dimanche 7 novembre 2021

POÈTE À DÉCOUVRIR. JOHN CLARE, 1793-1864.

CASPAR DAVID FRIEDRICH, L'ARBRE SOLITAIRE, 1822, BERLIN ALTE MUSEUM.

 Un post Facebook du poète Jean-Pierre Vidal me fait aujourd’hui ressouvenir d’un poète anglais, contemporain de Keats et de Shelley, dont l’œuvre restée chez nous infiniment moins célébrée que celle de ses 2 prestigieux compatriotes, ne mérite pas de rester ignorée. Il est vrai qu’être enterré jeune à Rome après une fin tragique fait plus pour une réputation que mourir lentement dans un asile surtout quand on ne se trouve être au final qu’une sorte d’autodidacte égaré n’ayant comme singularité que d’écrire des vers pas toujours clairement ponctués et de hanter les bois et les campagnes. John Clare puisque c’est de lui qu’il s’agit, vécut presque totalement en marge de la bonne société et la majorité de ses poèmes ne fut publié qu’à titre posthume avant de devenir une référence pour nombre de poètes modernes dont l’un des fondateurs de l’école de New-York, John Ashbery.

Une série américano-britannique, que j’ai vue d’ailleurs avec plaisir, Penny Dreadful, multipliant les références aux mythes et œuvres littéraires fantastiques du XIXe siècle, fait entendre par la bouche de 2 de ses personnages, l’un d’eux portant d’ailleurs le nom du poète, un poème magnifique de Clare intitulé Je suis, dont voici le texte traduit par François Holmey

Je suis – mais qui je suis, nul ne sait ou s’en soucie ;

Mes amis me délaissent tel un souvenir vieux :

De mes propres souffrances je me rassasie –

Elles enflent et meurent dans un essaim oublieux

Comme les ombres de nos affres amoureuses –

Et pourtant je suis et je vis – ballotté, vaporeux,

 

Dans le vaste néant du mépris et du bruit,

Dans l’océan vivant des rêves éveillés

Sans le moindre bonheur et sans la moindre vie,

Que le naufrage seul de mes vies estimées ;

Et même les êtres que j’aime, les êtres chers,

Me sont devenus étrangers – et je les perds.

 

Je rêve de lieux ou nul homme n’a marché,

Où nulle femme encore n’a souri ni pleuré,

Ainsi là avec Dieu, toujours, y demeurer,

Et rêver tel qu’enfant doucement j’ai rêvé,

Serein et calme, couché dans un songe éternel,

L’herbe en dessous – par dessus, l’arche du ciel.

 

Faisant quelques recherches sur internet, j’ai découvert ce bel article d’Anne Bertrand, publié dans la revue Vacarme, dont vraiment je recommande la lecture pour la richesse des associations que cette lectrice sensible et pertinente y multiplie. Où l’on verra que les amateurs – nombreux – de Walser, Thomas Hardy, Virginia Woolf et de beaucoup d’autres – je pense en particulier à Fabienne Raphoz et à tous les amateurs de la collection Biophilia de chez Corti – auront des choses à reconnaître chez ce poète paysan, sensible et discret habitant de la terre. Comme lui vulnérable.  

 

 

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