
Je ne connais pas Benoit Caudoux. Qui enseigne pourtant la
philosophie dans une ville qui m’est proche. Et chère. Et se trouve être un
spécialiste de Jean-Jacques Rousseau, auteur dont, en ce moment de notre
histoire où tout, semble-t-il, tend à réduire la parole à un simple mécanisme
réglé sur les représentations extérieures qui s’accordent à façonner nos
étouffantes réalités, on ne saurait trop célébrer le mérite de nous rappeler toujours
qu’elle est ou doit être, avant tout, énergie générée par les puissances intérieures
de vie qui, pathétiquement, sourdement, nous affectent. Hors de tout mot. Et de
toute grammaire.
Drapeaux droits, dont le titre – mais pas que - n’est
pas sans me faire penser à ces fameux Poteaux d’angle de Michaux, est
donc pour moi une découverte. Découverte d’une conscience, d’une sensibilité, dont
les relations qu’elles entretiennent avec les choses, avec les êtres, avec elles-mêmes
aussi, ne sont rien moins qu’évidentes, que transparentes. Conscient des pièges
de la pensée autant que du langage sensé la soutenir, Benoit Caudoux s’interdit
d’embrasser la vaste totalité de ce qui existe, en recourant à ces formules prétentieuses
et ampoulées qui suscitent l’admiration des sots. Il sait à quel point nos
phrases peuvent se gonfler de vent. Et que le bruit qu’elles font n’empêche pas
leur vide.
Aussi se porte-t-il de préférence vers le rien. Le presque
rien. La dérision aussi, qui l’amène parfois à révéler la trompeuse légèreté du
langage à travers des jeux dignes de l’Almanach Vermot. C’est que ce poète joueur
qui cherche à s’affirmer lucide, pratique parfois jusqu’à l’excès l’art de la
mise à distance. Y compris avec lui-même. Cela donne une poésie d’apparence
parfois détachée. Cérébrale et cependant bien sentie. Nous laissant des textes
un peu secs comme tirés au cordeau. En équilibre périlleux souvent sur leur
propre silence.
Drapeau est le nom d’une pièce d’étoffe dont l’image
déployée affirme emblématiquement l’identité d’une nation, d’un groupe, voire
symboliquement d’une idée. Fichant les drapeaux de ses poèmes sur le blanc de
la page Benoit Caudoux affirme par là quelque chose non de son identité, notion
pour lui problématique, mais de son expressivité, de sa qualité toujours un peu
déroutante de vivant. Droits, ses drapeaux nous font comprendre aussi que quels
que soient les interrogations, les angoisses, les doutes, les moqueries aussi que
soulèvent, chez lui, tout autant les affectations de maîtrise, de sérieux, des piètres humains que nous sommes que les
limites et les contradictions de notre triste condition, il n’est pas prêt de
se résoudre, lui, à baisser pavillon.
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