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jeudi 15 octobre 2020

RELIRE ! PIERRE GARNIER: UNE LIBERTÉ EN MOUVEMENT

 Ce texte est la reprise d’un article publié en décembre 2013 sur mon ancien blog.

 Peut-être qu'on ne voit pas assez comment tout le génie de la culture consiste aussi à emprisonner les choses dans les mots, les mots dans les idées. Les idées dans les systèmes. Le tout s'abâtardissant finalement dans le prêt à penser aujourd'hui de l'industrie politico-culturelle qui permet à chacun ce luxe de pouvoir affirmer librement et hautement des opinions fabriquées en dehors de lui.

 C'est ce qui fait à nos yeux tout l'intérêt de la démarche que mène avec constance depuis plus d'un demi-siècle maintenant le poète Pierre Garnier dont les éditions de L'herbe qui tremble donnent à lire (louanges ), un livre où ceux qui suivent le travail de Garnier comme ceux qui ne le connaissaient pas trouveront matière à s'émerveiller d'une poésie qui sur la base des moyens les plus simples, parvient à renouer à chaque instant le fil toujours fuyant des mots avec les choses. Dans une rencontre où, chacun, le mot comme la chose, se trouve comme excité, ranimé, revitalisé, par leur mise en contact réciproque.

 Certes, à bien y réfléchir, c'est moins de la chose qu'il s'agit que de ce que les savants linguistes de notre adolescence appellaient le signifié. C'est à dire la représentation mentale, en fait imaginaire, de la chose. Mais ne négligeons pas toutefois que c'est par le signifié, par tout ce qui s'accroche à lui d'attention, de résonance profonde, que nous penchons vers les choses. Que nous appelons à nous le monde. Quand ce dernier, de son côté, nous bousculant à son tour, ne cherche pas en nous, les réclamant, les mots dont il a besoin, lui aussi, pour se dire.

Bien entendu encore, notre esprit est complexe. Et le monde, si l'on en croit les journaux mais aussi l'innombrable littérature, n'est pas non plus tout simple. Et c'est pourquoi les touts derniers poèmes de Pierre Garnier qu'on trouvera dans (louanges) ont ceci à nos yeux d'irremplaçables: ils manifestent à quel point la poésie n'a pas besoin d'être laborieuse, intellectualisée à l'extrême, pour exister. Qu'elle est capable de parler au vieillard aussi bien qu'à l'enfant. A celui qui dispose d'un réservoir de quelques milliers de mots comme à celui qui n'en maîtrise encore que quelques petites centaines. Nous ne voulons pas faire ici l'éloge de l'ignorance. Et de la facilité. Ni de l'antiélitisme primaire. Nous savons à quel point la connaissance élève. Mais à la condition qu'elle soit accompagnée d'une véritable sensibilité. Qu'elle conserve son inquiétude. Sa capacité aussi à toujours s'interroger. S'émerveiller. Dans le souci d'atteindre une plus grande liberté.

 Cette sensibilité, cette capacité d'émerveillement qui rend proche de l'enfance, on la retrouve en effet de manière évidente dans la poésie de Pierre Garnier. A travers cette obsession, dont témoignent ses poèmes spatiaux, de libérer l'inépuisable énergie de notre imaginaire en affirmant par la multiplication des légendes, la capacité d'irradiation quasi infinie des formes les plus simples. Dans les poèmes de Garnier, du bout de ses brindilles, chaque arbre refait incessamment le monde. Rien n'est jamais immobile. Même le modeste petit fleuve, la Somme, se lève de son lit, pour survoler les terres. Question ici de regard. Rien, de fait, n’emprisonne. Et c'est la magie de la barque, même la plus étroite, qu'elle élargit les rives.

 Ainsi, face aux verrous multiples qui nous ferment les portes incertaines du monde, la poésie de Pierre Garnier accomplit le voeu de Michaux qui enjoignait à chacun d'éparpiller ses effluves. D'écrire "non comme on copie mais comme on pilote" pour être fidèle à son transitoire. Ce besoin de libérer la pensée, le geste, va chez Pierre Garnier, semble-t-il, chaque jour, plus loin, comme en témoigne le passage, dans certains de ses poèmes spatiaux, du texte dactylographié à l'écriture manuscrite. L'imprimerie n'est-elle pas aussi comme l'affirmait l'inventeur des logogrammes, le poète Christian Dotremont , une autre forme de dictature ? Ne tue-t-elle pas la moitié de l'écrivain en tuant son écriture ? Précisant qu' "imprimée, ma phrase est comme le plan d’une ville; les buissons, les arbres, les objets, moi-même nous avons disparu. Déjà lorsque je la recopie, et me fais ainsi contrefacteur de mon écriture naturelle, elle a perdu son éclat touffu; ma main est devenue quelque chose comme le bras d’un pick-up."

 On n'en finit jamais d'avancer sur le chemin des libertés 

vendredi 25 septembre 2020

RECOMMANDATION. TOUJOURS L’INCONNU DE YANNICK KUJAWA.

