Difficile de choisir dans ce
dernier recueil de Jérôme Leroy le poème qui en donnera la note la plus juste
ou incitera le lecteur de ce récépissé à se plonger – la métaphore ici fait
sens tant la mer, les mers tiennent de place dans l’imaginaire de l’auteur –
dans la lecture du livre.
Après Nager vers la Norvège
que nous avons tant aimé avoir sélectionné pour notre Prix des Découvreurs
d’avant juste le Covid, les poèmes qu’on pourrait dire acidulés et qui malgré
la distance humoristique ou spirituelle que leur auteur tient le plus souvent à
y maintenir, s’accompagnent toujours ne serait-ce qu’en sourdine d’un certain
pincement au cœur. C’est que les textes de Jérôme Leroy semblent être
constamment écrits « pas trop loin de la mort » voire même d’une
disparition définitive de l’homme ce qui rend à chacun des menus plaisirs comme
des grands bonheurs évoqués, le plus souvent d’ailleurs au passé, son caractère
inestimable.
De cette sensibilité
particulièrement aiguisée au temps, qui selon lui va très vite (p. 136),
découle sans doute l’attrait chez Jérôme Leroy pour tout ce qui peut donner
l’impression d’avoir su en arrêter la marche. Ainsi son goût pour les
photographies anciennes, les polaroïds, les échoppes des bouquinistes, mais
aussi les longs dimanches solitaires dans les petites sous-préfectures ou les
terrasses, les jardins dans lesquels
s’allonger sur une chaise longue avec un thé et des livres anciens. Sans
compter sur le plan formel le goût peut-être un peu facile du vers qui se
répète, comme sur le plan de l’existence celui de remettre ses pas dans les
lieux qu’on a déjà occupés.
Ainsi, pétris de nostalgie pour
ces années d’enfance et de jeunesse abandonnées aux divers plaisirs qu’offre à
ces âges l’existence, les poèmes de Jérôme Leroy nous font entendre la chanson
désormais douce-amère d’une sensibilité amoureuse avant tout des plaisirs de la
vie que pénètre « la certitude secrète enfouie que ce monde va mourir
que nous sommes en sursis »(p. 162). Tout en se refusant de mettre
pour l’instant le point final à rien qui ne puisse revenir ne serait-ce qu’en
rêve ou dans le corps hospitalier, partageable et toujours rebondissant des
mots.