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Le Mépris de la vie et Consolation contre la mort, du jeune bisontin Jean-Baptiste Chassignet est de ces œuvres qu’on ne lit plus et dont la plupart, même dans les milieux littéraires, ignorent, je crois bien, l’existence. On saluera donc les éditions Obsidiane d’en avoir proposé il y a deux ou trois ans, non une réédition mais un choix conséquent de quelques dizaines sur les 435 sonnets auxquels s’ajoutent un certain nombre de pièces plus longues – prières, oraisons, odes et examens de conscience ou syndérèses - qui composent ce livre phénomène, que son auteur aurait écrit en quelques mois avant ses 24 ans !
Paru en 1594, ces sonnets portent bien évidemment la marque de leur époque et témoignent en partie de l’influence des principaux auteurs du temps, à commencer par Ronsard bien sûr dont on retrouvera sans peine les traces dans le sonnet CXXV que nous reproduisons. L’esprit médiéval de danse macabre et l’imaginaire du corps corruptible et pourrissable ne sont bien sûr pas en reste comme celui plus neuf du caractère éphémère de toute chose, principalement de la vie humaine, qu’Erasme aura résumé dans son célèbre adage « Homo bulla »[1].
On lira avec plaisir et profit l’assez dense et large préface que l’éditeur et poète François Boddaert consacre à l’ouvrage de Chassignet. S’y trouve bien reprise l’influence profonde de Montaigne sur l’auteur[2] qui lui aura d’ailleurs soufflé sa propre définition de la poésie. Plus inattendue pour moi, qui me suis longtemps intéressé au Tarot, aux Tarots devrais-je dire, l’influence possible des arcanes majeurs de ce jeu - dont Boddaert rappelle encore au passage qu’on les appelait autrefois « Triomphes » - sur la composition thématique du livre. Bref, bien des pistes se voient ici réouvertes pour qui voudra approfondir et prolonger à l’infini sa lecture.
On regrettera toutefois que le souci de l’éditeur de moderniser l’écriture des textes conduise à l’apparition d’assez nombreux vers faux qui s’ils permettent au véritable amateur d’exercer sa sagacité viennent rompre l’impeccable métrique du jeune bisontin[3]. Surtout qu’à cela s’ajoute et c’est beaucoup plus grave un certain nombre de passages fautifs dont on trouvera deux beaux exemples heureusement corrigés dans notre choix.
[1] Sur cet « Homo bulla », je me permets de renvoyer à l’un de mes articles de blog, commentant un bien intéressant tableau d’Annibale Carraci, Le Buveur.
[2] Cette influence aura été plus tôt repérée par le chercheur français Armand Müller qui écrit dans un ouvrage publié en 1953 où il présente un choix de 200 sonnets de Chassignet : " Chassignet avait lu les Essais ; la préface du Mespris reprend, sans du reste indiquer la source, cinq lignes du chapitre XXVI du livre l, en changeant seulement quelques mots au début : 'Tout ainsi que la voix, contrainte dans l'étroit canal d'une trompette sort plus aiguë et plus forte ; ainsi me semble-t—il que la sentence, pressée aux pieds nombreux de la poésie, et s’élance bien plus brusquement, et me fiert[1] d’une plus vive secousse. ... ' ". Voir en effet le début du célèbre chapitre De l’Institution des enfants.
[3] Ainsi du démonstratif « cil » qui transcrit en « celui » transforme malencontreusement un hexasyllabe en un heptasyllabe.
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