Comme l’écrit Tristan
Hordé dans un article de la revue en ligne Sitaudis [1],
les odes de Sharon Olds, du moins une bonne partie d’entre elles, semblent à
première vue reprendre la tradition bien connue du blason : Ode au
clitoris, Ode au vagin, tels sont en effet les titres des 2 premiers
poèmes de ce recueil excellemment traduit de l’anglais (américain) par
Guillaume Condello. Toutefois, précise bien Hordé, ces blasons, « écrits
par des hommes, presque toujours sur des parties du corps féminin, ce sont
avant tout des jeux littéraires, chacun rivalisant d’esprit dans la description.
Les odes de Sharon Olds, à propos de l’anatomie des hommes et, plus souvent,
des femmes [n’ont] pas seulement [pour objectif] de célébrer le
corps, et souvent de manière à choquer le lecteur qui attendrait de l’ode
quelque chose de lyrique (définition minimale aujourd’hui du genre), mais de
placer les descriptions dans la société contemporaine […] d’écrire à propos de
l’expérience humaine. »
L’exemple que nous donnons
ici touche d’ailleurs davantage à la tradition inversée du Contre-blason
et de façon plus large encore à cette pratique illustrée aussi bien par les Regrets
de la Belle Heaulmière de François Villon que par la Vénus Anadyomène
de Rimbaud, qui, à l’espace ouvert par le culte idéalisé de la beauté physique oppose
avec des intentions diverses, l’exposition le plus souvent poussée jusqu’à la
caricature, des laideurs d’un corps soumis aux affres de l’âge ou de la
maladie.
Chez Olds, toutefois, le
profond matérialisme qui l’anime (voir l’allusion finale aux muses) va de pair
avec une perception réellement élargie de son être au monde, qu’elle situe non
seulement dans le temps long de la perpétuation de l’espèce (vers 18-19) mais dans
celui beaucoup plus vaste encore, cosmique, de la formation de la terre ( voir les
métaphores géologiques : synclinaux, anticlinaux, croute terrestre, qu’on
aurait tort de simplement lire comme des exagérations comiques).
On regrettera que la
pudibonderie toujours à l’œuvre, voire de plus en plus, au sein de l’institution
scolaire, empêche que pour les initier à la poésie, un tel recueil soit soumis à
la curiosité de nos adolescents qui sûrement y trouveraient bien plus de
matière à former avec intelligence leur vision des choses de la vie que dans un
certain nombre de textes qui leur sont proposés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire