dimanche 12 octobre 2025

CHANTER POUR LES SOURDS. LA POESIE PRISE ENTRE L'OFFRE ET LA DEMANDE.

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« Chanter pour les sourds » disait Théophile Gautier « est une occupation mélancolique ».

 Je ne compte plus en effet le nombre de poètes, parfois très estimables, qui sur les réseaux sociaux, se plaignent du peu de cas que la société à laquelle ils s’adressent, fait de leur production. On peut comprendre la frustration, le découragement, la tristesse et jusqu’au désespoir qui finissent par envahir le cœur de certains qui ne faisant l’objet que d’une très relative et médiocre attention voient la scène poétique concentrer ses feux sur quelques personnalités dont le principal mérite, à leurs yeux, ne relèverait que de la double habileté relationnelle et communicationnelle.

La chose n’est malheureusement pas nouvelle. Et peut aisément s’expliquer. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le rêve d’être artiste, le désir de se voir reconnu singulier, comme écrivain ou poète, s’est emparé de l’esprit de quantité d’hommes et de femmes qui ambitionnent de se voir publiés, reconnus, admirés. Et ce n’est pas d’aujourd’hui que cette naïve aspiration vient se heurter aux capacités d’attention limitées d’un public gavé de toutes sortes de produits culturels ou pseudo-culturels, très mal aidé qu’il est par la moutonnerie d’une large partie de ces médiateurs, critiques, journalistes, programmateurs, etc., à travers lesquels s’élaborent les complexes circuits de la reconnaissance.

J’ai souvent sur mon blog abordé cette question. Rappelant par exemple qu’entre 1840 et 1850 la section Poétique et Poésie de la Bibliographie de la France recensait déjà plus de 1800 noms qui ne représentaient que le haut de l’iceberg poétique puisque ce répertoire ne retient pas les volumes publiés hors de Paris ou à compte d’auteur !!!  À la même époque (1841), le journaliste Edmond Texier, lui-même poète frustré, tournait en ridicule le désir de ses contemporains de s’obstiner « à chanter sur la lyre de grandes ou de petites choses, quand le public se fait de plus en plus bourgeois et ne songe plus qu’à écumer son pot-au-feu. » (Voir nos extraits de sa Physiologie du Poëte)

Ceux qui auront lu la Quatrième prose de Mandelstam se souviendront aussi du tableau que ce dernier fait de « l’armée des poètes » qui de « la Sibérie, Tachkent, même Boukhara et Khorezmi »  se ruent vers la capitale pour y déclamer leurs vers.

Trop d’offre donc et trop peu de demande, l’équation est claire. Qui oblige à s’interroger sur l’offre et travailler aussi sur la demande. Sans compter la nature des circuits qui président à leur échange. Je n’y reviendrai pas, me contentant pour aujourd’hui de fournir avec le texte qui suit, de Théophile Gautier que je viens de relire, un nouvel aliment à notre réflexion. J’y ai ajouté cette image assez peu connue du Panthéon Nadar qui à défaut de mettre un peu de baume au coeur de ceux qui se jugent injustement méprisés, leur permettra, j’espère, de considérer leur malheur avec plus de philosophie.

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