encore et le relire. Y réentendre au hasard des pages inventer en aveugle « la grinche des corneilles/ l’abattis bouillie des comètes ». Y retrouver « la mer à sa bougeotte », tamponner « une estacade/ les gros bollards aux docks à tourteaux/ cuirs et peaux bois sciés et phosphate ». Y retrouver, pourquoi pas, « le petit homme poucet » cognant « sobrement ses galoches », qu’on a été, qu’on est toujours, au détour de ces chemins qui, faisant aussi bien signes de mort que d’éternité, gardent tout leur relief d’enfance.

mercredi 6 avril 2022

RENCONTRE À DENAIN AVEC ETIENNE FAURE.


 Denain, ancienne grande cité ouvrière, ville de feu et de fumées, dont Wikipedia m’apprend qu’il y a peu, suite à l’effondrement de son industrie sidérurgique ainsi qu’à la fermeture de ses mines de charbon, les mêmes dans lesquelles Zola descendit pour écrire Germinal, elle était considérée comme la ville la plus pauvre de France, se trouve à moins d’une heure de route de Bruxelles. Moins de deux de Paris, notre ville-lumière ! L’Europe un peu partout offre de ces contrastes. C’est toujours pourtant une assez grande impression de richesse qu’on garde au souvenir des échanges auxquels l’investissement de la valeureuse brigade d’enseignants[1] qui nous y accueille depuis de longues années, nous permet de participer avec leurs élèves. Au lycée Jules Mousseron, qui porte le nom d’un poète doublement mineur mais dont la personnalité fut sans doute hors du commun, le groupe qui nous aura accueillis, Étienne Faure et moi, dans le cadre de sa participation au 24ème Prix des Découvreurs, aura bien préparé la rencontre - deux classes, l’une du lycée polyvalent, l’autre du lycée professionnel, ayant travaillé de concert et de conserve (puisque cela les aura fait avancer), sur des créneaux horaires intelligemment mis à leur disposition par la direction. Des textes auront été écrits, inspirés par le travail d’Étienne. Des réflexions auront été menées. Des découvertes ainsi faites. Et les échanges se seront faits fluides. Variés. Dans une grande simplicité et même familiarité de ton. Ce qu’il restera de tout cela bien sûr est impossible à dire. On ne saurait parler pour tous. Mais chacun, j’en suis sûr, à commencer par moi, en gardera quelque chose. D’une alerte. Mais sans menace cette fois, à la vie.



[1] Je me dois de citer ici leur nom : Laurence Leclercq, Christine Jouet et Christine Le Moher.

lundi 4 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. EXTRAIT DES PHRASES DE LA MORT DE JEAN-PASCAL DUBOST AUX ÉDITIONS DE L’ATELIER CONTEMPORAIN.

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 Le temps qui trop nous est compté, s’il m’empêche de décompter là, les pluriels allèchements de ce tout dernier travail de Jean-Pascal Dubost, ne saurait me priver de proposer à la curiosité des amateurs véritables qui parfois s’égarent sur mes pages, quelque passage par quoi se donnera peut-être à goûter ce banquet de la mort qu’âpre et amer, souvent, il constitue. Banquet de la mort qui est aussi banquet de mots. Plus proprement ici de phrases. Qui largement font écho. À notre piteuse et massacrante condition. L’ombre de Villon plane sur cet ensemble. Et celle bien sûr de ces temps où la pensée de la mort tout imprégnait. L’usage particulier que Jean-Pascal Dubost fait depuis toujours, ou presque, d’une langue redéployant nos anciennes syntaxes comme nos vocabulaires éteints, ajoute finalement à l’ensemble autant qu’une jouissance, sa cruauté d’ardillon.

Divisé en quatre parties- Lai, Envoi, Final et Coda, que précède une adresse au lecteur, accompagné des suggestifs dessins du peintre Hervé Bohnert et d’une lecture finale mais non définitive de François Boddaert, le livre est le fruit de plusieurs années de notations impréméditées retenues en des carnets mais à l’évidence remmanchées avec art, suivant desseing de forme. Le passage que nous avons extrait, pour éloquent qu’il soit, ne donne aucunement l’idée du tout.

vendredi 1 avril 2022

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. TOUT PARTOUT DE LUCIEN SUEL.

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 Ma mère, née Brabant, eh oui, utilisait souvent cette expression, que pendant longtemps j’ai moi-même utilisée, avant qu’on ne me fasse savoir qu’elle n’était pas bien correcte, sentait son peuple, son petit paysan. Son belge ! Car il semble que cette expression à caractère pléonastique pour les uns, figure d’insistance pour moi, serait un « flandricisme ». J’aime à le retrouver là sous la plume de Lucien Suel, célébrant les richesses de notre terre du Nord qu’il habite en poète, c’est-à-dire avec le regard large ouvert, déhiérarchisé, de ceux qui restent sensibles à tout. Tout ce qu’ils voient partout. Et fait pour lui la couleur, non, les couleurs ici, et le riche ordinaire, de nos vies reliées.[1]

Arithmomania, paru en 2021 au Dernier Télégramme, est une anthologie des poèmes écrits par Lucien Suel en vers arithmonymes(comprenant le même nombre de mots) ou arithmogrammatiques (le même nombre de lettres). Tout partout est donc un poème en vers arithmogrammatiques. L’emploi de la police courrier new, police dont chaque caractère occupe le même espace, permet à ce poème d’être justifié aussi bien à gauche qu’à droite.



[1] Il y a du souffle et de l’inspiration toujours dans les poèmes de Lucien Suel. Ce que signale bien pour moi le jeu de mots revenant dans une partie du texte comme un refrain : Aura pro nobis, qui a de plus l’avantage par rapprochement phonétique d’évoquer l’or (aurum). Et de permettre à Lucien Suel de reconnaître merveilleusement ce qu’il doit à tous ces créateurs, ces êtres compagnons, avec lesquels aussi, depuis longtemps, il se sent faire pays.