vendredi 26 janvier 2024

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR LES LABOURABLES DE LOU RAOUL CHEZ BRUNO GUATTARI EDITEUR.


Dans ce livre tout en attention et en sensibilité, ce qui n'exclut pas l'engagement et la colère, Lou Raoul explore ce que fut pour elle la période de confinement mise en place pendant la pandémie de Covid 19 en recourant à ce qu’elle appelle « un journal de terre »(devez arad en breton), ce qui correspond en agriculture à la surface que l’on peut labourer en une journée. Ces journées qu’elle note finalement en les rayant symboliquement, comme on le voit avec notre extrait, du calendrier. Merci à elle de m'avoir offert ce beau texte à lire.

jeudi 25 janvier 2024

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR SCUM, UN RÊVE, DE DENISE LE DANTEC AUX PRESSES DU RÉEL.


 

Merci à Denise Le Dantec pour l’envoi de ce rêve qui autour des figures bien différentes, a priori, de Virginia Woolf et surtout ici de Valérie Solanas à qui ce titre SCUM est emprunté*, se présente au lecteur sous la forme d’une série de glissades, de noyades, à l’intérieur d’un paysage sans cesse en mouvement, un mini opéra typographique aussi, où s’affirme principalement l’extrême liberté d'écriture d'une femme cherchant en compagnie de deux soeurs dont le destin fut tragique à épouser les courants les plus profonds et insaisissables de la vie. Qui finalement nous submergent. Nous emportent. Ne laissant rien de nous peut-être que cette mousse, écume, (scum) qu’auront été nos œuvres. Comme d’habitude le poème de Denise Le Dantec, même évoquant la figure radicale de V. Solanas, se déploie sans discours mais non pas sans formules qui remuent, nous traversent, puis troublent. Comme seule peut le faire la poésie quand elle fait confiance à l’intelligence sensible du lecteur.

* Le SCUM manifesto (« Society for Cutting Up Men »), publié en 1969 suite à la tentative d’assassinat par V. Solanas d’Andy Warhol, ne propose ni plus ni moins que l’éradication totale et définitive des hommes d’une société qui ne concède aux femmes que ses marges (« scum » également par métaphore, en argot américain)

dimanche 21 janvier 2024

POUR PIERRE VINCLAIR. LA POÉSIE FRANÇAISE DE SINGAPOUR VUE PAR CLAIRE TCHING.

On connaissait la jeune chercheuse singapourienne Claire Tching pour les notes précieuses dont elle a récemment enrichi l’ouvrage de Pierre Vinclair, Bumboat, publié au Castor Astral.  La voici qui donne aujourd’hui aux éditions Aethalidès, une courte présentation de la Poésie française de Singapour et l’on peut supposer sans grand risque que c’est à la fréquentation de ce brillant poète qu’elle doit de s’être intéressée à ce sujet qui pourra sembler singulièrement étroit si l’on songe à la nature de la population de ce bien jeune et minuscule état d’à peine plus de 700 kms2  dont plus de 70% des quelques 5 millions d’habitants qui y vivent sont d’origine chinoise et communiquent pour l’essentiel à travers un anglais simplifié, métissé de chinois et de malais, appelé le singlish.

Alors pas d’illusion : nul chef-d’œuvre inconnu n’attend le lecteur dans les onze courts chapitres que la patience et parfois l’opiniâtreté de notre chercheuse auront fini par proposer à notre curiosité. Car c’est bien de curiosités dont il est finalement question avec cette publication qui si elle est loin de venir enrichir le beau corpus d’œuvres de notre poésie de langue française, présente quand même aussi le mérite, car Claire Tching en esprit aiguisé sait accompagner les textes qu’elle mentionne de commentaires lumineux, de nous faire réfléchir à bien des questions qui demeurent pour nous essentielles.

mercredi 17 janvier 2024

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR LE MASQUE D’ANUBIS DE FRANÇOIS RANNOU.