Belle époque que celle où les bibliothèques d’entreprise étaient encore fréquentés par un peuple divers de lecteurs et lectrices rattachées au monde pourtant pas si facile du travail salarié. C’est ce qu’on se dit à la lecture du très beau livre de Yannick Kujawa, Toujours l’inconnu, qui prenant le prétexte d’une lointaine émission diffusée en 1967 par France Culture mettant en scène une rencontre un peu artificielle entre l’écrivaine Marguerite Duras et un groupe de lecteurs de la bibliothèque des Mines d’Harnes dans le Pas-de-Calais, nous amène, entre bien d’autres choses, à réfléchir à la relation que nous avons, chacun personnellement, avec les livres.

 

En choisissant de faire entendre le monologue intérieur d’une poignée de participants à cette rencontre que l’on peut toujours écouter en cherchant un peu sur le net, Yannick Kujawa dont on sait l’attachement très personnel qui le lie au bassin minier dont il a fait le cadre non seulement historique et sociologique, mais aussi affectif de ses précédents romans, nous invite à comprendre qu’au-delà de leur signification, disons intrinsèque, à supposer d’ailleurs qu’il en existe une, les œuvres littéraires, romans ou poèmes, voire essais, ne sont surtout pour leurs lecteurs qu’une occasion de relancer en soi, et par un jeu constant d’associations, pas toujours prévisibles, toute une activité psychique. Singulière et débordante [1].

 

Et c’est la belle idée de Yannick Kujawa que d’avoir imaginé à partir de ce que nous révèle l’enregistrement radiophonique de la rencontre, cette riche vie intérieure dont s’accompagnent les interventions de ses personnages, épouses de mineur, mineurs eux-mêmes, étudiant qui a perdu son père à la mine, ingénieur, et entraîné par la fiction, d’avoir jeté la lumière sur l’humanité profonde, la dignité, de ces personnes que l’émission qui les donne à écouter, ne pouvait que voiler.

 

Car il y a quelque chose d’un peu pervers dans cette rencontre qui procède sûrement des meilleures intentions. Envoyer sans prévenir un écrivain de la stature de Marguerite Duras, faire parler ex abrupto les habitués d’une bibliothèque populaire perdue au fin fond d’un bassin minier, à partir de textes inconnus, de Michaux, de Melville ou d’Aimé Cesaire,  c’est les plaçant dans une double ou triple situation d’infériorité, rejouer en fait, sur le plan culturel, la vieille scène bien connue du gentil colonisateur sensé, même s’il s’en défend, se trouver du côté des Lumières. À cet égard, le redoutable magnétophone Nagra dont il est régulièrement fait mention dans le livre n’est pas sans me faire penser à ces appareils photos dont nos anciens explorateurs avaient soin de se munir pour ramener chez eux leurs fameux clichés ethnographiques.

 

De cela les personnages de Y. Kujawa sont bien conscients eux qui se trouvent bien entendu flattés de l’intérêt qu’exceptionnellement on leur porte, mais qui s’inquiètent des stéréotypes à travers lesquels ils risquent d’être largement perçus [2]. Alors si certains se laissent aller à leur habituelle propension au bavardage, d’autres préfèrent se réfugier dans un silence qui dissimule les réflexions les plus profondes. Ainsi Michel :

 

On peut tout de même se demander pourquoi les Parisiens sont venus précisément dans notre bibliothèque. J'imagine qu'ils ont des contacts syndicaux, politiques. À moins que ce soit France Culture qui se soit occupé de tout ça, qui ait passé un coup de fil. En tout cas ils auraient pu se rendre dans une autre ville, une autre cité, et c'est tombé sur nous. Je ne m'en plains pas, ils se montrent avenants, ils font en sorte que ça parle, que ça réfléchisse, mais on se retrouve à représenter une communauté entière sans avoir rien demandé. C'est une responsabilité. Je ne dis pas que les intentions étaient mauvaises, seulement les actes ont des conséquences. Si des gens des Mines écoutent l'émission ils auront forcément quelque chose à redire. Pas par jalousie, non, parce que nous ne représentons que nous-mêmes. On se retrouve à parler pour les autres, en quelque sorte, on parle à leur place, même moi qui ne parle pas [3]. Cette histoire risque de nous retomber dessus.

 

Et c’est cela peut-être la grande leçon qu’on peut tirer du livre de Yannick Kujawa. C’est que s’il n’y a pas comme l’écrit Marguerite Duras de « petites gens », il n’y a pas non plus de gens du Nord, de mineurs, de femmes de mineurs, d’ingénieurs, comme il n’y a pas non plus d’écrivains, de producteurs de radio, il n’y a que des individus, des personnes, dont chaque histoire est singulière, chaque sensibilité et chaque intelligence possède ses propres caractéristiques. Derrière ce qu’est venue chercher l’équipe de France Culture, l’image globalisante d’une « espèce » sociale étrangère à son propre « habitus » parisien, image que l’émission enregistrée est sensée figer et même un peu rectifier au montage, existent dans la réalité des êtres dont le secret ne peut si facilement se livrer. Que le romancier, lui, peut sans doute comme il le fait ici approcher davantage. À la condition de leur laisser toujours leur part irréductible d’inconnu. D’inconnu oui. L’inconnu. Toujours et toujours l’inconnu.



