mercredi 30 mars 2022

QUELQUES IMAGES DE LA RENCONTRE DES ÉLÈVES DU LYCÉE BERTHELOT DE CALAIS AVEC RYOKO SEKIGUCHI.

Ils ont pu découvrir une large partie de ses oeuvres autour de la question des catastrophes (Fukushima, Beyrouth) comme de celle moins dramatique mais toujours essentielle du goût, des sensations. Découvrir après la venue d'Ada Mondès, d'Eddy Harris, de Vivian Lofiego, qui les auront fait profiter de leur regard sur Cuba, les États Unis, l'Argentine, l'intéressante et singulière personnalité de cette japonaise ouverte à de nombreuses cultures qu’est Ryoko Sekiguchi que nous avons toujours plaisir à inviter. Pour ces élèves du lycée Berthelot de Calais, la découverte de soi, notamment en relation avec le programme d'H.L.Φ, passe par celle des autres. Des auteurs qu’ils rencontrent. Vivants. Celle aussi des univers dont ils sont traversés qui toujours donnent envie de s'accroitre, de d'élargir. Ainsi se réactualise pour chacun cette magnifique formule de Montaigne : « Il se tire une merveilleuse clarté pour le jugement humain de la fréquentation du monde ».

 

mercredi 23 mars 2022

ANTHOLOGIE DECOUVREURS. LES PAS DE PAUL DE ROUX. 1984.

 

LES PAS. RÉÉDITION D’UN BEAU VOLUME DE PAUL DE ROUX PAR LE SILENCE QUI ROULE.

Qu’il y ait quelque chose en dehors de nous, ni visible, ni même invisible, mais dont la présence, le sentiment de la présence, nous émeut, non pas d’une émotion feinte – il en existe tant – mais d’un je ne sais quoi qui, profondément, énigmatiquement, nous parcourt, nous traverse, fait que nous nous sentons davantage exister, être au monde, que dans le même instant, dans le même moment, quoique distant, séparé, nous nous éprouvons proche, rassemblé, compris, voilà, pour un poète, qui, toujours surprenant, n’a rien de miraculeux, d’exceptionnel. Correspond bien aussi, pour lui, vivant autant par les mots que bien sûr par les choses, à l’expérience qu’il a d’être toujours à des frontières. Animé. Attentif. En attente.

Paul de Roux est de ces poètes toujours par trop négligés dont le travail aura justement été de se porter autant qu’il le pouvait vers ces lisières. De répondre par la parole, par un essai toujours recommencé de parole, à cette béance que fait en nous le monde, le langage et la vie. Quand nous les rencontrons non à travers les pratiques plus ou moins assurées, rassurantes, d’un quotidien conditionné, mais dans la nudité presque animale d’une ouverture se libérant autant qu’elle peut des factices et illusoires représentations.

jeudi 17 mars 2022

ÂMES MORTES. CŒURS SIMPLES. RIVIÈRE, LE DERNIER ROMAN DE LUCIEN SUEL AUX ÉDITIONS COURS TOUjOURS.



Stefano Maderno, Martyre de Sainte Cécile, Rome

Reçu tout récemment de Dominique Brisson, son éditrice, en accompagnement de ce Quatre à quatre vers le Nord de Jacques Darras dont j’ai précédemment rendu compte, je me suis laissé prendre à la lecture du dernier roman de Lucien Suel, Rivière. Ce n’est pas que ce roman soit l’une de ces œuvres magistrales qui inventent ou réinventent des mondes, une de ces fresques grandioses ouvrant des perspectives où l’intelligence comme l’imagination ont plaisir à se perdre. Rivière est un roman simple. Mettant en scène une existence simple. Dans un cadre géographique, sociologique et historique, simple. Simple oui. Comme la vie de la plupart d’entre nous. Qui paraît toujours l’être. Mais sans l’être jamais.

lundi 14 mars 2022

QUATRE À QUATRE VERS LE NORD DE JACQUES DARRAS AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.

