Très longtemps j’ai considéré la poésie comme une façon pour moi d’être aussi un peu peintre. Non plus le peintre d’une réalité extérieure que je me serais employé à rendre parfaitement reconnaissable mais celui d’une autre dimension de réalité qui, intérieure, prenant forme dans l’espace rendu sensible d’un langage – peut-être devrais-je dire ici d’une langue – rendrait physiquement, émotivement et pourquoi pas intelligemment, compte d’une expérience de vie. Même si cette dernière ne se limite qu’au seul moment, parfois très long, de l’écriture.
En dessin, un contour perdu est un contour qui s’estompe, s’efface, disparaît avant de répparaître plus loin. Les quelques poèmes que j’ai rassemblés sous cette appellation ont été écrits au cours de la dernière décennie du siècle passé. Comme beaucoup de mes textes je n’ai pas cherché à les faire publier. J’en ai seulement utilisé des éléments dans une section d’avec la terre au bout publié en 2011 à l’Atelier La Feugraie. Si je les expose aujourd’hui sur ce blog , les faisant ainsi réapparaître autrement à mes yeux, c’est qu’ils me semblent toujours dire quelque chose, par eux-mêmes, de la parole poétique. Sa façon d’aller vers. D’être toujours en mouvement. Habitée qu’elle est d’une tension vitale, d’une énergie, d’une attention, qui, bien que vaillamment portée à ce qui au fond fait notre commune et fuyante existence, ne l’empêche malheureusement pas de se perdre, tomber, dans beaucoup de vide ou de silence.
Je vois comme nombre de poètes véritables souffrent de n’être pas entendus. Mais j’ai depuis longtemps compris que c’était là, le plus souvent, le lot de tous ceux qui, en matière d’art, ne se voient pas portés par la puissance des amitiés, des réseaux, par l’opportune façon aussi dont leur travail en arrive volontairement ou non à croiser les formes, thématiques, problématiques voire les modes, emballements ou postures du moment.
Déconcertante, toute poésie véritable, finit toutefois toujours par trouver son lecteur. Ne serait-ce qu’à travers la redécouverte qu’en fait ensuite, parfois beaucoup plus tard, son auteur. Qui réapprend ainsi à se connaître. Dans ce qu’il eut un jour, un moment, superbement à vivre, à travers la façon dont sans se soucier plus avant que la cheminée soit vide, il aura su souffler sur la braise des mots.
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