[1] Yannick Kujawa est aussi professeur de lettres en lycée. Tous les professeurs devraient lire ce livre qui leur fera sentir comment un texte découvert en classe par leurs élèves peut-être éprouvé de l’intérieur par chacun d’eux y compris par ceux qui restent toujours muets. Personnellement c’est toujours ce type d’appropriation qui en classe m’a paru le plus fécond du point de vue de l’enrichissement personnel des jeunes que j’ai eus devant moi. Plus que le fameux dressage herméneutique qui a bien sûr aussi son intérêt mais davantage d’un point de vue technique et intellectuel que d’un point de vue humain.

[2] Surtout à une époque où l’industrie touristique n’a pas encore suscité d’attrait envers les régions marquées par un fort capital industriel ou populaire.

[3] Remarque qui concerne aussi bien entendu l’écrivain. Là est l’aporie à quoi se heurte ce type d’ouvrage c’est que pour donner corps à la parole profonde, intime de l’autre, il se voit obligé de parler à sa place. 

dimanche 5 juillet 2020

BONNES FEUILLES. INGÉNIEURS DE L’ÂME DE FRANK WESTERMAN.

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Vraiment. Un livre qui mérite, que dis-je ? qui devrait, être lu par tous ceux que préoccupe la relation entre pouvoir, volonté politique et réalité. L’auteur, hollandais, est ingénieur hydraulique et s’intéresse en particulier à la façon dont la littérature a répondu sous la pression du pouvoir soviétique à l’injonction d’accompagner la transformation radicale du système hydrographique de l'énorme territoire qu'il gouverne, moins pour améliorer les conditions de vie de tous que pour imposer aux yeux du monde l’idée de la supériorité d’un régime capable de dompter les forces les plus apparemment incontrôlables de la nature. C’est vivant. Précis. Concret. Désespérant aussi car on aurait bien tort d’imaginer que les délires autoritaires, l’arrogance technocratique, les prétentions théoriques à enfermer la réalité, la folie technologique et le gaspillage insensé des ressources matérielles et humaines qu’elle entraîne, sur fond de clandestine servilité et d’universelle courtisanerie, aient disparu de nos sociétés.

L’extrait que j’ai choisi met l’accent moins sur la dimension proprement littéraire de l’ouvrage que sur la question plus large encore de la contribution des pouvoirs et des puissances, scientifiques, technologiques et humaines qui lui sont inféodées, à la production en chaine de catastrophes écologiques et sociales. Tant la capacité d’illusion des hommes dans leur pouvoir et leur volonté de puissance sont grandes.

Ce passage peut aussi être lu comme une fable analogue à celle que nous raconte Fontenelle dans la Dent d’Or : le biologiste Aliyev qui raconte ici à l’auteur/narrateur l’histoire de la construction à travers le désert du Kourskistan du plus long canal du monde, me faisant penser à l’orfèvre mis en scène par le philosophe français.

De tels textes devraient être lus, connus des jeunes avant qu’ils ne soient lancés dans le monde dit actif du travail et des responsabilités. Pour qu’ils apprennent à se défier des représentations abstraites et simplistes dont le plus souvent l’école aura chargé leur esprit. Comme le dit le texte, l’eau est beaucoup plus que ce qu’en dit la chimie. Elle est la Vie. Une vie dont ils doivent apprendre à s’approcher dans toute sa complexité et sa fragilité. Sans l’excessive présomption des soi-disant sachants.

dimanche 10 mai 2020

SUR LA RUELLE DE JOHANNES VERMEER. TRIPES, GLYCINE, VIEUX RÔLES ET RECHERCHE DU TEMPS PERDU.































Le tableau de Vermeer intitulé la Ruelle est peint autour de 1658. Ce n'est qu'en 2015 qu'un professeur d'histoire de l'art de l'Université d'Amsterdam réussit à identifier avec précision non seulement le nom de la dite ruelle mais aussi l'adresse des deux maisons séparées par des cours, l'une fermée, l'autre ouverte, qui s'y trouvent représentées. La clé du mystère se trouvait depuis sa création en 1667, dans le contenu d'un Registre des travaux de dragage des canaux de la ville de Delft, appelé aussi Registre des droits de quai, qui  précisait au centimètre près la largeur de toutes les maisons de la ville ! Merci donc à l'honorable  Professeur Frans Grijzenhout qui du même coup nous permet de savoir que la porte ouvrant sur la courée de droite était à l'époque appelée Porte des tripes (Penspoort en néerlandais) : la veuve vivant dans cette maison, qui n'était autre qu'une tante de Johannes, gagnant sa vie en cuisinant ces honnêtes et serviables boyaux. Allez. Un peu de pittoresque flamand ou bruegélien ne peut  ici - au 42 de la Vlamingstraat - faire de mal. Et qu'il me soit permis, au passage, de maudire mon inculture qui me fit sûrement passer bien des fois en ce lieu, sans jamais y remarquer, dans la cour que plus de 3 siècles n'auront pas suffi à dissimuler définitivement au regard, d'ombre de jeune fille penchée, sur le tonneau du temps. Encore moins le fantôme repenti de cette femme assise qu'on devine toujours un peu dans le tableau et que maître Johannes aura fait disparaître pour augmenter sa vue d'un lumineux effet de contraste et de profondeur.