 

C’est dans un petit format carré parfaitement adapté au choix par son auteur de le composer en une suite de quatrain d’alexandrins que les éditions COURS TOUjOURS, ont choisi de présenter le tout dernier ouvrage de Jacques Darras, Quatre à quatre vers le Nord. Hommage, comme le dit le communiqué de presse, « aux personnes aimées, aux lieux fondateurs, festifs ou pétris de culture, moments rares ou familiers », c’est en reprenant la forme des « Congés d’Arras », inaugurés par Jean Bodel et repris par Baude Fastoul et Adam de la Halle, au XIIIème siècle, que notre poète a composé les siens, n’étant lui toutefois ni atteint par la lèpre (Bodel et Fastoul), ni déçu par ses concitoyens au point de souhaiter les abandonner pour le Sud (Adam), mais simplement arrivé au moment où il faut bien se résoudre à envisager qu’on touche aux limites de sa longue existence. Pas de nostalgie pourtant dans ces Congés. Toujours au contraire la tenace expression d’un profond attachement à une aire géographique large, qui comme on l’a dit par ailleurs va quasiment de Senlis aux îles Hébrides et de Londres à Berlin, de la Tamise à la Spree. Dans une célébration continue de ses paysages, de sa culture, de ses richesses de toutes sortes. Sans négliger au passage un émouvant salut aux amis. Vivants et disparus. Le tout accompagné d’« une Chimay rouge, eau d’Oise toute proche sur orge grillée » pour mieux goûter encore à la « chance matinale de vivre ».

samedi 12 mars 2022

RETOUR SUR GESTION DES ESPACES COMMUNS DE DOMINIQUE QUÉLEN AUX ÉDITIONS LANSKINE.

« Quelque diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade ». C’est avec cette plaisante remarque de Montaigne qui ouvre ainsi un court chapitre du Livre I des Essais, intitulé Des noms, que j’ai bien envie de commencer ma présentation de Gestion des espaces communs, livre de Dominique Quélen, paru il y a déjà quelque temps, aux éditions LansKine. Je ne sais si Michel de Montaigne que Dominique Quélen cite d’ailleurs également pour clore l’avant dernière partie de son ouvrage, se serait régalé à la lecture d’un ouvrage qui, sans quelque assaisonnement tiré du Tractatus de Wittgenstein, comme des efforts de la linguistique contemporaine, paraîtrait sans doute bien étrange à son ancien palais. La rare pénétration pourtant dont il fait montre à propos des relations entre le mot et la chose, en ferait pourtant un goûteur d’exception.

« Il y a le nom et la chose ; le nom c’est une voix qui remerque et signifie la chose ; le nom, ce n’est pas une partie de la chose ny de la substance, c’est une pièce estrangere joincte à la chose, et hors d’elle. » Il faudra garder à l’esprit cette utile et féconde remarque[i] pour accompagner la suite d’observations, d’investigations, portant sur ces espaces supposés communs, du monde et de la langue, qu’explore avec un sérieux drolatique, mais pas que, un Dominique Quélen qui, introduisant son ouvrage en le présentant comme « l’histoire naturelle  d’un espace où les objets ne sont reliés entre eux que parce qu’il est clos», poursuit en s’inspirant d’une formulation de Perec dans Tentative d’épuisement d’un lieu parisien[ii] : « nous n’allons pas choisir ce qui restera quand nous aurons enlevé tout le reste, mais quand nous aurons même enlevé ce qui restera, tout en gardant incertaine jusqu’au bout la nature de ce que nous ferons en écrivant »

samedi 5 mars 2022

COMPRENDRE QU’IL NE FAUT PAS COMPRENDRE. AVEC DOMINIQUE QUÉLEN.

Cliquer pour écouter l'émission

 Préparant une note sur La Gestion des ensembles communs de Dominique Quélen que nous aurons le plaisir d’accueillir à Boulogne le mardi 24 mai prochain à l’occasion de notre journée de remise du Prix des Découvreurs, je découvre ce très beau texte sur les premières relations entretenues, dès l’enfance donc, par ce poète, avec les mots et la littérature. C'est sur les ondes d’une radio dont j’ignore encore tout, Radio ritournelle (!!!) et je ne saurais trop engager les lecteurs de ce billet à l’aller écouter. Dominique Quélen dont le travail peut aisément passer pour étrange, impénétrable, secret, cabalistique, du moins pour les tenants d’une poésie naïve, explique là l’origine de sa fascination pour les mots et la part d’obscur qu’ils recèlent. Et c’est fort éclairant.