Nous n’avons pas besoin de vérité, mais de parole. C’est,
à mes yeux, la suprême raison de l’existence de la poésie. Répondre, à travers
le système commun d’une langue que nous partageons avec l’ensemble de nos
semblables, aux diverses pressions que nous éprouvons de la vie, est en soi,
comme un moyen d’échapper à l’angoisse de notre condition séparée. Tout en
affirmant, par le travail d’art plus ou moins important que cela suppose, sa
propre singularité.
Du commun et du singulier, la jeune poète singapourienne
de langue anglaise, Christine Chia, dont Le
corridor bleu propose aujourd’hui, réunis dans le même volume, la
traduction par l’excellent Pierre Vinclair, des deux premiers recueils, La Loi des remariages et Séparation : une histoire, s’en
réclame quant à elle de bien intéressante manière. En faisant, dans ce livre, se
correspondre, en miroir, sa douloureuse histoire familiale et celle de la
République de Singapour en la personne principalement de son ancien leader, Lee
Kuan Yew, l’homme qui aura présidé à son rattachement à la Malaisie en 1963,
avant d’être contraint, en 1965, de s’en séparer.