Pourquoi, recueillant ainsi chaque jour de nouvelles preuves de mon ignorance, ne puis-je m'empêcher de penser alors devant la masse colorée de la liane qui recouvre tout le pan de mur à gauche de la composition et lui sert ainsi comme on dit de portant que ce ne peut être là un lierre comme le prétendent la plupart des descriptions que j'ai lues. Mon œil y percevant des nuances de mauve veut à tout prix en faire une glycine. Ce qui d'ailleurs combattrait avec bonheur les lourdes odeurs de panse qui devaient transpirer de la cuisine proche. Erreur. La glycine originaire du Céleste Empire, m'apprend mon cerveau numérique, n'aurait fait son apparition en Europe que beaucoup plus tard. Au début du XIXème siècle. Pourtant les Pays-Bas de l'époque de Vermeer, répond mon idée fixe, ne sont-ils pas déjà, par leur commerce, un peu aussi, la Chine ?

Bref. Pour revenir à notre bon professeur, on reste comme toujours, d'abord un peu sidéré par l'intelligence et l'application dont l'esprit humain est capable pour résoudre toutes sortes d'énigmes qui finalement restent d'un intérêt bien secondaire. En tout cas pour tout le reste, à quelques exceptions près, de notre grouillante humanité. Puis on admire. On sent que le monde, la moindre chose a de quoi incessamment relancer toujours notre curiosité. Nos infinis désirs de rapprochements. Notre besoin de sens. Et l'on se dit avec bonheur que sans doute il se trouvera toujours quelque part et parfois même en nous un professeur Grijzenhout pour mettre nos questionnements les plus rares, comme j'espère surtout nos plus nécessaires, sur la voie salutaire d'un début de réponse.

vendredi 3 avril 2020

DIT LA FEMME DIT L’ENFANT. CHRISTIANE VESCHAMBRE À LA RENCONTRE DE SON MOI PERDU.

Rudolf WACKER, Deux visages

Rares finalement sont les livres qui bouleversent. Non de cette facile émotion qui nous traverse au spectacle ou à l’évocation de ces situations où la vie dont nous nous croyons proches se voit ravager, violenter, mutiler, contrarier, par l’ordre naturel ou politique des choses. Mais de ce saisissement intime, de cette consolante tristesse, que produit la lecture d’un texte dont le filet lancé de phrases parvient à ramener à la conscience quelque chose en nous de l’épaisseur frémissante et incommunicable de la vie.

Ceux de Christiane Veschambre sont de ceux-là. Dans ce tout dernier ouvrage que publient les belles éditions isabelle sauvage, deux paroles s’échangent de part et d’autre d’une frontière en principe impossible à traverser, qui est de temps. Qui est aussi celle qui sépare les vivants et les morts. L’enfant qu’elle a été se tient devant une femme parvenue au crépuscule de sa vie au seuil de la maison qu’elle habite, trouant par sa présence fantasmée l’univers d’habitude et la consistance plus ou moins assurée de sa vie.

S’ensuit un étrange dialogue opposant moins des écritures que des consciences. L’enfant bien sûr restant ignorant de ce qu’est devenue la femme qu’elle sera ; la femme n’ayant accès à la conscience de l’enfant qu’elle fut que par le prisme retravaillé de la mémoire. Visuellement la scène s’ouvre sur un intérieur moitié bureau, moitié salon, aux fenêtres donnant sur une large campagne, dont les tapis pour l’enfant figurent comme une mer qu’il lui faudrait franchir pour avancer dans la pièce. Et dont chacun des meubles lui fait comprendre à elle, restée l’enfant d’un couple de femme de ménage et d’ouvrier d’usine, habitant l’espace étroit des pauvres, qu’elle se retrouve ici face à un autre monde.  

Si bien entendu, dans sa recherche du moi perdu, le dispositif imaginé par Christiane Veschambre lui offre toute latitude pour revenir, comme elle a l’habitude de le faire, sur ses origines familiales, de raviver bien des atmosphères, comme bien des détails précis de son existence passée, comme de faire le point aussi sur ce qu’elle est devenue, notamment par ce que lui auront apporté sa curiosité artistique, sa pratique personnelle de l’écriture, sans oublier la présence à ses côtés d’un compagnon aimé, les choses comme toujours chez Christiane Veschambre vont plus loin. Plus loin que les pittoresques évocations sur lesquelles elle s’appuie, plus loin que les considérations sociales même majeures qui ne sont jamais absentes de ses réflexions, plus loin au fond que le simple contenu de matière signifiante, que chacun trouvera à l’envie, dans ses livres.

Enfant docile et verbalement appliquée à collaborer avec le monde dans sa prétention générale à « habiller la vérité », « la blanchir », l’enfant porteur de monde qui se tient sur le seuil de la porte, « se tient dans le réel ». Mais c’est un réel sans mot. Alors que pour « la dame » devant elle, « il n’y a que les mots », son réel quant à lui  reculant au plus loin, « comme un animal s’engouffrant au profond du terrier ». De cette étrangeté réciproque, cette irréductibilité première, Christiane Veschambre ne sort qu’en substituant à « la langue berceuse », infantile et impuissante de l’enfant une langue d’enfance retravaillée par sa propre langue inquiète d’écrivain, aspirant à ce qu’elle a pu nommer dans l’un de ses précédents livres, essentiel,  la « basse langue » . Celle qui, au-delà de tout procédé, de toute rhétorique, creuse au fond même de l’incommunicable. Et finira par les unir, et la femme et l’enfant, à l’intérieur des mêmes phrases. Dans leur intime éloignement.

