dimanche 11 juin 2023

PETIT RÉCÉPISSÉ POÉTIQUE. C’EST LA VIE ELLE-MÊME QUI A ÉTÉ DÉPORTÉE. LILI FRIKH.


Merci à Lilli Frikh et à Marie Virolle de m’avoir adressé ce livre trop rapidement parcouru encore et dont je réserve la lecture attentive pour l’été qui approche et avec lui surtout cette suffisamment longue réserve de temps qui permet de jouir vraiment de chaque geste, chaque moment plus pleinement habités. Un Mot sans l’autre, dialogue entre Lili Frikh et le psychanalyste Philippe Bouret aborde des sujets essentiels et traite entre autres choses de l’imposture radicale de la Littérature avec un grand L lorsqu’elle se réduit comme c’est souvent le cas à n’être plus qu’objet, fabrique ininterrompue de ces mèmes à travers quoi nos esprits aliénés s’imaginent exister. Imposture radicale aussi de la parole quand elle ne prend pas voix au plus fragile et plus risqué de l’être qui sait bien que les mots, que la langue réclament d’être éprouvés, à chaque instant recréés, pour se faire présence. Devenir signes vrais.

Extrait :

Quand j'étais enfant, je ne savais pas que c'était les mots, je sentais quelque chose dedans, une présence. C'était les mots la présence. C'est aussi comme ça que je sens qu'il y a quelqu'un ou pas.

La présence est infalsifiable.

La présence sur le Net c'est falsifiable.

La puissance du numérique est là, dans cette déportation sans précédent, non plus des juifs ou des noirs ou des homosexuels ou des femmes etc... Mais de l'ensemble de la société dans un espace totalement falsifiable. En très peu de temps, c'est la vie elle-même qui a été déportée et des algorithmes qui prennent en charge nos désirs les plus intimes.

Quand on rencontre quelqu'un pour de vrai, on sent quelque chose qui implique la vie et qui ne peut être ressenti autrement. Est-ce qu'on a oublié, est-ce qu'on préfère oublier, est-ce qu'on ne veut plus sentir ?

Dans « Carnet sans bord », je pose la question

« Sentir... Sentir l'existence... Tu veux plus ? »

Est-ce qu'une société peut faire l'économie de la présence et fabriquer un espace de fonctionnement entièrement programmable ?

J'ai l'impression que notre époque essaye. »

 pages 92-93

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