vendredi 12 novembre 2021

RECOUVRER LE MONDE D’HERVÉ MARTIN. DANS LE FRÉMISSEMENT DES PLUS VIVES MATIÈRES.

Hervé Martin fait partie depuis plus de trente ans maintenant de mes poètes amis. Et compte, je le sais bien, parmi les plus fidèles. J’ai reçu son dernier livre, Recouvrer le monde, début juillet dernier, et ce n’est que maintenant que j’en rends compte. Ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. D’autant que bien des choses dans cet ensemble me parlent. M’émeuvent. Habitué que je suis, comme Hervé, aux longues promenades en forêts. À y laisser mon regard se perdre dans le spectacle toujours renouvelé des fûts, des branches et les miroitements de la lumière entre eux puis toute la mosaïque recomposée du ciel qu’aux saisons les moins froides le mouvement des feuilles balaie. Il y a chez Hervé Martin toujours ce frémissement de voir les vives matières de ce qu’on appelle la nature faire infiniment signes de ce qu’il nomme beauté et que je dirais moi, plus lourdement, d’interpellante existence, par ce qu’on y ressent d’intimité réciproque entêtée à s’entrepercer. Car les « matières » quelles qu’elles soient, minérales, végétales, silex ou écorce, relèvent pour Hervé Martin de ce grand mystère du monde avec lequel nous faisons sensuellement corps mais que notre esprit et nos mots restent malheureusement pour l’essentiel, impuissants à comprendre. D’où ce travail toujours recommencé de regard. Et par suite de voix. De poèmes. Qui tente non pas de recouvrir le monde mais de le recouvrer c’est-à-dire de le retrouver. D’en faire comme apparaître la direction perdue.

 

On pourrait imaginer à partir de là bien des parcours. Des plus graves. Comme des plus ésotériques. Ceux qu’emprunte Hervé Martin tiennent eux de la promenade. Voire encore plus simplement parfois de la balade. Dont il fournit au lecteur jusqu’aux repères topographiques. Combrailles et Sioule dans le premier ensemble. Berges de la rivière Yvette, sous-affluent de la Seine, baignant la vallée de Chevreuse, dans le dernier. Toujours on y retrouve la même attention sensible aux présences, formes, forces, mouvements, qui composent cette puissance de vie qui de partout se présente et quelle que soit le moment, la saison, s’affirme et nous pénètre. Et l’intelligence sensible du poète les accompagne, au-delà même du visible, comme il le fait des infimes diatomées dont il sait par les livres, la place éminente qu’elles tiennent, à la base de nos réseaux trophiques, dans l’équilibre du vivant.

 

Oui, comme nous le fait entendre Hervé Martin, le monde est un grand geste. Qui n’exige en retour pas de grands mots. Peut-être simplement une heureuse, mélancolique ou délicate gravité. Et nulle excessive attente. Que de savoir chercher en soi, par exemple, dans l’eau courte d’une rivière, qui voyage, « des éclats de lumières que renverraient vers nous les ventres des poissons ».

EXTRAITS



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire