Boulonnais depuis toujours, j’ignorais
tout de l’existence, depuis le XVIIème siècle, dans la bocagère région
d’Hardinghen, de ces « champs souterrains grands comme des océans »
que mon ami Yannick Kujawa aura entrepris d’évoquer à travers la pathétique
histoire d’une fille « toute blanche dans un noir d’encre ». J’aurai
donc si longtemps parcouru, à pied, à vélo, en voiture, ce territoire, sans jamais
soupçonner qu’il y eut là des mines de charbon, les premières apparemment à avoir
été dans le Nord exploitées, exploitées en l’occurrence étant le mot juste,
puisqu’y descendaient pour quelques malheureux sous des enfants des deux sexes
qui n’y faisaient pas long feu.
Comme je l’écrivais il y a une
bonne dizaine d’années à propos d’un poème de l’irlandaise Eawan Boland, évoquant
une gravure illustrant
toute l’horreur de la Grande Famine du milieu du XIXème siècle qui réduisit de
plus d’un quart la population irlandaise en l’espace de quelques années, le
grand art, même s'il dénonce avec le plus de force, la misère infligée aux
femmes, s'apparente souvent quand même, par la brutalité de sa technique à un
rapt, un viol, arrachant à jamais le corps représenté, à son air natal, pour
l'emprisonner dans sa page. Du coup devenue cage. Rien de tel dans
l’ouvrage de Yannick Kujawa qui, dans une grande simplicité de trait, une
disposition d’esprit profondément empathique à l’égard des humbles, réinstalle poétiquement
son personnage de Blanche au cœur de cette beauté cosmique qui continue pour elle,
dans ses immenses dimensions et d’espace et de temps, de faire paysage à ses
plus profondes détresses. Par quoi c’est tout son être qui s’en trouve exhaussé.
Alors certes, on dira que cette histoire faite pour nous serrer la gorge
cherche quand même par là à nous rendre comme l’écrivait Paul Celan, le
chagrin habitable. Mais n’est-ce pas aussi parfois, dans ces temps d’assez
grande sécheresse, ce dont nos cœurs ont besoin. Comme des belles figures de
martyrs et de saints de Fra Angelico.
J’y reviendrai.
EXTRAITS