jeudi 29 juin 2023

CAHIER D’ACCOMPAGNEMENT DE LA SÉLECTION 2023-24 DU PRIX DES DÉCOUVREURS. PAGE BLANCHE ALGER DE JEAN-PHILIPPE CAZIER CHEZ LANSKINE.


 

Page blanche Alger est un court ouvrage qui devrait intéresser les jeunes qui le découvriront. Certes, il n’est pas d’un abord particulièrement simple, tout parcouru qu’il est d’une interrogation sur le temps, la mémoire impossible et l’absence. Et sans doute faut-il aussi déjà une assez grande expérience de la complexe relation qui unit le signe aux réalités qu’il désigne pour comprendre que nommer n’est pas toujours faire apparaître. Qu’il peut être aussi le contraire. Quoi qu’il en soit j’imagine que chacun sera sensible à l’effort réalisé dans ce livre pour, tout en s’approchant jusqu’à la faire parfois parler en première personne de l’enfance à jamais inconnaissable d’une mère, en respecter jusqu’au bout l’énigme et l’inguérissable mystère.

Pour accompagner ce livre nous avons choisi diverses images qui en éclairent chacune à leur manière un aspect. D’anciennes images jaunies, proches de la carte postale, témoignent de ces lieux de l’enfance, de ce cadre particulier de certains quartiers de l’Alger d’autrefois dont ne restent aujourd’hui que des souvenirs figés. J.P. Cazier reprend comme on ressasse en soi les vestiges de son propre passé ces restes qui se dérobent : les rues, la rue d’Isly, le 31 rue de l’Union, le jardin botanique du Hamma, le vestibule de l’hôtel Oasis, le port d’Alger, la forêt de Baïnem… En relation avec une partie de ces évocations, les images reprises au peintre espagnol Joachim Sorolla parlent d’elles-mêmes. Célébrant ce bonheur quasi animal, innocent, d’être au monde sous la chaleur du soleil et dans la fraîcheur de la mer, elles s’opposent naturellement aux deux images accolées empruntées au peintre danois Hammerschøï, peintre aussi bien du silence que de l’absence. Ainsi, dans l’ouvrage de J.P. Cazier, l’espace ouvert de la plage et de la forêt, des larges avenues algéroises claires et animées se heurte à l’espace refermé sans dehors de l’appartement vide qui se confond avec la mort. Cette mort, d’une tout autre nature cependant, que nous avons voulu figurer à travers l’image de ces corps abattus dans une rue parisienne qu’a réalisée le peintre Maximilien Luce en mémoire des morts de la Commune. Le lecteur trouvera page 16 du livre, le passage qui nous aura conduit à ce rapprochement. Il marque ici l’importance du contexte historique – celui de la guerre d’Algérie – à l’origine de la mort du jeune Ahmed qui bouleversera apparemment pour toujours la mère du narrateur. Pour terminer nous avons repris au peintre Jean Fautrier, celui de la fameuse série des Otages, une toile de 1943, intitulée Sarah, que nous avons débarrassée de ses couleurs pour mieux rendre cette troublante impression que cherche à produire l’ouvrage, celle d’une figure de femme, surtout de l’enfant qu’elle fut, sans doute au début émerveillée de vivre mais dont rien ne reste en fait, avec le temps, après les drames qu’elle aura connus, les secrets qu’elle aura fait siens, qu’une poussière de mots qui en disent au final moins longs que le vibrant et chavirant silence, qu’ils laissent autour d’eux. 

FEUILLETER SUR CALAMEO 

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