Mais pourquoi la littérature ? Quelle littérature aussi pour ces temps à venir qui risquent de chanter beaucoup moins qu’on ne l’espérait quand on n’avait pas encore pris conscience de l’insoutenabilité des modes de vie imposés à l’ensemble du monde par nos sociétés occidentales. Pourquoi faire rencontrer des écrivains vivants, des poètes, à des jeunes qui peinent à boucler leur programme, à maîtriser ce semblant de langue commune, de connaissances partagées dont on voudrait tant pouvoir dire que des années et des années d’école sont parvenues quand même à les équiper. Les questions souvent se bousculent en qui ne se contente pas d’une simple posture. A fini par comprendre l’urgence aujourd’hui qu’il y a de sortir des bons sentiments, des mirages, des lieux communs attrayants pour répondre collectivement, par un effort du plus grand nombre, aux défis que la vie, la survie, le vivant, lancent à nos consciences comme à nos volontés.
Passant d’une langue et d’un pays à l’autre, ses textes sont animés d’un lyrisme éloquent qui n’est pas celui, trop souvent retenu, honteux sinon un peu ridicule ou niais de notre tradition française, mais celui, généreux, accueillant à la fois déchiré et partagé de celles qui sont restées plus proches de la terre, qui continuent d’exorciser les angoisses, les injustices, les misères, par la prise en considération de notre dimension à la fois dérisoire et cosmique. Ainsi sa parole qui ne va pas sans désarroi aussi, détresse, est-elle traversée d’une énergie, d’une flamme, d’une revendication et d’une espérance contagieuses qui tendent à faire tomber les barrières. Qui tendent, dis-je mais peinent toujours à être reconnues par bien de nos excellents connaisseurs d’aujourd’hui qui, comme le soutient Jean-Christophe Cavallin, dans Valet noir, Vers une écologie du récit, qui vient de paraître chez Corti, n’en ont pas fini avec les conceptions aristotéliciennes de la littérature visant à l’affranchir de ses dimensions magiques, des mises en relation profondes qu’elle opère avec les puissances paniques du monde et continuent de se faire les chantres d’une modernité ne célébrant le plus souvent, dans l’écart étroit mais sanctifié de la page que la solitaire et abstraite supériorité de leur faire.
Les jeunes heureusement, venus du lycée Berthelot tout proche, qu’Ada Mondès aura rencontrés dans le bel espace de la scène nationale du Channel de Calais, auront eux bien saisi l’enjeu réel de sa venue et des échanges forts qu’elle a rendu possibles. Avec elle ils auront fait territoire. Auront aussi à leur mesure, contribué dans ce partage à fortifier un vrai désir, un vrai plaisir, un vrai souci, de mondes. Enfin rendus à la présence. Ouverts. Désenfermés.
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