 

 On sait la relation qu’Anubis, le dieu chacal des égyptiens, entretient avec la mort et les techniques d’embaumement. François Rannou qui livre ici une suite concertée de poèmes nous faisant passer d’une salle d’hôpital à des paysages bretons à travers lesquels s’exprime son attachement à diverses figures en-allées, fait de l’écriture une façon de franchir, avec ses souvenirs et l’espérance baudelairienne, pourquoi pas, d’une révélation, les Hautes Portes du Temps. Tenant moins de l’épanchement que du discret viatique, ce bel ouvrage bien accompagné par notre amie Michèle Riesenmey, nous paraît à la fois proche et émouvant.

mardi 16 janvier 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LA POÉSIE EST SUR LA TABLE DE DENISE LE DANTEC AUX ÉDITIONS UNICITÉ.


 

Cliquer pour lire l'ensemble du poème en PDF

Plus de cinquante années après son premier livre, Métropole, paru en 1970 aux éditions P.J. Oswald, Denise Le Dantec continue comme elle l’écrit « à amasser de la lumière dans [son] sac ». Celle d’une poésie qui n’a que faire des simplismes, des intellectualismes, des formalismes, des platitudes, des renoncements ou des vulgarités contemporaines, mais qui, parfaitement au fait de tous les questionnements et de toutes les libertés qui auront marqué l’histoire poétique des cent dernières années, continue de porter au plus haut un désir de parole totalement ouvert sur le monde dans toute sa beauté comme dans sa non moins fondamentale monstruosité.

mardi 9 janvier 2024

QUELS VŒUX POUR 2024 ET POUR LA POÉSIE ?

 

Travaillant hier à présenter l’intéressant ouvrage de Typhaine Garnier et plus particulièrement l’image décapante qu’elle y donne, dans un certain nombre de passages, du Poète institutionnel et de la cour ridicule dont il est l’objet de la part de ces « têtes molles » qui affectent de le sacraliser, je suis retombé sur cette Physiologie du Poëte, illustrée par Daumier, que, sous le pseudonyme de Sylvius, on doit en fait à un certain Edmond Texier, poète défroqué devenu journaliste, qui tourne en dérision avec, ma foi, un certain talent les principaux poètes de son temps. [1]

J’avais eu recours à cette publication pour me moquer - hélas, j’ai ce tempérament - de certains de ces poétereaux qui multipliant les récriminations contre le peu d’espace accordé à LA POÉSIE, restent aveugles à l’écart astronomique qui existe entre la pauvreté de leurs propositions et l’ambition démesurée qui les porte. Dans la préface de son premier et quand même assez piètre recueil, intitulé En Avant ! Edmond Texier déclarait ainsi : « Fasse le ciel que notre livre tombe au milieu du monde, comme la pierre tombe dans le fleuve en excitant à la surface des cycles immenses et prolongés». Or, en matière de retentissement, chacun sait bien que l’ouvrage de poésie laisse plus souvent infiniment insensible la surface des eaux qu’il n’y produit ces cercles immenses et prolongés rêvés par notre aspirant poète. Et cela, en dehors bien sûr de l’outrance visible du propos, continue aujourd’hui, bien sûr, à faire bigrement question.

dimanche 7 janvier 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. VIDE-GRENIER DE TYPHAINE GARNIER CHEZ LURLURE.

 

Depuis ses Massacres dont j’ai pu saluer à leur sortie la « salubre » nécessité, pensant premièrement à ces enseignants qui, à la manière de ce personnage de Ferdydurke pleurant sur l’insensibilité de ses élèves, s’échinent toujours à faire d’autorité admirer en classe, des textes auxquels eux-mêmes restent parfaitement extérieurs pour ne pas dire étrangers, Typhaine Garnier semble avoir résolument engagé sa carrière littéraire sur le chemin du burlesque. On sait ce genre par les classiques méprisé car relevant d’une forme d’esprit visant à avilir plutôt qu’à l’ennoblir, notre humaine condition. Sainte-Beuve y voyait toutefois un heureux antidote aux boursouflures et aux excessives préciosités d’une littérature imbue de son importance. Pour ce qui est de Typhaine Garnier il semble bien que le style burlesque soit de façon plus générale encore, la meilleure façon de mettre à mal tout ce fourbis, cet attirail, ce grand capharnaüm de représentations plus ou moins convenues qui encombrent, de la naissance à la mort, nos imaginations et s’accordent au final à nous bourrer le mou.

