lundi 9 mars 2020

CEZANNE À MARMOTTAN. PANURGISME ET CORONAVIRUS !



Á quoi peut bien servir d’organiser à grands frais une exposition qu’on rend par ailleurs quasiment invisible par les conditions de visite qu’on inflige au public venu s’en régaler. Ce Cezanne, Rêve d’Italie que propose actuellement le Musée Marmottan, a tout a priori pour séduire. Outre la réputation bien entendu du maître d’Aix, tant auprès du grand public que des vrais connaisseurs, sans compter bien sûr les artistes eux-mêmes, l’idée de mettre doublement en perspective son œuvre en la comparant à ses sources italiennes ainsi qu’aux nombreux peintres de la péninsule qui s’en sont ensuite inspiré, a de quoi attirer. Toutefois comme les rapprochements effectués par les organisateurs de l’exposition sont loin de sauter toujours immédiatement à la vue, il faut pour tirer vraiment profit de la visite pouvoir prendre le temps de tranquillement regarder et comparer les œuvres et de lire pourquoi pas les nombreux cartels explicatifs qui très pédagogiquement les accompagnent.

Paysage classique de Francisque Millet
Or une telle chose est impossible. Encombré de visiteurs et surtout de groupes faisant cercles autour de différents conférenciers, au point de masquer de leur masse importune la plupart des tableaux qui y sont accrochés, l’espace relativement étroit des salles qui s’offre au parcours tient plus de la jungle amazonienne ou du grand magasin le premier jour des soldes que du lieu de contemplation et de réflexion qu’il devrait avoir pour vocation d’être.

C’est bien dommage assurément. Mais finalement bien représentatif de l’évolution de nos sociétés qui font consommation de tout et ont édifié le panurgisme touristico-culturel au rang de vertu cardinale. Alors que l’art continue à ne pas trop nourrir son homme, la culture, elle, s’en nourrit sans complexe, lançant les foules avides de distinction vers les grandes choses souvent méprisées du passé, à grands coups de lancements publicitaires.

On pourrait recommander aux responsables de Marmottan de réserver, comme cela se fait par endroits, les visites guidées à quelques plages horaires pour redonner au visiteur solitaire un peu de la jouissance effective du lieu. Pas certain que cette décision de bon sens prime sur la politique du chiffre qui ravage la plupart des "managers" du temps. Ne reste d’espoir alors que dans le coronavirus. Quand on s’apercevra que devant les tableaux ici rassemblés, de Cezanne, de Tintoret, de Poussin ou de Morandi, ce sont des foules qui s’entassent à se marcher sur les pieds, engoncés dans leurs manteaux, leurs pardessus – le musée n’ayant pas de vestiaire ! – chaque visage à moins de cinquante centimètres de son voisin, peut-être que pour éviter la fermeture on se résoudra à ne faire entrer qu’un petit contingent de visiteurs qui enfin pourra profiter de ce qu’il n’hésitera sans doute plus alors à estimer avoir été une belle exposition.

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