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Dans ce petit milieu de la poésie auquel j’appartiens, beaucoup se montrent réticents vis-à-vis de la publication numérique. Le fait que la plupart des ouvrages publiés, quelle que soit la maison d’édition qui s’y soit employé, peinent à se voir écouler à plus d’une centaine d’exemplaires, n’empêche rien. Le petit milieu de la poésie cherche toujours et avant tout à se voir lu sinon simplement vu, en édition papier.
Pour avoir cependant constaté que les diverses publications numériques qu’avec L.D. (Les Découvreurs) j’ai depuis quelques années diffusées sur mon blog avec le seul soutien d’un relais sur Facebook, pouvaient parfois bénéficier de plus d’un millier de vues quand les quelques ouvrages papier pourtant d’excellente qualité que nous avons réalisés n’avaient trouvé que quelques dizaines d’acheteurs, je n’ai aujourd’hui plus la moindre hésitation à proposer aujourd’hui de lire sur écran l’ouvrage dont je me dois de dire maintenant quelques mots.
Comme ces Contours perdus[1] que j’ai proposé de découvrir il y a quelques mois, même devant ces braises, est un ensemble de textes pour moi très ancien dont l’écriture se sera étendue de la toute fin des années 1990 au tout début des années 2000. Pendant près d’un quart de siècle j’aurai assez régulièrement relu ces pages sans éprouver le besoin comme l’envie de leur trouver un éditeur. compris dans le paysage, avec la terre au bout, parmi tout ce qui renverse, les trois ouvrages que les éditions Potentille, de l’Atelier la Feugraie et du Castor Astral ont publié de moi entre 2010 et 2017, plus aboutis, construits et surtout plus ouverts sur des espaces débordant plus largement le cadre de ma sensibilité ou émotivité personnelles, m’ont paru de nature non à discréditer mes textes plus anciens, mais à en rendre pour moi l’intérêt moindre.
Toutefois, les relisant il y a quelques mois, j’ai réalisé que quelque chose s’y disait, s’y écrivait, qui me parlait toujours. Conservait en dépit du long décalage non seulement temporel mais aussi psychologique et culturel existant entre celui que je suis aujourd’hui et celui que j’étais quand j’habitais encore mon village du Waast, quelque chose de plus qu’une résonance de surface. Quelque chose continuait de s’y dire et de s’y faire sentir de notre relation à nous-mêmes et au monde. À travers une écriture qui n’était pas que de simple et plate expression. Et continuait d’interroger son temps.
Je me questionne depuis longtemps sur ce qui peut bien nous pousser, nous auteurs de textes dont nous savons combien faible sera le nombre de ceux qui les liront et pas toujours pour de bonnes raisons, à entreprendre malgré tout de les faire paraître. Tellement aujourd’hui aussi de publications. Et si peu parmi elles de textes essentiels. Sans doute que notre besoin de reconnaissance est plus fort que nous ne le croyons. Et que chacun a besoin de porter témoignage de ce qu’il est. De ce qu’il fut. Au-delà des rôles auxquels souvent on le cantonne. Si écrire, je précise bien ici de la poésie, est un acte éminemment personnel, mystérieux et intime de construction et d’élargissement de soi qui pourrait se suffire à lui-même, publier est pour beaucoup, dans la société de l’image qui est la nôtre, et abstraction faite de ces fortes raisons que j’en aurai données ailleurs[2], une sorte d’affirmation publique de leur désir d’être autrement considérés. D’apparaître au monde comme artistes. Et de jouir même ridiculement, pourquoi pas, de cette image. Finalement, je n’ai pas sur ce plan, la prétention de me montrer si différent des autres.
Surtout qu’à mes yeux, les œuvres des hommes, même les plus modestes, voire inutiles, réclament pour garder quelque sens, de pouvoir exister. Ne serait-ce que pour faire signe un jour, de ce qui a été. Et les aura portées.
[2] Voir par exemple sur POESIBAO : https://poezibao.typepad.com/poezibao/2022/07/les-disputaisons-publier-sa-po%C3%A9sie-pourquoi-2-georges-guillain.html . Extrait :
Il y a pour moi quelque chose de la pierre tombale dans ce petit parallélépipède rectangle où se trouve inscrit notre nom et rassemblé sous une forme définitive un moment de notre vie. Ainsi le livre atteste-t-il dans ce grand cimetière des œuvres offert à la curiosité comme à l’indifférence publiques, qu’un jour, vivants et d’une vie rendue pour nous plus pleine par cet affrontement de la pensée sensible avec les immémoriales énergies de la langue, nous fûmes et toujours continuons, à la semblance de ces tombes romaines, d’interpeller le passant : « Fais-moi revivre par ta voix, ô toi l’inconnu qui liras ces lignes », « Arrête un peu tes pas, voyageur, apprends, en lisant mon inscription, quel fut mon sort funeste». Certes, la parole mise en œuvre dans le livre ouvre sur des univers infiniment plus riches, singuliers et moins égocentrés que les inscriptions lapidaires que je viens de citer. Reste que cette idée d’un dialogue esquissé entre l’un peu mort, comme disait Barthes, que devient l’auteur d’un livre et l’inconnu vivant qui dans un autre monde le rappelle à l’existence me semble une dimension fondamentale, sans doute l’un des ressorts anthropologiques les plus puissants, qu’on peut encore trouver derrière cette volonté qui relève sans doute toujours autant des passions tristes que des passions joyeuses, de publier.
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