Paul SIGNAC, Au temps d'harmonie, Lithographie, Houston, Texas. |
Je sais gré, depuis de très longues années à Jean-Claude Pinson, d’avoir, notamment avec Habiter en poète et à une époque où cela ne semblait plus aller de soi, redonné foi en une poésie qui, sans bien sûr oublier les conditions essentielles de sa matière de langue, ne renonçait pas à se vouloir et se chercher toujours au monde, dans un souci permanent non de l’imiter, de le représenter mais de le refigurer de manière intelligente et sensible dans toute la puissance et la portée de l’élan créateur qui pousse l’homme à sortir de soi pour s’inventer une soutenable et vivante demeure. Pastoral que viennent de publier les éditions Champ Vallon, reste dans cette ligne par quoi la poésie, bien au-delà souvent des œuvres qu’elle produit, s’impose à mes yeux comme une politique profonde. Une forme particulière de santé. Á la fois physique et morale. Pour l’individu isolé comme pour la collectivité tout entière qui s’appelle l’Humanité.
En nous ramenant à ce lien essentiel que nous entretenons
avec la Nature, envisagée non comme ce pittoresque magasin d’images dont on
emprunte la marchandise pour produire des sentiments convenus, mais comme cette
puissance traversante de vie dont toute existence sur notre terre enfin procède
- Physis ou Gaïa, qu’importe – l’ouvrage de Jean-Claude Pinson fixe à la poésie
autre chose qu’une mission. Il en fait une fonction de l’être. Qui à
l’intérieur d’un langage de langues qui aujourd’hui séparent peut-être beaucoup
plus qu’ils relient, tente de refaire parole ou voix. À la vie, comme au corps, abouchée.
On ne
s’étonnera pas alors que les poètes dont nous parle Pinson ne soient pas ces
petits « Anacréon de province » qui comme l’écrit Bourdieu voient
dans « la reproduction lettrée » l’occasion d’entrer à peu de frais
dans ce champ littéraire dont ils convoitent démesurément les rentes symboliques
mais des poètes qui se font une bien plus haute représentation de leur travail
d’écriture. Car il en va nous dit Jean-Claude Pinson de bien autre chose que de
décorer d’illusoire façon les salles du théâtre mondain où nous nous
produisons. Il en va possiblement de notre survie. De ce que nous serons
capables, nous tristes dissipateurs, de sentir à nouveau, pour les mieux partager,
les libérer, de toutes ces énergies dont nous sommes tissés. Qui s’appellent la
Vie, la Nature. Dont il faut inventer « ces chants pastoraux nouveaux »
écrit-il, dont nous avons tant besoin.
Lire un extrait du livre de J.C. PINSON
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