Dans l’une des innombrables salles qu’offre à la visite le Palais Ducal de Mantoue subsistent les restes en partie restaurés d’une grande fresque de Pisanello représentant l’un des épisodes du tournoi-bataille[1] de Louvezerp que raconte le Livre V du Tristan en prose composé comme chacun sait dans la première moitié du XIIIème siècle. Ces restes ne paraîtront sans doute qu’un fouillis au visiteur qui, après deux ou trois heures de visite n’aspire plus qu’à s’attabler devant un bon plat de tortelli di zucca ou d’un plus rustique et sec risotto al pilota qu’il pourra déguster soit au Ristorante Giallozucca, Corte dei Sogliari pas trop loin de la Basilique San Andrea, soit à l’Osteria Piazza Sordello 26, à deux pas de la sortie.
C’est dommage toutefois de ne pas s’y arrêter. L’œuvre de Pisanello témoigne ici de cette culture de cour de la première moitié du XVème empreinte de récits chevaleresques, témoigne aussi de la vocation guerrière des princes de Mantoue qui sont avant tout des condottières. Et surtout sur le plan formel attire l’attention sur ces fameux sinopie, dessins réalisés le plus souvent au pigment rouge, que les maîtres traçaient sur les murs pour indiquer à leurs assistants les principaux éléments de leurs compositions. Restent aussi quelques magnifiques éléments tel le visage quasi adolescent d’un chevalier que laisse apparaître l’ouverture d’un heaume ou encore le cavalier renversé auquel un valet plutôt qu’un compagnon d’armes vient prêter assistance. Avec tous ces chevaux, ces lances, ces armures on ne peut non plus s’empêcher de penser à la fameuse bataille de San Romano qui aura eu la chance peut-être d’avoir été peinte sur panneau, elle qui nous fait passer à quelques petites années de distance de l’univers gothique auquel tient toujours ici Pisanello à l’ordre propre et quelque peu obsessif du grand peintre florentin.
L’histoire aussi nous apprend que ces fresques, venues couvrir une fresque déjà existante datant de la fin du siècle précédent, auraient à leur tour, quelques dizaines d’années plus tard, été recouvertes d’une composition jugée sans doute plus moderne. On remplaçait autrefois les chefs-d’œuvre comme on change aujourd’hui de papier peint ou de couleur des murs.
[1] Une riche et bien agréable à lire évocation de ces tournois-batailles peut se lire dans Le Tournois des preux, premier volume de l’excellente trilogie de Jean-Philippe Jaworski, Le Chevalier aux épines.
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