Edouard MANET, Branche de pivoines blanches et sécateur, Orsay |
C’est justement le propre d’une revue que d’y faire, sous un
même sommaire, se côtoyer des auteurs accomplis ou toujours en recherche, d’horizons
différents, qu’un lecteur tant soit peu averti, peut reconnaître mais aussi
découvrir. Sauf exception, ces numéros de revue n’ont rien d’impérissable mais
ils se sont faits pour quelque temps l’asile, le toit, d’écritures qui voient là
dans un monde toujours peu enclin à les accueillir, la chaleur réconfortante
d’un peu de reconnaissance.
Ce n’est pas rien pour moi que de lire ainsi dans ce dernier
numéro de Contre-Allées, les textes ô toujours combien savoureux d’un
Jacques Darras que j’ai le grand bonheur de connaître d’amitié depuis bien des
années et de découvrir quelques pages plus loin les poèmes tout neufs habités
de tendre mélancolie d’Anne Brousseau qui édita il y a une petite quinzaine
d’années l’ouvrage par lequel je me suis enfin reconnu vrai poète. Ses courts
textes sur les divers modes d’apparaître du jardin, la façon dont elle en fait
l’espace de confidences simplement murmurées, le fait de la voir se révéler à
son tour en poète, me touchent plus que je ne saurais dire.
Comme me touchent aussi les Poèmes à deux voix de
Christian Degoutte que je n’ai croisé qu’une fois à Montreuil-sur-Mer dans une
soirée poétique un peu étriquée comme il y en a tant, mais dont m’a plu
l’aptitude qu’il a à tisser entre les merveilles modestes d’une nature dont il
se sent proche et les profondes réalités de notre humaine condition, des liens
qui ne soient pas de simple jeu. Pour paraître et briller.
Je ne dirai rien de
la discrète vibrance des empathiques poèmes de Maud Thiria qui vient de
m’envoyer son livre Blockhaus publié par Aencrages & Co, que je me
propose de lire attentivement avant d’en formuler plus largement mon sentiment.
Ceux d’Isabelle Sancy et de Christine Bouchut que cette fois je ne connais
vraiment pas ne me semblent pas dénués de sensibilité ni, comme c’est le cas
naturellement des auteurs choisis par l’équipe de Contre-Allées, d’un
sentiment certain de la chose nature. Plus sec chez la seconde qui peut-être
aurait avantage à ne pas s’enfermer dans un vocabulaire à mon sens trop
générique. Plus large chez la première qui davantage joue des ressorts trop
souvent dédaignés de la ligne mélodique. Et bien sûr que j’aimerais pouvoir
être plus précis, plus attentif pour mieux parler de ce qui visiblement ici,
c’est-à-dire à l’intérieur de chacune de ces voix, a porté comme toujours de la
vie, de la vie éprouvée, vers son pendant hasardé de parole.
Puisse donc bien des voix plus autorisées que la mienne dire de leur côté tout le bien qu’elles pensent du numéro 41, de cette constante et bien fournie petite revue qui sans arrogance ni fanfaronnades et dans un bel esprit d’accueil, continue de porter haut son exigence de poésie.
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