Affichage des articles dont le libellé est AGIR CONTRE LES BARBARIES. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est AGIR CONTRE LES BARBARIES. Afficher tous les articles

mardi 7 janvier 2025

VÉRITABLE POÉTIQUE DE L’ATTENTION : PAUL CELAN, SAUVER LA CLARTÉ, DE MARIE-HÉLÈNE PROUTEAU, CHEZ UNICITÉ.

 

Paul Celan, Sauver la clarté, publié aux éditions unicité, se présente comme une sorte de quête littéraire en douze chapitres où par des chemins qu’elle qualifie de buissonniers, Marie-Hélène Prouteau explore la vie et l’œuvre du grand poète de langue allemande qui, né en 1920 en Roumanie, se jettera un lundi d’avril 1970, dans l’eau noire de la Seine. Du haut du pont Mirabeau. Comme elle l’explique dans un Avant-propos (p. 13), « c’est un hasard objectif qui est venu faire étrangement signe. La découverte éblouie de deux fresques-poèmes de Celan. »

La première, qu’elle découvre lors d’un passage à Leyde[1], est l’œuvre de Jan Willem Bruins, le même à qui l’on doit à Paris, la célèbre transcription calligraphique du Bateau ivre de Rimbaud sur un mur de la rue Férou. Elle reprend les trois quatrains du poème Nachmittag mit zirkus und Zitadelle (Après-midi avec cirque et citadelle) tiré du recueil la Rose de personne. La seconde est visible au plafond de la résidence pour étudiants, Concordia, rue Tournefort où habita Celan dans les dernières années de sa vie. Elle est l’œuvre de Giuseppe Caccavale, professeur à l’École des Arts Décoratifs de Paris et reprend un poème, Aus dem moorboden (Du fond des marais) tiré de Partie de neige[2].

dimanche 5 janvier 2025

UN TRIPTYQUE SUR LES RELATIONS ENTRE TRAVAIL ET CAPITAL ! ADOLPH MENZEL À BERLIN VU PAR L’AUTEUR D’ESTHÉTIQUE DE LA RÉSISTANCE.

  

Depuis une dizaine d’années que mon ami Laurent Grisel me l’a fait découvrir, j’incite les personnes de ma connaissance qui me paraissent être en mesure de s’y plonger, car la lecture d’un tel livre pour passionnante qu’elle soit n’en reste pas moins exigeante, à lire l’Esthétique de la Résistance de l’écrivain et dramaturge Peter Weiss. Le théâtre de l’Odéon doit donner en mars prochain une adaptation – encore que je ne sois pas trop sûr de la justesse ici de ce terme – de ce long roman initiatique par le metteur en scène Sylvain Creuzevault. Je recommande à chacun de lire ci-dessous la note de présentation donnée par l’Odéon pour se faire une rapide idée de l’intérêt de cette œuvre réellement exceptionnelle. Et de lire avec attention cet extrait qu’on trouvera à la fin de la première partie de l’ouvrage et qui évoque un célèbre tableau du peintre Adolph Menzel que j’ai eu la chance il y a quelques années de voir à Berlin. L’acuité du regard de Weiss où préoccupation esthétique et revendication politique fondamentale ne font qu’une s’y manifeste à plein.

On nommait généralement ce tableau dont nous vîmes l’original plus tard à la National Galerie, l’Apothéose du travail. L’atmosphère de l’industrie lourde avait été rendue de façon convaincante, témoignant d’une grande connaissance en la matière. La vapeur, le vrombissement des marteaux, le grincement des grues et des chaînes de traction, le mouvement rotatoire des volants des machines, la chaleur du feu, l’incandescence du fer, les muscles tendus, tout cela se ressentait dans cette peinture. Le groupe des forgerons poussait le bloc de métal incandescent depuis la charrette relevée sous le cylindre dans le centre du tableau, à droite, à l’abri d’une plaque de tôle, accroupis parmi les tuyaux et les chaînes, quelques hommes se reposaient, mangeaient à la cuiller dans des écuelles, portaient une bouteille à la bouche et, sur le bord gauche du tableau, le buste nu, les hommes de l’équipe qu’on venait de relever se lavaient le cou et les cheveux. Chaque manipulation, chaque torsion et chaque flexion par-dessus les outils et même la fatigue, l’abattement de ceux qui étaient assis là dans le coin, était un élément constituant de l’immense halle ; se faufilant parmi les tiges et les tringles, la lumière du jour qui ne perçait la fumée qu’à quelques endroits, paraissait inaccessible. La description de cet engrenage sans fin, de ces corps en sueur n’exprimait rien de plus que la dureté du travail qui s’effectuait ici dans une totale soumission. La violence de ce qui était soulevé et brandi là, réglée et dominée, l’instant d’extrême concentration au moment de saisir les tenailles, la vigilance du contremaître barbu près du levier lorsqu’il recevait la pièce laminée, les corps enduits de suie qu’on frottait rudement, les brefs instants où tout s’éteignait, tout cela ne se référait qu’à un seul thème, le travail, le principe du travail et c’était un principe bien précis dont on ne pouvait définir la nature qu’après l’avoir minutieusement observé. Il ne s’agissait pas d’un travail comme celui dont parlait mon père, mais d’un travail accompli pour le prix le plus bas et le profit maximum de celui qui l’achetait.

jeudi 6 juin 2024

À PROPOS DE L’APPEL AU BOYCOTT DU MARCHÉ DE LA POÉSIE.