Alors pour reprendre l’intitulé d’un de ses précédents livres de poèmes, quelque chose approche, qui relève cette fois de la commune, vacillante et terriblement émouvante présence d’un temps qui ne tiendrait plus seulement à celui des montres et des horloges. Mais à cette disposition subjective qui fait ici le noyau secret d’une écriture qui rassemble. Et comme dans la chaleur fragile peut-être et hasardeuse d’un vieux poêle au matin, ramène autour d’elle son petit peuple de fantômes, d’êtres chers, d’aspirations, de curiosités et d’appétits illimités de vivre. Reprenant corps ou plutôt mouvement, battements silencieux de signes, sur les parois de ce livre-grotte, dont son auteur aura fini par faire le seul, unique, monde. Qui leur soit quelque peu commun.

mercredi 18 mars 2020

MIEL, LITTÉRATURE ET MODE D'EMPLOI DES MACHINES Á LAVER !

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J'aurai bientôt l'occasion, j'espère, de présenter et commenter un peu le livre de réflexion de Pierre Vinclair qui accompagne chez Corti la publication de La Sauvagerie qu'il définit comme une "épopée totale concernant l'enjeu le plus brûlant de notre époque, la crise écologique et la destruction massive des écosystème".
En attendant je propose au lecteur de se pencher sur quelques pages de cet ouvrage qui ne devrait pas laisser indifférent.

vendredi 20 décembre 2019

CE N’EST PLUS VOTRE MARI : C’EST UN RÉACTEUR. LIRE UN EXTRAIT DE LA SUPPLICATION DE S. ALEXIEVITCH.

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Suite à la récente lecture du livre de la poète et romancière norvégienne Ingrid Storholmen, consacré à la tragédie de Tchernobyl, il m’a semblé utile de proposer à ceux qui ne l’auraient pas encore lu, un extrait significatif de La Supplication, ce maître-livre de l’auteur biélorusse Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015. 
Ce livre publié dans sa traduction française par les éditions Jean-Claude Lattés, est disponible au format poche dans la collection J’ai lu.

lundi 2 décembre 2019

Á PROPOS DE TCHERNOBYL, RÉCITS, D’INGRID STORHOLMEN. CE PASSÉ TERRIFIANT QUI RESTE DEVANT NOUS.


« Un évènement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. »
Svetlana Alexievitch
La Supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, 1997

La mort le fait frémir, pâlir
Le nez courber, les veines tendre
Le col enfler, la chair mollir,
Jointes et nerfs croître et étendre
François Villon
Le Testament, 1461


Nous vivons dans un monde de solitude et d’abstraction. Où les chiffres masquent de plus en plus la matérialité des choses. Les transforment en idées dont le choc sur la conscience passe comme un éclair sans que nous entendions au plus profond de nous à quelles réalités permanentes, sensibles, ils correspondent. Plus de 9 millions de personnes meurent chaque année de faim dans le monde. Un enfant meurt tous les 5 jours, en France, tué par sa famille. Deux tiers des enfants entre 2 et 14 ans, ce qui fait plus d’un milliard, font l’objet dans le monde de violences physiques régulières. Chiffres, chiffres. Abstractions…

Heureusement, des livres, des films, prennent le temps de nous faire éprouver d’au plus près ce qui se cache de difficultés, de souffrances, de rêves avortés, d’aspirations sacrifiées, d’existences mutilées, derrière la connaissance désincarnée que nous avons des choses. Comme la Supplication qui lui a servi largement de modèle, Tchernobyl, Récits d’Ingrid Storholmen est de ceux-là. Certes, ces « hommes, femmes, enfants, babouchkas, adolescents fringants, futures épouses, chiens, esprits » qui prennent ici la parole le font à travers la voix de cette norvégienne d’une quarantaine d’années dont les deux sœurs ont dû se faire enlever la thyroïde pour avoir subi les effets des pluies chargées de césium 137 qui se sont abattues dans leur propre pays. Mais toute littérature est traduction. Le mot n’est jamais la chose. Heureusement qu’il est des mots parfois qui aident à mieux sentir et partager, pour les interroger vraiment, les choses.

Catastrophe, tragédie et certainement pas comme les dirigeants de l’époque s’essayèrent à en persuader le monde, simple « accident », ce qui se passa dans la nuit du 25 au 26 avril 1986 marque en profondeur notre histoire. Comme de façon plus terrifiante encore, brosse peut-être le tableau de ce que nous réserve l’avenir. Nous interdisant à tout jamais cette aveugle confiance qu’à certains moments nous aurons pu entretenir envers les technologies. Envers le témoignage de nos propres sens. Comme envers les gouvernements auxquels nous faisons naïvement crédit de vouloir avant tout assurer à leur peuple, attention et sécurité [i].

Car au-delà du caractère proprement incommensurable des victimes qu’elle aura entrainées et continue toujours aujourd’hui à produire, selon des modalités que personne ne peut se targuer de connaître vraiment, la catastrophe de Tchernobyl inaugure pour l’homme une relation au monde bien plus terrible que celle imposée par la guerre. Étant une guerre au-dessus de la guerre[ii] où l’homme aura porté la main sur tout, sur tout ce qui existe : air, eau, plantes, animaux, et bien entendu ses semblables, ses proches, faisant de tout un potentiel ennemi, abritant en son sein les radiations. Á la fois invisibles et mortelles.