Conçu à la façon d’une succession de petites annonces, type pourquoi pas bon coin, aspirant à débarrasser leurs propriétaires de toutes sortes d’objets de seconde ou de nième main, tout en faisant au chaland miroiter leur éminente valeur, l’ouvrage entreprend de liquider comme l’indique clairement la quatrième de couverture,  l’ensemble des souvenirs qui composent une vie : motifs de l’enfance, choses du cœur et déboires du corps … à quoi s’ajoutent aussi bien les tristes perspectives de l’âge et d’une mort vite expédiée, sans oublier le ridicule commerce des vaines gloires rancies célébrant à l’envie leur Chant sot.

Cela, on le verra, compose un livre terriblement réjouissant. Tant comme objet de langue que plus philosophiquement comme puissant remède aux marchandes idéalités du temps par quoi nos vies se voient de jour en jour artificialisées. Et cyniquement conduites à se désespérer. Dans un article de Sitaudis, François Huglo présente avec brio l’ouvrage, insistant en particulier sur sa proximité avec l’esprit animant le Rimbaud des Petites amoureuses voire des Accroupissements. Dans sa façon de s’en prendre à ce bon vieux sentimentalisme dégoulinant qui fait de tout niaiseries. J’engage ici mon lecteur à prendre connaissance de cet article qui rend ce Vide-grenier vraiment des plus désirables. Oui. Quand par exemple on voit ces beaux esprits diplômés, posant de surcroît à l’artiste, se pâmer devant les piteuses compositions qu’ils nous offrent en partage, comment ne pas se régaler de la prose inclémente mais si diablement inventive et intelligente de Typhaine Garnier tournant en dérision la visite de la « noble bâtisse » au fronton de laquelle fulgure en lettres capitales et dorées l’engageante inscription : CI-VIT / LE PLUS GRAND POÈTE / DE SA GÉNÉRATION !!!

Pour nous délivrer des postures. Des impostures. Dans l’attente du final compostage qui nous attend à Plurien (Côtes-d’Armor) ou à Hébécrevon (Manche) à moins que ce ne soit pour le fun à Moncrabeau[1] (Gers), capitale avouée des Menteurs où nous aussi, avons déjà nos habitudes. 

 



[1] C’est une des drôleries supplémentaires de l’ouvrage que de situer chacune des « annonces » dans un lieu bien précis de notre petite France, choisi pour son caractère improbable. Ainsi bien sûr que la façon comique qu’il a de résonner avec le texte. Ma référence particulière à Moncrabeau vient d’une suite de quelques posts Facebook où je me suis amusé à me moquer du narcissisme de certains de mes « amis » FB en me faisant passer pour citoyen d’honneur de la ville à l’intérieur de laquelle les libraires placent régulièrement en vitrine tous mes livres. On pourra pour le plaisir en lire ici un passage : "De telles rencontres ne pouvant se faire qu’à Moncrabeau c’est sous les grands arbres de la promenade Monbelle -Aygo que me fut accordé la surprise de croiser hier l’un de ces amis que seul FB est en mesure de vous donner. Et comme les soirées sont longues et belles en juillet je l’écoutais me décrire à l’envie ses voyages, ses rencontres, me vanter ses amis, sa famille, évoquer ses réussites professionnelles, ses extases culturelles aussi bien que gastronomiques, tirant de sa mémoire force clichés révélant son désir de se montrer expert sur tous les plans possibles d’existence… Comme on touchait quand même à l’entrée du Grand Hôtel des Monarques où j’ai ma suite réservée comme citoyen d’honneur de la localité et qu’il sentait peut-être qu’il commençait à me lasser, l’ami se mit à s’exclamer : Mon Dieu ! Je ne fais que parler, parler et ne sais toujours rien de toi. Alors dis moi franchement avant qu’on se sépare : tu l’as trouvé comment mon dernier recueil ?".