 

Que les esprits sont prompts à s’enflammer ! À peine prennent-ils connaissance d’une chose, en l’occurrence une décision, qui déplaît, qui sûrement prête à discussion, qu’au lieu d’en rechercher les véritables et différents mobiles, de rediscuter avec les parties concernées des faits et des résolutions, ils se précipitent,  prêtant à leur prochain les motivations sinon les plus noires, du moins les plus basses pour en appeler publiquement sans attendre aux ultimes condamnations. Manière pour certains, de se donner obliquement la noble et facile posture du combattant farouche à l’intraitable probité.

 

jeudi 19 octobre 2023

CUEILLIR AUJOURD'HUI LES OLIVES AVEC JEAN GIONO.

Cliquer pour ouvrir le PDF
 

 Cueillir les premières olives en regardant la mer. Un court échange avec Gérard Cartier me remémore la présentation que j’ai faite il y aura bientôt huit ans du magnifique livre de Giono, Noé, que je ne saurais trop inciter chacun, s’il ne l’a déjà fait, à lire.

Dans cet ouvrage la cueillette des olives constitue un moment marquant de la construction par l’auteur de son univers propre. Je reprends aujourd’hui, avant d’abandonner pour deux bonnes semaines, les activités que j’entreprends autour de ce blog, et de rejoindre notre petite oliveraie ligure, la publication d’une bonne dizaine de pages que j’ai réalisée autour de ce passage capital. Ce travail, déjà téléchargé plus de 400 fois, me paraît mériter d’être à nouveau proposé à l’attention.

mardi 10 octobre 2023

LA GUERRE COMME LA PAIX A SES LOIS ! SUR UN TABLEAU DE NICOLAS POUSSIN.


 

Retenu hier au Louvre par cette peinture de Poussin, Camille livre le maître d’école de Faleries à ses écoliers. Il s’agit ici d’un épisode des interminables guerres entre romains et étrusques pour la possession des territoires entourant Rome. Tite-Live raconte qu’aux alentours de 400 avant J.C. le tribun consulaire Camille mène la guerre contre Faléries, cité étrusque au nord de Rome. Un maître d’école, ayant en charge les fils des principales familles de la ville assiégée, réussit à les entraîner sans qu’ils se méfient, à proximité des lignes romaines. Et traître à sa patrie les livre à l’ennemi. Voici comment Tite-Live présente la réponse du général romain qui après l’avoir enchaîné, le livrera aux enfants qu’il voulait lui offrir en otages, afin qu’ils le ramènent, sains et saufs, dans leur propre cité : “Tu ne trouveras ici, ni un peuple ni un général qui te ressemble, infâme qui viens avec un infâme présent. Nous ne tenons aux Falisques par aucun de ces liens qu’établissent les conventions des hommes ; mais ceux qu’impose la nature sont et seront toujours entre eux et nous. La guerre comme la paix a ses lois, et nous avons appris à les soutenir aussi bien par l’équité que par la vaillance. Nous avons des armes, mais ce n’est point contre cet âge qu’on épargne même dans les villes prises d’assaut ; c’est contre des hommes armés comme nous, et qui, sans être insultés ni provoqués par nous, ont attaqué à Véies le camp romain. Ceux-là, toi, autant qu’il a été en ton pouvoir, tu les as vaincus par un crime jusqu’ici inconnu ; et moi je les vaincrai comme j’ai vaincu Véies, par le courage, le travail et les armes, comme il convient à un Romain.”

On admirera la vertu de cet illustre romain. Dont la générosité et la grandeur d’âme feront davantage que la toute puissance des armes. Suite au geste du romain, « il s’opéra écrit en effet Tite-Live, un tel changement dans les esprits, que cette cité, (celle de Faléries, donc) qui naguère, emportée par la haine et la rage, aurait préféré presque la ruine de Véies à la paix de Capènes, appelait la paix d’une voix unanime. »

Bon. On se dit que les écrits de Tite-Live ne sont après tout que de la Littérature. Mais comme on aimerait que cette dernière soit parvenue, comme sans doute elle l’espère, à investir largement les consciences. De manière à rendre impossible, sinon à chacun des êtres humains qui se bat pour ses intérêts, un peu partout sur la terre, du moins à l’ensemble de leurs guides, élus ou responsables, des conduites qui les avilissent en même temps que les causes opposées qu’ils prétendent défendre.