Ils avaient cru se doucher de printemps ceux qui sous les pluies
brillantes d’une fin d’avril 1986 ont laissé la maladie rouler dans leurs oreilles, laissé les racines de leurs cheveux s’abreuver de césium. Il croyait vivre un grand instant[iii], prélude à toute une vie de bonheur, ce jeune couple faisant pour la première fois l’amour sous le ciel plein d’étoiles juste avant qu’au-dessus de la centrale ne s’élève un nuage rouge et gris en forme de champignon et que la vie, brutalement bascule. Comme dans la Supplication, le livre d’Ingrid Storholmen n’en finit pas d’énumérer les retombées effroyables de la catastrophe. Osant plus que son modèle d’ailleurs s’aventurer, appuyée qu’elle se veut sur une écriture plus ouvertement poétique, jusque dans l’intimité de ses personnages [iv]. Elle le fait en soulignant bien la dimension temporelle de l’évènement. Un évènement dont on connaît la date initiale mais dont nul ne peut prétendre indiquer la fin.

« Tchernobyl est un évènement encore en cours, les gens tombent malades non seulement en Ukraine et en Biélorussie, mais aussi en Norvège. La terre y est toujours condamnée, brebis et rennes doivent encore être nourris de la main de l’homme. Le temps de désintégration de certaines matières radioactives est extrêmement long. Tchernobyl est une catastrophe qui vient à peine de commencer » écrit-elle à la fin de son livre. Rejoignant la terrible conclusion de Svetlana Alexievitch déclarant à propos des différents témoignages récoltés par elle entre 1986 et 1996 : « plus d’une fois j’ai eu l’impression de noter le futur » [v].




[i] « Tous nos instruments intérieurs sont accordés pour voir, entendre ou toucher. Rien de cela n’est possible. Pour comprendre, l’homme doit dépasser ses propres limites. Une nouvelle histoire des sens vient de commencer… » écrit S. Alexievitch. Dans un monde où les menaces les plus graves sont devenues largement invisibles : une eau claire dissimulant des poisons toxiques, un fruit merveilleusement rouge et calibré enfermant les pesticides qui peu à peu altèreront notre santé, le beau nuage s’avançant dans le ciel bleu porteur de radiations, les images futiles que nous transférons sur les réseaux sociaux précipitant sans que nous puissions rien en voir la future catastrophe climatique… notre esprit rechigne toujours à douter des apparences. Comme il ne se montre pas toujours assez prompt ni suffisamment éclairé pour se défier vraiment des discours rassurants qui l’abreuvent. Ce n’est pas seulement du fait que de nouvelles catastrophes nucléaires sont possibles que des livres comme ceux de S. Alexievitch ou de I. Storholmen, comme j’y insiste en conclusion, ne nous parlent pas que d’un passé dont les conséquences ne sont toujours pas épuisées mais aussi d’un avenir qui nous laissera sans doute aussi désarmés que ceux et celles dont ils auront porté haut et fort la tragique parole.

[ii] Et pourtant la guerre, les guerres, qui sont aussi évoquées dans ce livre sont l’occasion de bien des horreurs. Telles celle que raconte Anna à une journaliste. L’histoire de son tout jeune enfant mangé par un voisin à l’occasion de la famine entraînée par le siège de Stalingrad.

[iii] C’est en hommage au beau livre d’Olivier Barbarant, Un grand instant que le hasard de mes lectures et de mes relectures a fait cotoyer sur mon bureau les ouvrages consacrés à Tchernobyl, que j’utilise cette expression. Qui m’a paru entrer en profonde résonance non seulement par l’esprit mais aussi à travers une partie de ses motifs déployés avec ce qui fait le fond pathétique du chœur des voix montant des victimes de la catastrophe nucléaire. Ces victimes avaient une vie. Des amours. Des habitudes, des rêves. Ils vivaient dans les saisons. Possédaient un jardin. Des animaux. Se baignaient dans le long courant des rivières. Si leur vie n’était pas destinée à être une vie tout-à-fait facile, ils pouvaient toutefois espérer au soir de leur existence, l’unifier autour de quelques heureux souvenirs : « des gouttes d’eau, un peu de perle ». C’est aussi cela qu’a détruit Tchernobyl. Tchernobyl qui au passage signifie « absinthe ». Qu’on retrouve – hasard objectif ? – dans le titre de la première section du livre de Barbarant.

[iv] Je remarque en outre que la Supplication qui insiste bien pourtant sur la déconstruction, chez la plupart des personnes interrogées par l’auteur, du système ancien de valeurs, est encadrée par 2 récits bouleversants témoignant de la toute puissance d’un amour absolu. Le livre de Storholmen n’hésite pas à montrer comment aux yeux d’une femme amoureuse la maladie de son époux a fini par le transformer à ses yeux en « une chose, rien qu’une chose. Pas son homme ». Rien qu’« un trou où déverser la soupe, un autre pour la recracher ». Les rayons ne font pas que dévorer des chairs. Ils finissent par détruire les plus beaux sentiments.

