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samedi 14 octobre 2023

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. UN POÈME DE JAN WAGNER SUR UN TABLEAU DE LAVINIA FONTANA.

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C’est dans le livre de Jan Wagner, australie, dont j’ai récemment rendu compte ici, que j’ai découvert l’existence du portrait de la petite Antonietta, fille d’un « sauvage » ramené des îles Canaries et atteinte de cette rare, très rare maladie, l’hypertrichose qu’il ne faut pas confondre avec l’hirsutisme, beaucoup plus répandue. Ce portrait réalisé en 1595, à Bologne, sans doute à la demande du grand naturaliste de la Renaissance Ulysse Aldrovandi, par la peintre Lavinia Fontana, se trouve depuis quelques années au Château Royal de Blois en souvenir du premier « possesseur » de la famille Gonzalez dont Antonietta est la fille, Henri II. C’est à la mort de ce dernier que son épouse Catherine de Médicis aurait cédé les Gonzalez à ses cousins de Parme. (voir mon précédent article : Des sauvages et des poils)

Antonietta et son père lui-même atteint d’hypertrichose, maladie d’origine génétique, faisaient partie de ces « mirabilia » , c’est-à-dire de ces créations de la nature qui excitent la curiosité, l’étonnement ou l’effroi, c’est selon, dont les hommes de la Renaissance se montrèrent si friands. Qu’on pense à ces Cabinets de curiosité que tous les grands personnages de l’époque se devaient de posséder. Le système de pensée de l’époque étant profondément différent du nôtre comme l’aura bien montré par exemple Michel Foucault dans Les Mots et les choses, voyait dans les créatures humaines comme les Gonzalez, ni tout à fait des êtres humains, ni tout à fait des bêtes, mais à cause du lien avec l’animal qu’induit leur pilosité assimilée à un pelage, les considérait comme des êtres hybrides qui ne pouvaient qu’être dépourvus d’âme. Ce qui ne les empêchait pas de se voir confier certaines fonctions. Le père d’Antonietta par exemple fut formé aux humanités, apprit le latin et accéda auprès d’Henri II à la charge d’aide porteur du pain de sa Majesté.

Se posant devant la petite toile de Blois enfermée dans son cube de verre, le poète ici laisse libre cours à ce sentiment d’empathie qu’on ne peut manquer d’éprouver devant le visage de cette petite fille dont finalement on ne sait et ne saura rien de la façon dont elle aura personnellement vécu son étrange situation. C’est souvent l’intérêt de la poésie de Jan Wagner que de nous faire partager sa curiosité du monde et de nous faire voyager aussi bien dans le temps que dans l’espace. Dans l’infinie réalité des choses comme dans l’imagination qu’on en a.

mardi 30 mars 2021

MADELEINE BERNARD. ÊTRE SŒUR D’UN GRAND PEINTRE À L’ÉPOQUE DE VAN GOGH ET GAUGUIN. SUR UN OUVRAGE DE MARIE-HÉLÈNE PROUTEAU.

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Son frère n’a que 20 ans quand il la peint grandeur nature allongée sur l’herbe fleurie qui borde la rivière Aven coulant en arrière plan entre les arbres un peu grèles du petit Bois d’Amour. Madeleine, elle, a 17 ans. Et dans sa posture étudiée de gisante qui la fait un peu ressembler par la proximité de l’eau à la célèbre composition de John Everett Millais représentant la mort d’Ophélie, qu’on peut voir à la Tate Britain de Londres, elle aussi semble flotter sur la toile rêveuse, être comme aspirée, soulevée par quelque charme indéfinissable. Le charme ici peut-être d’un moment de bonheur ressenti, d’équilibre capté entre les âmes et les choses, qu’à jamais le tableau aura retenu pour nous, dans ses verts, ses bleus, ses roses, son ocre, les noirs aussi des troncs qui ne font plus barrière mais entrainent le regard vers les reflets dans l’eau, d’un ciel mouvant d’été.

 

L’histoire aura bien retenu que cette Madeleine peinte ici par Émile Bernard aura en cette année 1888 attiré dans le gros bourg de Pont-Aven où s’est depuis quelque temps établi une solide colonie de peintres, l’attention de Gauguin. Au point de se voir par lui attribuer, pour rire, un petit tableau connu sous le nom de Fête Gloanec, actuellement au Musée des Beaux Arts d’Orléans. Avant qu’au verso d’une œuvre intitulée La Rivière Blanche, il ne réalise d’elle un magnifique portrait que détient le musée de Grenoble. Mais l’histoire n’est guère prodigue sur le destin relativement exceptionnel de cette femme qui fut aussi un moment comme fiancée au peintre Charles Laval, artiste à mon sens injustement éclipsé par la notoriété de l’auteur du fameux Christ jaune, qui partagea avec lui un atelier à la Martinique et signa même de son nom des toiles qui lui sont aujourd’hui réattribuées.