Il se trouve malheureusement que nous en sommes loin.

lundi 2 octobre 2023

PARTAGE DU JOUR. HORACE PIPPIN, 1888-1946. EDEN OU FIN DU MONDE ?

 

Je ne sais ce que valent ces étiquettes que le plus souvent on lui attribue de peintre autodidacte, d’artiste naïf, que sais-je ? Quand on ne le ramène pas seulement à la couleur de sa peau. Tout ce que je sais c’est que ce peintre américain qui effectivement n’aura suivi les leçons de personne et aura toujours déclaré qu’il peignait ce qu’il voyait, me touche depuis longtemps. Principalement ses scènes d’intérieur dans lesquelles il fait éclater les blancs et autour d’eux les présences. Des choses aussi bien que des êtres. Dans toute la puissance des sentiments.

mardi 11 juillet 2023

CHOSES QUI DEVRAIENT FAIRE RÉFLÉCHIR. SUR LA RESPONSABILITÉ DU LECTEUR.


 « Il nous faut rester des lecteurs. Nous ne viserons pas à cette gloire supplémentaire qui appartient aux rares êtres qui sont aussi des critiques. Mais nous n’en avons pas moins notre responsabilité de lecteur, et même notre importance. Les critères que nous posons et les jugements que nous portons s’insinuent dans l’air et deviennent partie de l’atmosphère que respirent les écrivains en travaillant. Une influence est créée, qui le marque, même si elle ne trouve jamais son expression imprimée. Et cette influence, si elle est bien préparée, vigoureuse, personnelle, sincère, pourrait être de grande valeur aujourd’hui, quand la critique se trouve par la force des choses en suspens, quand les livres défilent comme une procession d’animaux dans une baraque de tir et que le critique n’a qu’une seconde pour charger, viser, tirer, bien pardonnable s’il prend un lapin pour un tigre, un aigle pour une volaille, ou manque son but et perd son coup contre quelque pacifique vache qui paît dans le champ voisin." Virginia Woolf, « Comment lire un livre », in L’Art du Roman, Coll. « Signatures », Points, 2009, pp. 168, 169

vendredi 1 octobre 2021

ET VOICI LA CHANSON D’HÉLÈNE SANGUINETTI NOUS REVIENT CHEZ LURLURE !

Et voici la chanson d’Hélène Sanguinetti reparait aujourd’hui chez Lurlure. Et je me réjouis de retrouver cet ouvrage que j’avais salué à sa première sortie, en 2013, aux éditions de l’Amandier et d’ailleurs intégré à notre sélection pour le Prix des Découvreurs 2013-2014.

En voici sans en changer une ligne ce que j’en disais à l’époque sur mon blog.

***

 J'ai un jour dit qu'être écrivain c'est se sentir claustrophobe dans le langage des autres. On suffoque littéralement.

David Grosmann, entretien au Nouvel Observateur, novembre 2012

 

Pareille à rien[1], c’est ainsi qu’apparaîtra sans doute à beaucoup la poésie d’Hélène Sanguinetti, dans Et voici la chanson, ouvrage au titre a-priori trompeur si l’on attend par là quelque composition à la fois légère et facile, quelque jolie ritournelle simplement destinée à donner voix aux émotions les plus communes.

vendredi 2 avril 2021

RETOUR SUR. 3 POÈMES DE LA POÈTE IRLANDAISE EAVAN BOLAND AUTOUR DE LA GRANDE FAMINE.

 

CLIQUER POUR OUVRIR LE PDF

Pour faire suite à ma récente recension du livre de Florence Trocmé dans lequel reprenant un texte méconnu de Jules Verne elle évoque la terrible réalité de la Grande Famine qui meurtrit durablement l’Irlande au cours du XIXème siècle, je voudrais attirer une nouvelle fois l’attention sur le beau livre de la poète irlandaise Eavan Boland paru il y a quelques années au Castor Astral dans une excellente traduction de Martine De Clercq. Voici donc quelques poèmes d’Eavan Boland à propos de cette tragédie dont le poème Quarantaine l’un des trois poèmes préférés des irlandais.

Personnellement, j’apprécie cette façon qu’a Boland d’évoquer toutes les victimes « des toxines de l’histoire » sans se cacher à quel point l’art comme la littérature qui ne les utilisent que comme matériaux leur font aussi subir leur violence propre. 

Ceux que cette auteur intéresse pourront aussi se reporter à ma note de lecture republiée aujourd’hui sur ce blog.