[v] Il faut opposer la tragique lucidité de nos deux auteurs à l’hallucinante superficialité de ces touristes de la catastrophe qui viennent aujourd’hui dans la zone d’exclusion, se faire photographier au pied du nouveau sarcophage, profitant ainsi des offres de peu scrupuleux opérateurs leur proposant de « vivre à leur tour et de partager l’expérience de Tchernobyl ». Etrangement, par ailleurs, la littérature autour de Tchernobyl, notent nos deux auteurs, est relativement pauvre. On ne peut que se réjouir donc de la sortie de ce nouveau livre de I. Storholsen comme du succès mérité de la très efficace et passionante série diffusée récemment sur NETFLIX, sobrement intitulée Tchernobyl.

mercredi 27 novembre 2019

DES EFFETS MONSTRUEUX DE LA GLOBISHISATION. POURQUOI IL NOUS FAUT IMPÉRATIVEMENT LIRE LE DERNIER LIVRE DE GÉRARD CARTIER !

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Poètes, écrivains, enseignants nous sommes attachés à cette langue que nous travaillons et tentons de transmettre. Car nous savons que la langue comme l’écrit Barbara Cassin, prolongeant une belle image du grand linguiste allemand Humboldt, « n'est pas seulement un instrument de communication, un service ; ce n'est pas non plus seulement un patrimoine, une identité à préserver. C’est un filet jeté sur le monde » qui ramène à notre conscience une part de réalité. Nous permettant de la penser. Plus une langue est forte, riche, plus la part de réalité qu’elle nous permet d’entrevoir est précise et profonde. Plus la langue s’appauvrit, plus le filet de son vocabulaire, les mailles de sa structure se distendent, plus large devient la part de monde qui fuit hors de notre conscience. Échappe à notre sensibilité.

« Quand on dit « bonjour » ou « good morning », on souhaite que la journée soit bonne. Quand les Grecs se saluaient, ils disaient « Khaire », « jouis », réjouis-toi de la beauté du monde dont tu fais partie. Les Latins disaient plutôt « vale », « sois en bonne santé ». En arabe, en hébreu, on fait שלום que « la paix soit avec toi ». En mandarin, paraît-il, on demande : « As-tu mangé ? » C'est toujours bonjour, mais on n'ouvre pas le monde de la même manière. » écrit Barbara Cassin dans une chronique de l’Humanité reprise en ligne par le collectif national l’Appel des appels, qui s’est donné pour mission de « résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social ». En l’occurrence ici notre heureuse et féconde diversité.

Dès lors comment ne pas réagir face à la mise en place de cette pseudo-langue universelle, le « globish » dont il faudrait être aveugle pour ne pas voir comment – sous des apparences légères et le plus souvent ludiques – le terrible travail d’uniformisation des sensibilités et des consciences qu’il entreprend, nous soumet chaque jour davantage au règne de l’argent et de la marchandise.  

Sous le régime nazi, un philologue allemand Viktor Klemperer a tenu un compte quasi journalier de la façon dont la langue du 3ème Reich, - c’est le titre de son ouvrage [1] – est, à force de simplisme et de matraquage, parvenu à faire nager "dans la même sauce brune " la plupart des esprits d’un des pays comptant pourtant parmi les plus cultivés d’Europe.[2]


Cette chose qui nous menace aujourd’hui, d’ailleurs amplifiée par l’extrême fascination qu’exerce sur chacun la toute puissance des nouvelles technologies, est peut-être plus grave car elle ne se limite plus aux frontières d’un pays. Elle ne vise rien moins qu’à s’imposer à l’ensemble des peuples de la terre.  C’est pourquoi nous pensons important d’offrir à la réflexion de ceux qui nous liront, ces pages essentielles du dernier livre de Gérard Cartier, Du franglais au volapük, dont nous avons précédemment rendu compte, en espérant en voir le plus possible partagés, l’inquiétude et le désir de résistance.



[1]  Victor KLEMPERER, LTI, la langue du 3e Reich. Carnets d'un philologue, Paris, Albin Michel (coll. Bibliothèque Idées), 1996, 375 p. Traduit de l'allemand et annoté par Elisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.
 
[2] Qui fabrique la LTI ? V. Klemperer voit en Gœbbels son forgeron principal, et en Hitler, Göring et Rosenberg ses acolytes. Qui parle la LTI ? « Tous, littéralement tous, parlaient […] une seule et même LTI» (p. 330). Le nazisme a fait de la langue du parti la langue de tous. Il a fait d'un bien particulier un bien général. Il a accompli son dessein totalitaire. Partout, même « dans les maisons de Juifs, on avait adopté la langue du vainqueur » (p. 258). Les mots circulent, du parti à l'armée, du parti à l'économie, du parti au sport, du parti aux jardins d'enfants. Le mot Weltanschauung (vision du monde), à son départ « terme clanique », se met à circuler sur toutes les lèvres : « Chaque petit-bourgeois et chaque épicier des plus incultes parle à tout propos de sa Weltanschauung et de son attitude fondée sur sa Weltanschauung » (p. 191). Extrait du CR de l’ouvrage de V. Klemperer par Alice Krieg, dans la revue Mots, n°50, mars 1997. Israël - Palestine. Mots d'accord et de désaccord. Voir en ligne : https://www.persee.fr/issue/mots_0243-6450_1997_num_50_1?sectionId=mots_0243-6450_1997_num_50_1_2319


vendredi 18 octobre 2019

RECOMMANDATION. HABITER. UN LIVRE DE SEREINE BERLOTTIER ET JÉRÉMY LIRON AUX ÉDITIONS LES INAPERÇUS.

Comme on aimerait pouvoir rassembler en une seule et belle phrase, voire en un seul et beau livre profond, brillant, définitif, cette indécidable part d’intime réalité autour de laquelle de textes en textes, de tableaux en tableaux, de tentatives en tentatives, nous tournons en fragments, en images. Dans la sourde mélancolie de ne jamais pouvoir pleinement l’habiter.

Habiter. Oui c’est cela : habiter. Mais que faut-il encore entendre par ce mot ? Tant nos formes et

mardi 17 septembre 2019

RECOMMANDATION. LE LIVRE JAUNE DE L’AUTRICHIEN ANDREAS UNTERWEGER CHEZ LANSKINE.


C’est un livre vraiment qui m’aura enchanté, en cette période où, plongé dans la lecture de divers essais qui je l'espère me feront mieux comprendre certains des grands problèmes que soulèvent la marche et l’organisation du monde, j’ai laissé s’accumuler sans trouver le temps d’en parler et parfois même de les lire – et je m’en excuse bien sincèrement -  la plupart des ouvrages de poésie que leurs auteurs m’ont adressés.
Ouvrage inaugural d’une nouvelle collection dirigée chez LansKine par Paul de Brancion, Le Livre jaune d’Andréas Unterweger est un livre dont j’aimerais pouvoir rendre compte de façon attentive et détaillée. Tant chez lui intelligence et sensibilité, simplicité et profondeur, imaginaire et réalité, rigueur et émotion s’y retrouvent intimement liés. Dans une évocation du bonheur et de l’enfance qui sous ses dehors de conte poétique, ne se montre jamais niaise et touche même aux plus philosophiques questions. Qu’on en juge à travers l’un de ses chapitres qui nous montre les 7 jeunes garçons de la maison jaune, tout au milieu des champs jaunes, éprouver la pluie qui tombe sur leur territoire d’été.
On appréciera tout particulièrement, outre la belle traduction à laquelle est parvenue Laurent Cassagnau, le jeu singulier et particulièrement subtil des italiques et du passage à la ligne.


jeudi 12 septembre 2019

FAUVELLE, MICHON, COETZEE, LA VENUS HOTTENTOTE ET L’ÉCRITURE BONNE.

Pour Jean-Marie Perret

Gravure de Hans Burgkmair, vers 1508 représentant les khoekhoes
Sensible à certaines remarques qu’on aura pu me faire, je reviens, fidèle à ma manière à la fois concentrique, allusive et indirecte d’envisager, comme je peux, les choses, au livre de François-Xavier Fauvelle, A la recherche du sauvage idéal, qui m’a fourni le point de départ de ma récente réflexion sur quelques impostures courantes de notre poésie. Oui, on ne saurait trop insister sur l’originalité et l’intérêt de la démarche par laquelle cet ouvrage tente de rendre compte de la réalité d’un très ancien groupe humain que les aléas de l’histoire auront amené à disparaître non sans nous avoir laissés construire d’eux une image désolante qui en dit long sur les carences de notre propre équipement moral.

samedi 6 juillet 2019

ACTUALITÉ DU SONNET ? SANS ADRESSE : LE CHANT D’EXIL DE PIERRE VINCLAIR.

Le Fuxing Park Shanghai, Source Wikipedia
Tenter de rendre compte dans son détail et ses mille et une subtilités de l’ouvrage de Pierre Vinclair que les éditions LURLURE, viennent de m’envoyer en compagnie d’un autre bien intéressant ouvrage d’Ivar Ch'Vavar que je compte avoir le temps de lire plus attentivement dans les semaines qui viennent, est une tâche à laquelle je préfère ne pas me risquer, conscient de ne pouvoir rivaliser avec l’acuité du regard critique et l’ampleur réflexive de l’auteur de Terre inculte, ouvrage consacré par Vinclair à donner tout en la commentant pas à pas, sa propre traduction du Waste land de T.S. Eliot.

jeudi 27 juin 2019

SUR LES RONCES DE CÉCILE COULON. AUX ÉDITIONS DU CASTOR ASTRAL.

Le succès de Cécile Coulon, je veux dire de la poésie de Cécile Coulon, tient un peu du phénomène. Que penser en effet de la fortune de l’unique recueil de cet auteur de 27 ans qui déjà peut se flatter de réunir des milliers de lecteurs puis de s’être vu décerner, quelques mois après sa parution, le-prestigieux-prix-Apollinaire, habituellement décerné à des auteurs confirmés, d’un autre âge ?

Sans doute que si, parallèlement, Cécile Coulon n’avait pas, depuis une dizaine d’années, donc à partir de 17 ans, déjà publié chez Viviane Hamy une bonne poignée de romans ayant assez largement rencontré leur public, elle serait toujours de ces poètes dont personne ne parle puisque personne ne les lit.



Ce qui ne signifie pas a priori qu’il ne faut pas la lire.